Le chantier de la réforme territoriale, confié à un nouveau comité Balladur, serait à l'ordre du jour, alors que la préoccupation des citoyens semble plus proche de la situation économique et des inquiétudes qu'elle fait naître.
Le tissu économique s'effiloche et se découd et le gargarisme régionaliste apparaît de plus en plus frivole. Il y a des priorités et des exigences qui ne se laissent pas réduire par des considérations accessoires.
Les petites phrases se multiplient et nourrissent des interprétations diverses, parfois contradictoires.
Qu'a dit Nicolas Sarkozy devant le congrès des maires de France ?
Il a parlé d'un « mouvement expérimental de fusion de régions qui le souhaiteraient » , d'un « mouvement de rapprochement des régions » . S'il a encouragé la diversité, le volontariat, l'expérimentation et la souplesse, il n'a nullement évoqué la partition d'une région allant toujours dans le sens de l'agrégation, de la maximisation de la taille et de la démographie.
C'est d'autant plus vrai qu'il a cité le statut des grandes agglomérations que le comité Balladur appelle les communautés métropolitaines, élues au suffrage universel et reprenant les compétences des communautés d'agglomération, des conseils généraux et certaines des régions.
Alors que le problème cardinal de la France est dans son niveau inconsidéré de dépenses publiques et dans un endettement massif, on botte en touche en croyant qu'il faille faire enfler la grenouille pour qu'elle devienne aussi grosse qu'un bœuf purement imaginaire. Il est vrai que tout bourgeois veut bâtir comme un grand seigneur.
Un Grand Paris va naître, puis un Grand Lyon, un Grand Lille… puis un Grand Nantes et sans doute un Grand Rennes….
La taille n'est pas un critère décisif pour exister dans la compétitivité mondiale. Sa pertinence n'a jamais été démontrée. Mexico est immense et pauvre.
L'idée de la petitesse de nos régions relève aussi de l'intoxication. Le Pays Basque, prospère, est plus petit que la Bretagne B-4, et que dire de Hambourg qui est un land à elle seule sur 755 km² ?
Le rejet de l'idée de fusion a parfaitement été illustré en Allemagne en 1996 quand s'est tenu un référendum sur l'unification des Länder de Berlin et de Brandebourg. Les électeurs l'ont refusée. En revanche ils ont multiplié les programmes et les structures de coopération.
La direction dans laquelle Nicolas Sarkozy s'engage publiquement est bien celle d'un Grand Ouest en gestation souhaité par François Fillon et Jean-Marc Ayrault.
L'histoire, l'économie et la compétitivité seraient hors sujet. Il ne s'agit en réalité que de la défense et de la promotion de lieux de pouvoir. Depuis l'arrêté de 1956 qui créait la région Pays de la Loire rien n'empêchait de le modifier, notamment lors de la loi du 2 mars 1982 (loi de décentralisation G. Defferre). Ni le maire de Rennes, ni celui de Nantes ne veulent participer au déclassement de leur cité. Une capitale régionale, c'est un enjeu de pouvoir et un piège à subventions.
On entend bien, ici ou là, la demande d'un budget régional à la hauteur des enjeux. On procède par comparaison avec le Pays Basque. C'est oublier que si le budget régional est faible c'est parce que les prélèvements effectués au nom des départements, des structures intercommunales et des communes sont excessivement élevés.
Petite ou grande, une région qui n'a pas la plénitude des pouvoirs liés à son développement, est une région faible. L'augmentation de son budget, sans accroissement de la pression fiscale, passe inévitablement par une réforme profonde de ce millefeuille insensé. Le véritable enjeu devient même la réduction de la pression fiscale pour libérer les énergies et redistribuer du pouvoir d'achat. La crise a ceci de bon qu'elle met en évidence le poids étouffant des prélèvements publics qui ruinent nos économies, encouragent les délocalisations et génèrent du chômage.
« L'idée départementale, ça compte » a ajouté Nicolas Sarkozy.
Il fait erreur. L'échelon régional est la strate de référence utilisée par l'Europe pour le déploiement des politiques territoriales. C'est le niveau pertinent dans toute l'Europe.
L'idée départementale, ça coûte….
L'idée qu'une Bretagne réunifiée serait plus performante est une idée perverse. La réunification doit s'appuyer sur d'autres critères. Qu'en serait-il si la Loire-Atlantique était un département pauvre et sans grande agglomération ?
C'est aussi une idée qui s'appuie sur l'argument de la taille et de la démographie, argument irrecevable. La prospérité d'une région tient davantage à la réalité de ses pouvoirs délibératifs, à sa capacité d'innovation et aux synergies efficaces qu'elle peut encourager qu'au nombre de ses habitants ou de ses kilomètres carrés. Plus grave, cette idée sous-tend celle du Grand Ouest qui ne trouve pas d'autre justification que ce même argument.
Nous l'avons déjà écrit : la Bretagne ne peut attirer la Loire-Atlantique que si elle devient une région attractive et forte, et pas un territoire pour retraités de la fonction publique.
Une région peut apparaître plus riche qu'elle ne l'est en réalité, grâce au bénéfice des transferts.
Revenus des habitants, et richesse d'un territoire
Les traitements et salaires bruts fournissent aux ménages 600 milliards d'euros de revenu dont 216 de salaires publics. Ces mêmes ménages perçoivent, de plus, de l'ordre de 300 milliards d'euros de prestations sociales monétaires et, on l'a dit, 250 milliards de prestations en nature. On peut facilement comprendre, avec ces quelques chiffres que ce qui fait le revenu des habitants d'une région ou d'une ville est souvent moins la richesse qui y a été créée que des mécanismes complexes de formation du revenu, dépendant de la présence ou non des propriétaires du capital et des salariés, d'emplois publics ou de retraités ou d'autres prestataires. Il n'est pas étonnant, au vu de ces données, que l'on puisse observer qu'il n'y a pas une seule région française dans laquelle le montant des salaires privés soit supérieur à la somme des salaires publics et des prestations sociales « en liquide » .
Laurent Davezies My territory is rich… selon quels indicateurs ? Davezies L. (2004) , Informations Sociales, n°121-2005 Professseur à l'Université Paris –Val de Marne (Œil-CRETEIL)
Le PIB breton ne représente que 4,2 % de l'ensemble du PIB de l'hexagone, celui des Pays de la Loire, 5,1 %. Moins performante que les Pays de la Loire la Bretagne présente un revenu par habitant supérieur. Hélas, ce n'est pas au nombre de fonctionnaires ni au nombre de pensionnés que se mesure la richesse d'un pays, pas davantage dans une étude de notaire.
L'immortalité des retraités n'étant pas encore assurée, ils seront remplacés par une génération à faible ressource, le niveau des retraites étant inéluctablement condamné à la baisse. Le soubresaut de nos économies va accélérer le processus de paupérisation.
Comment évoquer une Bretagne B5 quand on ne parvient pas à établir sereinement la Bretagne B4 ?
Toute la problématique naît de cette incapacité structurelle à s'autonomiser politiquement.
Ce qui importe est ce qui doit advenir, non ce qui a été. Nous avons tous été plus jeunes et en bonne santé et, tous, nous savons que ça ne dure pas. La Bretagne, pour survivre, doit être quotidiennement recréée chaque matin que Dieu fait. On ne peut prendre l'histoire pour raison ; elle est, elle-même, un objet de questionnement.
Après tout, pourquoi faire référence à un duché aux mains d'une aristocratie défaillante et non à la Bretagne de Salaün qui, par le traité de Compiègne de 868, obtient le Cotentin, l'Avranchin et les îles anglo-normandes ?
On ne taira pas que la forme républicaine et constitutionnelle répond à l'attente de nos compatriotes. Ajoutons-y la forme libérale, au sens noble du terme, et fédérale pour garantir nos droits souverains.
Le Mouvement Fédéraliste de Bretagne se prononce en faveur d'une Bretagne réunie, dans le respect des principes de la démocratie : la population résidente de la Loire-Atlantique doit se prononcer librement.
La crise qui nous atteint et qui va se transformer dans une modification structurale des rapports de production et des rapports sociaux tend à minimiser le thème du rattachement. Il existe une hiérarchie des préoccupations.
Pour ce qui concerne le mois d'octobre, la remontée sensible du chômage ne s'explique pas par le développement des licenciements économiques mais par la chute des créations d'emplois. La situation va empirer dans les prochains mois quand l'augmentation des licenciements va se faire sentir.
Nous ne sommes pas armés pour affronter cette disposition nouvelle de l'économie mondiale.
Nous ne le sommes pas parce que la France n'a pas effectué les réformes nécessaires quand nos partenaires européens le faisaient. La crise touche tous les pays, mais l'efficacité des réponses sera différente. L'Allemagne a une capacité de réaction que nous n'avons pas. Elle l'a prouvé avec la réunification.
Nous ne le sommes pas parce que la Bretagne de J-Y Le Drian a surfé sur la communication et l'esbroufe (Breizh Touch etc…) au lieu de s'investir dans une gestion responsable, minimisant la taxation, diminuant l'emploi public, et favorisant la création d'entreprises.
Ce qui nous fait cruellement défaut c'est l'entreprise et la disponibilité de capitaux.
En Bretagne il y a deux fois plus de résidences secondaires que d'entreprises. Au lieu d'être un pays d'entrepreneurs, nous sommes un pays de petits rentiers.
Qu'en est-il des adaptations aux nouvelles tendances qui s'accélèrent sous l'effet de la crise ? On annonce la fin du couple voiture-hypermarché remplacé par le couple piéton-internet. La Bretagne reste dépendante de la voiture. François Bellanger du think-tank Transit City, précise que lors de la flambée du prix de l'essence, les hypers d'Île-de-France non desservis par le RER ont vu fondre leur chiffre d'affaires. La baisse du prix du baril de pétrole est temporaire. Comment pourrons- nous vivre en Bretagne dans cinq ans ?
Faisons en sorte que le Grand Ouest ne détruise pas une Bretagne qui serait devenue inexistante, ce qui rendrait sa dilution plus facile.
Dissocier la possible réunification de la Bretagne des conditions économiques qui peuvent la favoriser relève de l'inconscience politique.
Plus grave encore : faire croire que le débat sur la réunification est primordial, c'est oublier qu'il porte en réalité sur l'existence d'une Bretagne réelle d'Ouessant au Couesnon, aujourd'hui régionalisée avec ses produits locaux qu'elle va peiner à vendre, mais privée de tout pouvoir de décision.
Notre liberté est si réduite qu'elle ne consiste qu'à pouvoir choisir entre les huîtres de Belon et celles de Cancale. Elle ne nous autorise pas à légiférer et à décider de notre destin.
Et c'est ce qui fait défaut pour convaincre les habitants du 44 de nous rejoindre sur la route d'un futur commun.
Dès lors que nous sommes empêchés de décider d'Ouessant au Couesnon, comment le ferions-nous d'Ouessant à Clisson ?
Tout paysan sait qu'il ne peut labourer si la charrue est devant les bœufs.
Le 3 décembre 2008
Jean-Yves QUIGUER
Président du Mouvement Fédéraliste de Bretagne