Fouesnant-Les Glénan, samedi 9 juillet 2016, 17 h 20.
Douze ans après une première rencontre, c’était un plaisir de retrouver Alain Le Loupp à l’entrée de la Festidreuz, festival dont il est l’initiateur et le promoteur depuis 2004. Détendu, souriant, à 10 minutes du début de la soirée que Radio Elvis va ouvrir, un échange à bâtons rompus s’engage, rapide, clair, précis, sur un bilan mais aussi de la prospective.
Non tous les banquiers ne sont pas pourris grave, froids et cyniques selon les clichés habituels qui courent ces temps ci, ce sont aussi parfois des passionnés. Alain Le Loupp, banquier de son état dans le civil, en est la preuve. Début juillet 2004 il fallait être dingo ou passionné, ou les deux, par la musique et la scène pour monter un événement en Cornouaille, à 3 semaines du festival éponyme de Quimper et surtout 2 semaines des Vielles Charrues. Partant du constat que les fêtes traditionnelles perdaient de la vitesse ou plutôt que les fêtes traditionnelles de taille moyenne, Filets bleus, Fête des pommiers, se faisaient tailler des croupières par les festivals de musiques émergeants (réunions de vieux bateaux comprises !) et se marchaient les unes sur les autres sans vraie stratégie, en perdant de l’argent et ne comptant que sur des deniers publics pour subsister, Alain Le Loupp comprenait aussi très clairement que la compétition devenait économique, qu’un événement de ce type devait être géré comme une entreprise.
Par le biais de l’association « Création en Bretagne » puis le collège « Culture et création » de Produit en Bretagne, les années 90 et 2000 ont clairement traduit le poids de la Culture et de l’identité festive bretonne associée.
La carte de Bretagne en France et en Europe redessinait clairement les 5 départements bretons comme une terre de Festivals, avec ses mammouths, Cornouaille, Charrues, FIL de Lorient, puis Brest 2016 et Paimpol en tête, (sans parler du hellfest à Clisson qui fracasse la baraque en 10 ans). Il n’y aurait donc de la place que pour les plus rigoureux et pragmatiques, les Terre Neuvas de Bobital en ont fait la cruelle expérience. Alors que le Festival de Cornouaille lorgnait du côté des musiques du Monde, stratégie revue depuis d’ailleurs, le Festival du Bout du Monde de Crozon ayant remporté la « bataille » , il fallait donc s’incruster dans la niche des festivals de taille moyenne et s’y tenir. Il est amusant de constater que la Festidreuz s’est développée sur le même positionnement, en plus modeste techniquement, et quasi en même temps, que celui des Francofolies de La Rochelle à partir du rachat en 2004 par Gérard Pont, un autre Breton, Léonard celui-là, de l’entreprise « Franco » , à son fondateur Jean-Louis Foulquier. Soit de la chanson française, pop électro (Radio Elvis), rock ’n ’roll (les flamboyants Wampas,) ou même un peu world (Fréro de la vega, Zoufris maracas). Une étoile symbolise aussi les 2 événements, étoile rouge « guévariste et rebelle r ’n ’roll» pour les Franco, étoile de mer en forme d'une guitare Metal enflammée pour la Festidreuz, le même message est derrière.
Il fallait ensuite créer une dynamique ultra locale et intergénérationnelle comme à Carhaix en son temps, autour du bénévolat, trouver un site attractif et « seyant » , ce n’est pas toujours évident. Faire monter la mayonnaise et enfin, pas le plus facile non plus, gérer la programmation, ben oui faut vendre des tickets. Et quand l’on démarre, les tourneurs ne sont pas toujours des plus sympathiques ou disponibles. Encore une fois, être banquier peut servir dans le jeu « diplomatique » dirons-nous, des relations avec ces parfois encombrants intermédiaires. Ainsi donc, après un développement stable et « tranquille » , la cataclysmique édition de 2014 avec vents sournois, pluies diluviennes et orages associés faillit mettre le navire au fond des Glénan, comme le Hellfest en 2007. C’était sans compter sur la pugnacité toute bretonne de Alain et de son équipe, plus la solidarité fouesnantaise et de la tête d’affiche tombée à pic, Fréro Delavega, remplissant le carnet de commande et ouvrant l’édition 2015 à guichets fermés. Notons aussi que le choix d’Alain Le Loupp dès le début d’utiliser un autre carnet, celui d’adresse pour convaincre et trouver des partenaires privés afin d’accompagner le Festival s’est avéré payant. En effet aujourd’hui plus aucun événementiel ne peut se passer de son carré VIP et Partenaires. Festidreuz inaugurait aussi cette année un espace merchandising, avec accessoires et textile, indispensable pour communiquer et fidéliser tout au long de l’année.
En 2016, la marque Festidreuz s’installe donc et 15 jours avant l’ouverture des portes le Festival était complet, environ 6.000 personnes par jour, soit 5.000 billets plus les enfants (le festival est gratuit aux moins de 12 ans) et les invités. Les caisses étant de fait à nouveau stabilisées, l’avenir peut se concevoir de façon plus radieuse et, pari gagné, sans dépendance publique. Il faut maintenant développer le confort, l’accueil des enfants, donc aménager le site, voire agrandir un peu la jauge. Il faut innover en décoration, développer un espace enfant, améliorer encore le coin verdure, faire en sorte que l’on puisse manger assis, pourquoi s’en priver car la restauration y est rapide et de qualité. Et pourquoi pas un bar à cidre, avec l’AOC Cornouaille, ou un bar à vin, ou péter un feu d’artifice, inscrire le festival au concours des « Festival Awards » dans la catégorie de taille moyenne, rédiger la page Wikipedia. L’innovation et la communication confirmeront le festival dans la cour des grands, de taille moyenne !