Le défi de la réunification ne sera jamais relevé par l'évitement de la consultation citoyenne. Il est vrai que certains se soucient de déterminer à la place des citoyens ce qui est acceptable ou pas. Ce souci n'est pas uniquement idéologique : assez naturellement, les décideurs protègent leurs intérêts. De quel nouveau maître l'habitant de la Loire-Atlantique deviendrait-il l'esclave ?
On ne peut s'opposer, avec raison, au diktat permanent du pouvoir central, et, soudainement, demander la rédaction d'un décret régalien.
Ce déni de démocratie blesse la Bretagne.
C'est aussi un déni de politique, la politique étant l'ensemble des processus conflictuels qui remettent en cause les règles dominantes et les normes de fonctionnement d'un ordre donné. L'individu n'est plus un objet soumis ; il est le sujet de sa propre existence.
Le réduire au silence, par décret républicain ou par voie législative, est inacceptable et indigne.
La carte n'est pas le territoire
On ne peut reprocher à un haut-fonctionnaire d'avoir procédé à un découpage malheureux et reproduire son geste sans subir les mêmes critiques. Une carte est toujours une construction intellectuelle qui déforme inévitablement la réalité.
Utiliser publiquement la cartographie est un procédé contestable. Une carte n'est pas une affiche publicitaire et son utilisation en propagande devrait nous interpeller. La carte, à la fois danger et limite, tend à désocialiser le territoire et le vide de son contenu en donnant une vision simpliste d'une réalité qui n'en est pas une. Les cartes ont été des armes utilisées par les empires coloniaux pour s'approprier des territoires entiers.
Quel intérêt à utiliser une base territoriale, une géométrie euclidienne, hiérarchisée et exclusive quand les caractéristiques du monde contemporain mettent en avant les notions de réseau, de métrique non-euclidienne, de système et de superposition des espaces ?
Si l'attaque de la langue bretonne par la Poste est inacceptable et condamnable, elle constitue davantage une atteinte au patrimoine immatériel breton qu'une entrave à la communication. En Bretagne, comme ailleurs, on ne donne plus guère pour adresse les coordonnées de son domicile. On donne son adresse email et son numéro de portable.
Ni l'un ni l'autre ne se réfèrent à un espace déterminé. L'espace dans lequel nous pensons et agissons ayant peu à voir avec l'espace d'autrefois, l'idée même de réunification ne peut faire l'économie de cette nouvelle donne. Au-delà des territoires, ce sont des hommes qui se réunissent.
Les Grandes Régions faibles La taille optimale d'une région préoccupe les fonctionnaires français et ne tourmente qu'eux. La taille critique d'une région n'a jamais été démontrée et il s'agit moins d'une taille que d'une masse critique. Une grande région vide d'acteurs innovants est plus faible qu'une région plus petite, mais créative. Le concept d'intelligence territoriale a peu à voir avec le cadre spatial et le territoire pertinent en tout n'existe pas.
Dans sa synthèse, le Rapport EDATER « Évaluation des effets d'une fusion de la région Haute-Normandie et de la région Basse-Normandie » (Janvier 2008) indique :
« Globalement, l'assemblage des deux régions en une Grande Normandie génèrerait d'importants effets de seuils : - 6e ensemble démographique et économique français (après PDL, avant Bretagne et Aquitaine), - des complémentarités sectorielles (énergie, automobile, transport mais aussi agricole et touristique) qui se traduisent par une image globale de diversification de l'économie sans toutefois remettre en cause les spécificités territoriales. Mais aussi l'addition de fragilités qui témoignent d'un déficit d'attractivité - au plan démographique comme économique, la Grande Normandie enregistre des évolutions modestes, voire négatives (solde migratoire), - une carence des emplois métropolitains supérieurs que ne compense pas l'échelon Grande Normandie. »
Si la politique économique est devenue une matière délicate au niveau étatique, la « boîte noire économique » régionale est un système cybernétique chargé d'incertitudes (Prager 2005). Il existe deux types de système régional :
1) celui où les institutions prétendent jouer un rôle prépondérant ( France) 2) celui où le facteur entrepreneurial est dominant ( Silicon Valley, Boston, et certaines régions du Royaume-Uni et du Danemark, et, dans le passé, de l'Italie du Nord) Des deux systèmes, on connaît celui qui fonctionne le mieux. Si les impératifs de la compétitivité sont évidents pour les entreprises, ils ne le sont pas pour les régions. Les territoires ont des enjeux particuliers ( Paul Krugman : Competitiveness-A Dangerous Obsession) Dans une étude sur le management stratégique des régions en Europe, Jean-Claude Prager, directeur de l'Agence pour la diffusion de l'information technologique, insiste sur la fin de l'approche de la planification régionale. En Bretagne on a connu ce type de planification, jusqu'à la caricature : développement des infrastructures les plus sensibles au regard des attentes immédiates du grand public : 2 fois deux voies et TGV, absence de prise en compte des besoins de sélectivité inhérents aux questions industrielles et d'innovation. La culture du management stratégique, prégnante dans les grandes entreprises internationales, faible dans les PME, est totalement inexistante dans le management public….
On nous dit que quatre régions fortes, c'est mieux que six régions faibles. Demain, les mêmes diront que deux régions fortes sont préférables à quatre régions faibles, puis, finalement, qu'une seule région s'impose. Enfin viendra le jour où le centralisme constituant affirmera que le territoire de la République étant indivisible, la France est un pays unitaire dans lequel les régions n'ont pas lieu d'être. Sauf pour la manifestation de leur folklore.
La décentralisation a toujours été une farce. l'État français a besoin de régions soumises, de régions « départementalisées » . C'est à Paris que tout se décide et c'est ici que tout se paie.
On s'étonne de l'aspect réducteur des propositions. Pourquoi pas une Ville-région ici, un Département-région là ? (La Vendée pourrait devenir un Département-région)
La fusion des deux régions normandes n'est pas acquise.
Le Conseil Économique et Social de Basse-Normandie s'est prononcé contre en décembre 2008. Quelques années auparavant, dans l'hypothèse d'un rapprochement des deux régions normandes, le Conseil général de la Manche s'était prononcé en faveur d'une unification à la Bretagne.
Il est évident qu'un habitant de l'Avranchin a davantage d'affinités culturelles avec un Breton qu'avec un habitant de Rouen ou de Le Havre.
Quant à la région Val de Loire elle est aussi incohérente que celle des Pays-de-Loire. La Sarthe est tournée vers Paris quand la Mayenne se tourne vers la Bretagne.
L'interrégionalité est à nouveau évoquée, notamment par la révision prévue en 2010 des CPER (Contrats de Projets Etat-région) sur le modèle des CPIER (Contrats de Projets Interrégionaux).
Lors de sa session des 18 et 19 janvier 2007, le Conseil Économique et Social des Pays de La Loire a notamment émis le souhait que le Schéma régional d'aménagement et de développement du territoire (SRADT) soit irrigué par une dimension interrégionale, à défaut d'un SIADT Grand Ouest.
Le SIADT Grand Ouest (Schéma interrégional d'aménagement du territoire) ne concernerait pas moins de cinq régions : Bretagne, Centre, Basse-Normandie, Pays de la Loire et Poitou-Charentes.
Le CESR précise, « c'est à cette échelle que l'avenir des territoires à 15 ans s'écrit » . Et il ajoute que l'objectif est de faire des Pays de la Loire le cœur vivant du projet Grand Ouest.
Il faut savoir que certains militent pour que la dimension interrégionale devienne une entité administrative.
Il y a toujours quelque part des hommes tristes un peu fous et terriblement seuls, habités par la peur bleue qu'ils ont de la liberté des autres hommes, qu'ils servent l'État , le Développement durable, ou le Grand Ouest…..
Tous ces thuriféraires partagent un point commun : celui de porter atteinte à nos libertés fondamentales.
L'objectif des 15 régions refait surface : il a la préférence d'Édouard Balladur et d'André Vallini.
15 grandes régions dociles : voilà sans doute le décret auquel il faudra se soumettre.
Quand la démocratie est malade, le seul remède est davantage de démocratie.
Le 22 janvier 2009
Jean-Yves QUIGUER, président du Mouvement Fédéraliste de Bretagne Membre de l'Union des Mouvements Fédéralistes (UMF)