L’éventuelle déconstruction du Clemenceau pose plus de questions qu’elle n’apporte de solutions. Par Emmanuel Morucci, Ancien élu municipal et communautaire de Brest
Depuis l’annonce du retour du Clemenceau à Brest, plusieurs auteurs de communiqués, nous expliquent que ce navire doit être déconstruit a Brest et que notre port peut ainsi devenir une filière industrielle du démantèlement de bateaux en fin de vie. De plus, tous prennent soin de nous persuader que ce travail n’est pas honteux ou déshonorant pour Brest. Ce dont personne ne doute tant il nécessite une haute technicité et mise en place de filières complexes. Sans doute, peut-on admettre sans difficultés qu’il y a Brest un potentiel de compétences professionnelles pour effectuer ce que l’on appelle désormais la déconstruction de navires.
Je m’interroge toutefois devant les certitudes énoncées au fil des jours par différents responsables politiques, syndicaux, locaux ou nationaux. Je comprends en tout cas la méfiance justifiée dont fait preuve le maire de Brest François Cuillandre. En effet, annoncer qu’il y a une possibilité de filière me paraît être une réponse faite dans l’urgence et l’affirmation ne prend pas en compte diverses problématiques.
Une première chose est qu’un navire a démonter ne fait pas une filière. Il faudrait qu'il existe une proposition au niveau de l’Union européenne et que Brest puisse se positionner dans ce projet. Il n’y a pas ici de difficultés majeures. une fois le projet validé, Il va de soi que les navires à démolir battant pavillon de l’Union et autres devraient être ensuite être dirigés vers Brest (et stockés en rade) pour leur démantèlement et non pas vers d’autres régions du monde (Inde, Asie) qui se sont préparées, selon divers accords internationaux, à ces travaux.
Une question d’importance est celle des infrastructures. Il me semble qu’il n’y a pas de quai disponible à temps complet et à long terme pour l’amarrage de ces bateaux et nos formes de radoub répondent à une autre vocation. Un quai adapté au démontage devrait donc être aménagé au seul endroit disponible c’est à dire sur le polder, a proximité du port de plaisance et d’Océanopolis. Un lieu de stockage et de manutention particulièrement vaste est aussi a prévoir. une bonne partie du polder sera occupée empêchant toute autre implantation ou développement d’activités actuelles. Mais ensuite il faut savoir ce que l’on va faire de ces milliers de tonnes de ferraille. Il n’y a pas ici d’unité de transformation. Vers quels pays va-t-on les diriger ? La mer est le seul moyen raisonnable de transport. Un quai de cabotage est donc nécessaire a proximité immédiate du lieu de découpage. Ce qui peut développer une nouvelle activité portuaire. Eventuellement des voies de chemin de fer si la destination est l’Europe et si le coût n’est pas trop élevés.
S’il reste de l’amiante et d’autres produits dangereux qu’en fait-on ?
D’autres problèmes de taille se pose encore. Je n’en citerai qu’un . Les collectivités locales ont investit ces dernières années dans la dépollution de la rade de Brest. Accepter une activité de démontage de navire implique que l’on accepte de voir la rade atteinte par quantité de résidus plus ou moins dangereux pour l’environnement.
Je ne suis pas opposé à ce que Brest devienne un pôle de ferraillage mais si le Clemenceau doit être démonté ici et si une filière est envisageable quels sont les investissements et équipement prévus garantissant les conditions de sécurité et de santé, tant des professionnels intervenants que des populations ou la ressource halieutique. A quelle échéance ?