Tout d’abord je voudrais dire toute ma solidarité à l’ensemble des personnes interpellées et éventuellement mises en examen la semaine dernière en raison de leur investissement au sein d’activités culturelles bretonnes et de leurs liens avec l’Irlande.
Je me réjouis de leur remise en liberté et j’espère qu’elles se remettront au mieux et au plus vite de ces persécutions dont elles se seraient bien passées, tout comme leurs proches, je suppose. J’ose espérer que cet épisode pénible a ouvert les yeux à certains sur la réalité de la pratique «antiterroriste» .
Si la toile de fond qui a servi à l’interpellation de ces acteurs guingampais de la vie culturelle et musicale bretonne est bien différente de celle qui a amené six autres bretons (dont moi-même) à être incarcérés en 1999 et 2000, il y a tout de même certaines similitudes étonnantes.
Tout d’abord le manque de recul de certains média qui se croient tout permis. Ensuite, la pratique de l’amalgame et du sous-entendu des magistrats et policiers pour justifier perquisitions, gardes à vue de 96 heures et mises en examen, et bien sûr l’exploitation éhontée de la douleur et de l’émotion légitimes suscitées par des épisodes tragiques du conflit anglo-irlandais pour légitimer l’ensemble de l ‘opération.
J’estime qu’il est désormais possible et nécessaire de révéler ici sur la base de quel raisonnement spécieux et délirant je suis renvoyé pour « complicité » par l’instruction dans l’attenta de Quévert, et ce contre l’avis de l’autorité de poursuite, à savoir le parquet antiterroriste, peu suspect de laxisme. Comme en témoigne sa volonté d’oser réclamer l’incarcération de certains des interpellés de la semaine dernière.
Début avril 2000, une militante d’Emgann se voit refuser un chèque libellé en langue bretonne dans un bureau de poste de Rennes. Elle m’en informe. Etonné, j’appelle en me présentant et en demandant si c’est vrai. L’employé des postes, fort courtois, m’indique que finalement le chèque va être accepté. Ce qui sera effectif dès le lendemain. Entre temps, le responsable de SAB qui lutte pour la place légitime de la langue bretonne dans la vie publique a également appelé cet établissement. Trois semaines plus tard, un autre établissement de la poste de Rennes est visé par une tentative d’attentat. C’est la même nuit que l’attentat tragique contre le Mac Donald de Quévert. Les jours suivants je suis interpellé, mis en examen à l’issue de 96 heures de garde à vue et placé en détention. J’y suis toujours près de quatre ans après. En avril 2002, le parquet antiterroriste (le procureur) demande l’abandon des charges contre moi pour toute tentative et attentat d’avril 2000. Le juge d’instruction n’en a cure et me renvoie, sans jamais m’avoir interrogé sur ma prétendue place de dirigeant au sein de l’ARB, devant la cour d’assises spéciale pour complicité par instruction pour l’attentat contre la poste de Rennes (tentative), et pour faire bonne mesure pour le Mac Donald de Quévert, dont j’ignorais jusqu’à l’existence. Le tout étant expressément justifié par ma qualité de porte-parole d’Emgann et… mon coup de fil à la poste début avril !
Peu convaincu par cette brillante démonstration quelque peu « délirante » (c’est par ce terme que le parquet antiterroriste qualifie les réquisitions de Mr Thiel, le juge d’instruction, dans un autre dossier), le procureur fait appel et demande ma mise en liberté. Du jamais vu au parquet antiterroriste. En vain… la même vieille bonne recette a fonctionné cette fois-là : amalgame, criminalisation de l’intérêt que l’on porte à la culture bretonne, exploitation sans vergogne de l’émotion suscitée.
Il n’est jamais trop tard pour ouvrir les yeux !
Liberté pour les prisonniers politiques bretons !
Relaxe pour les inculpés !
Abolition des lois antiterroristes !
Gaël Roblin, prisonnier politique breton
Le 10 novembre 2003.