Quelques élus de sensibilité régionaliste, dont certains sont issus de l'UDB, se sont réunis à Pontivy le 12 septembre pour lancer un appel à la candidature de Jean-Yves Le Drian. Ces femmes et ces hommes sont des militants culturels et pour plusieurs d'entre eux des élus pour qui la diffusion et la transmission d'une identité bretonne à la fois enracinée et ouverte sur le monde sont l'engagement d'une vie. La sincérité de leurs convictions ne saurait être mise en cause. Par ailleurs, je partage leur préoccupation que les avancées, aussi insuffisantes soient-elles, obtenues de haute lutte depuis que la gauche a pris les rênes de la Région en 2004 ne soient pas dilapidées. Pour autant, l'analyse que je fais de la situation politique en Bretagne et en France me conduit à prendre un autre chemin que le leur et à m'engager en faveur de la liste « Oui la Bretagne », qui réunit le Mouvement Bretagne Progrès et l'Union Démocratique Bretonne et que conduira Christian Troadec.
Elu en 2014 au conseil municipal de Guipavas (adjoint aux finances dans une commune fortement endettée depuis 2012) et au conseil de Brest Métropole (vice-président à l'urbanisme réglementaire et commercial), je quitterai le Conseil régional de Bretagne après le scrutin de décembre, au terme de deux mandats au cours desquels j'aurai exercé la vice-présidence aux affaires européennes et internationales entre 2004 et 2010 et la responsabilité de rapporteur général du budget à partir de 2012. Mon retrait du Conseil régional me permet de prendre du recul par rapport aux enjeux des élections de décembre.
Ici, dans ce territoire si fortement marqué par la géographie et la culture, l'enjeu majeur des prochaines régionales est de changer radicalement le rapport de force politique avec Paris, changer en faveur d'une Bretagne plus forte dans sa capacité à décider et à agir. Cela ne peut s'obtenir qu'en mettant la liste « Oui la Bretagne » au-dessus du seuil des 10% au soir du premier tour. C'est ce à quoi j'appelle les Bretonnes et les Bretons qui croient à la nécessité d'une Bretagne plus responsable et solidaire.
Je suis arrivé à cette conclusion en constatant le fossé qui sépare les prises de position de la majorité régionale sortante (et j'en suis) en faveur d'une Bretagne renforcée dans sa capacité à agir, qui se sont notamment illustrées dans la remarquable « Lettre aux Bretons » de Pierrick Massiot, et la réponse que François Hollande et ses gouvernements successifs ont choisi d'y apporter. Une analyse clinique des actes politiques du pouvoir parisien permet de mesurer ce fossé. On retiendra notamment :
- la méthode bonapartiste qui a consisté à imposer des mégarégions, déconnectées des réalités humaines, avec pour conséquence première de conforter les départements alors même que Manuel Valls, dans son discours de politique générale devant l'Assemblée nationale en avril 2014, annonçait leur suppression à horizon 2021. Comprenne qui pourra...
- le refus d'examiner le projet d'une Assemblée unique de Bretagne et de réunifier la Bretagne ou ne serait-ce que d'autoriser une consultation de la population de Loire-Atlantique, un refus d'autant moins acceptable qu'il contraste avec le redécoupage autoritaire en cours des intercommunalités sous la férule des préfets,
- le maintien d'une situation inégalitaire dans la répartition des dotations que l'Etat attribue aux régions alors même que la part de la DGF (dotation globale de fonctionnement) qui fait l'objet d'une péréquation nationale n'est aujourd'hui que de 3,7% dans le cas des régions contre 12% pour les départements et 25% pour les communes et intercommunalités,
- une baisse globale des dotations de l'Etat d'ici 2017 qui se traduira pour les régions, en raison de l'extinction de leur autonomie fiscale depuis quinze ans et contrairement à la situation des autres niveaux de collectivités, par une baisse nette de leurs recettes de fonctionnement (évaluée à 900 millions ¤ par l'Association des Régions de France),
- une recentralisation rampante qui vient fracasser l'action des conseils régionaux. Ainsi en est-il de la libéralisation du transport de voyageurs par autocar au-dessus de 100 km qui s'est faite sans tenir compte de l'impact de cette mesure sur l'équilibre économique des TER pour lesquels les régions ont dépensé près de 40 milliards ¤ depuis le début des années 2000. Cette disposition de la loi Macron a été votée alors même que la loi NOTRe est censée renforcer les prérogatives des conseils régionaux dans le transport de voyageurs. Voilà bien une politique de gribouille.
L'échec de la réforme territoriale, que François Hollande présentait comme « la mère des réformes » plusieurs mois encore après son élection (mais que Jean-Marc Ayrault allait démentir en mars 2013 en coupant court à l'ambition d'un « acte 3 » de la décentralisation), intervient alors même que la Bretagne n'avait jamais été aussi fortement représentée au gouvernement depuis le septennat de Valéry Giscard d'Estaing. Comment ne pas en tenir compte au moment de renouveler le Conseil régional de Bretagne ?
Mon engagement en faveur de la liste « Oui la Bretagne » n'est pas le choix d'une personnalité contre une autre. La personnalisation à outrance de la vie politique est une défaite de la pensée. Elle est aussi une réminiscence des temps anciens où la soumission au chef ne se discutait pas. Cela n'a jamais été le sens de mon engagement dans la vie publique. Ni marionnettiste ni pantin. En 2015, dans une démocratie moderne, mobiliser l'intelligence collective est la seule réponse adaptée aux défis d'un monde globalisé pour le meilleur comme pour le pire.
Si je m'engage en faveur de la liste « Oui la Bretagne », c'est parce que la Bretagne ne peut plus se contenter d'incantations quand elle se compare aux grandes régions d'Allemagne, de Grande-Bretagne, d'Italie ou d'Espagne qui disposent d'un pouvoir législatif et réglementaire et d'un budget par habitant de 10 à 30 fois supérieur au nôtre. Il est temps de changer notre situation, il est temps de sortir de la petite enfance de la régionalisation, il est temps de grandir, pas dans 20 ans, pas dans 10 ans, maintenant !
Si je fais le choix de la liste « Oui la Bretagne » au premier tour des régionales, je dis tout aussi clairement que je souhaite le rassemblement des forces de progrès au second tour, sur la base d'une représentation de chaque force qui respectera le choix que les électeurs auront fait au premier tour. Car une victoire de la droite, toujours dominée par la personnalité d'un Nicolas Sarkozy au bilan calamiteux en matière de régionalisation, n'offrirait comme seule perspective en Bretagne qu'une remise en cause des politiques innovantes que la Région a mises en place depuis 2004. En outre, ceux qui, à gauche, feraient obstacle au rassemblement du second tour prendraient une lourde responsabilité en vue des échéances présidentielle et législatives de 2017. A cet égard je déplore les déclarations à l'emporte-pièce qui, en ostracisant l'allié potentiel du second tour, ne font que le jeu de la droite et, pire, de l'extrême droite. Caricaturer le concurrent ne fait que révéler la faiblesse de ses propres arguments. Respecter les Bretonnes et les Bretons, c'est fonder son discours sur le projet que l'on porte pour la Bretagne. Alors, mesdames et messieurs les candidats, tournez le dos aux invectives et venez-en au débat.
Christian GUYONVARC'H
conseiller régional de Bretagne, rapporteur général du budget
adjoint au maire de Guipavas, en charge des finances
vice-président de Brest Métropole, en charge de l'urbanisme réglementaire et commercial