Ce mercredi Jean-Paul Savignac donnait une conférence passionnante, organisée par les amis du musée de Carnac : "Du plaisir d’être Gaulois".
C’est un jour, dans la bibliothèque de la Sorbonne, que Jean-Paul Savignac, tombe sur une revue au bas d’une étagère, intitulée « Ogham » . Dedans, une liste alphabétique sommaire de mots en vieux celtique. Lui qui prépare à l’époque son certificat en grammaire et philologie classique est tout de suite conquis. La mythologie et la langue gauloise le captivent.
Le professeur en lettres classiques écrira plus d’une quinzaine d’ouvrages, dont le fameux Merde à César : les Gaulois, leurs écrits retrouvés, rassemblés, traduits et commentés , ou encore Le chant de l'initié et autres poèmes gaulois , sans oublier bien sûr son dictionnaire français-gaulois.
Paru récemment « le bonheur d’être gaulois » s’appuie sur une quête à la recherche des plaisirs de nos ancêtres.
« J’avais en tête cette citation de Gaston Bachelard : 'C’est dans la joie et non pas dans la peine que l’homme a trouvé son esprit '. Je me suis donc dit qu'en faisant une liste des joies gauloises j’arriverai peut être à percer leur esprit ! »
Un inventaire qui contribue à tordre le cou aux clichés qui faisaient des Celtes un peuple aviné, bourru, dénué de subtilités. Par la langue retrouvée sur de brefs épitaphes (car oui, nos ancêtres celtes savaient écrire, mais se refusaient à le faire pour les choses sacrées), la beauté de leur art, ou encore l’agencement des sépultures, Jean-Paul Savignac retrace les plaisirs de l’amour des Hommes, des plantes et des animaux, des jeux, de la bonne chair, de la bravoure, de la gloire et des arts. Mais enfin et surtout de la science, du savoir, de la mémoire. Car si l’on n’écrivait pas, c’était bien pour entretenir cette dernière. Mais à quoi sert une tête bien pleine quand ce n’est pas pour en restituer le contenu ?
On retrouve dans de nombreux témoignages, artistiques ou écrits, la preuve de ce culte de la parole. Les Romains qui décrivaient les Gaulois comme arrogants, imbus d’eux-mêmes, ne se seraient-ils pas trompés, mépris sur leurs réelles intentions ? Car en effet, pour honorer la mémoire et son interlocuteur, il s’agit de parler bien, de déclamer. Maîtriser l’art de l’éloquence en somme.
Heureusement, certains auteurs reconnaissent leur subtilité, leur capacité à mémoriser et à exprimer toutes les nuances de la pensée. Mais peut-être n’avaient-ils pas tout à fait compris l’ultime finalité de cet exercice de la mémoire…
Jean-Paul Savignac approche par ses recherches et sa connaissance fine des cultures antiques une des facettes fondamentales de la pensée celtique : eux qui croyaient en la métempsychose (doctrine selon laquelle une même âme peut animer successivement plusieurs corps, humains ou animaux), apprendre permet de se souvenir de ses vies antérieures, et alors d’attester que son âme est immortelle.
Toute une religion qui découlerait donc de l’expérience vécue, et que la mémoire permettrait de retrouver. A l’instar de l’anamnèse, relatée par Platon (restauration de l'idée contemplée, avant l'incarnation, par l'âme humaine), lui-même pythagoricien par de nombreux aspects, comme l’étaient les Druides.
Un champ des possibles, et d’intérêts, s’ouvre alors. La langue gauloise et ses dialectes, celtiques tout comme les langues gaéliques ou brittoniques (avec lesquels on retrouve beaucoup de similitudes), mériterait donc largement l’attention de davantage de chercheurs et linguistes…
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