Les maharajahs de l'Asie du Sud-Est avaient pour habitude de s'attaquer à leurs ennemis de la plus subtile des manières : ils leur faisaient un cadeau somptueux, un éléphant blanc, dont l'entretien ruinait celui qui le possédait. L'animal était sacré, mais ne pouvait être utilisé en rien. L'expression «éléphant blanc» est passée, depuis, dans le langage courant pour désigner les grands projets d'équipement ou d'infrastructures surdimensionnées, souvent de prestige, coûteux et inutiles et condamnés à l'abandon après que leurs promoteurs aient quitté leur poste de décideurs pour éviter d'être lynchés.
Dans un précédent communiqué nous avons évoqué un document interne présenté par la Compagnie Air France « Perspectives d'activité de la direction des escales France (DEF) » dans lequel est mentionnée la fermeture des lignes intérieures.
La concurrence du TGV et les contraintes environnementales conduisent inexorablement à l'abandon pur et simple de l'exploitation de lignes aériennes domestiques. A l'horizon 2017, seule Nice - et évidemment la Corse - échapperait ainsi à l'effet TGV. L'auteur d'une fanzine bretonne nous a répondu que Notre Dame des Landes devait être un aéroport intercontinental : première plate-forme européenne pour les Amériques, et qu'il fallait accueillir les compagnies low costs. On croit rêver. Les quatre places majeures qui constituent la tête de pont de l'Europe vers les Amériques et l'Asie sont Londres, Amsterdam, Francfort et Paris. Certes on annonce la mise en service en juin 2008 d'un vol direct quotidien entre Lyon et New York assuré par Delta airlines. Ce n'est que la quatrième tentative. Delta avait déjà ouvert un vol direct entre Lyon et New York en 2000 mais l'avait supprimé en septembre 2001 faute de passagers. Nantes n'est pas Lyon. En 2007 Lyon-Saint Exupéry a accueilli 7 320 952 passagers contre 2 589 890 pour Nantes-Atlantique. Lyon, à deux pas de l'Allemagne et de la Suisse est un passage naturel pour se rendre en Italie du Nord et vers la Méditerranée. Lyon est inévitablement appelée à devenir la deuxième entrée aéroportuaire de l'hexagone. On voit mal comment ce qui n'a pas fonctionné pour Lyon deviendrait une opportunité pour Nantes, ville modeste et mal située au regard de la capitale des Gaules. D'où vient cette propension au mimétisme ? - La France a Roissy, alors la Bretagne doit avoir un aéroport intercontinental. - La France affectionne particulièrement la dépense publique, alors la Bretagne doit aussi dépenser et s'endetter. Être Breton, c'est précisément afficher sa singularité et refuser le copier-coller des travers qui ruinent la France. On peut avoir une image noble de la Bretagne sans tomber dans des chimères. Pour qu'il y ait un aéroport, il faut la présence de compagnies aériennes et pour que celles-ci fréquentent la structure aéroportuaire il faut un marché. C'est l'absence de marché qui a eu le dernier mot sur la liaison Lyon- New York. A la fin des années 80, American Airlines avait aussi ouvert une ligne qui s'était également soldée par un échec. Ce sont les compagnies aériennes qui détiennent le véritable pouvoir de décision et qui bénéficient de la concurrence entre aéroports. Seul l'aéroport de Nice dispose de vols intercontinentaux en raison du positionnement de la région dans le tourisme international. Nice, c'est la Riviera. Penser que le low cost est la solution d'avenir a quelque chose d'inquiétant. Ce système présente un modèle économique offensif d'une extrême fragilité. Les compagnies dites low cost sont en réalité des compagnies low fare. Quand ce n'est pas le passager qui paie l'intégralité du coût du transport, c'est le contribuable qui finance la part invisible. Le « système Ryanair » montre aujourd'hui des signes de fatigue, mais surtout ses limites. Son business model s'appuie largement sur une gestion habile des sources de coûts, mais se nourrit également abondamment de subventions publiques que Bruxelles interdit.
Les aéroports entrent en concurrence pour attirer ces nouveaux opérateurs.
Deux types de risques ont été identifiés :
- distorsions de concurrence, en particulier par le biais de subventions de collectivités locales
- dumping social et fiscal permis par la domiciliation du personnel naviguant dans des pays où les charges sont particulièrement faibles, et par la sous-traitance d'opérations secondaires à des entreprises ne relevant pas du droit du travail français.
Les compagnies low cost imposent leurs conditions et signent des contrats avec possibilité de rupture unilatérale. Préconiser le développement du low cost aérien est une recommandation contraire au Grenelle de l'environnement. Le branchement des aéroports sur le réseau des TGV n'est plus considéré comme une menace pour le transport aérien mais au contraire comme un complément bénéfique. Compte tenu des contraintes environnementales, le transport aérien a désormais pour principale vocation le transport à longue distance (l'Europe, la Méditerranée, le monde), pour lequel il n'a pas de substitut, le train pouvant assurer une large part des liaisons nationales et européennes de court courrier. Le low cost a vu le jour pour concurrencer le transport terrestre dans un pays où le transport ferroviaire est quasi inexistant, à un moment où les préoccupations environnementales étaient peu répandues.
Tout a commencé en 1971 aux Etats-Unis quand une toute nouvelle compagnie aérienne, Southwest, avec seulement trois Boeing 737, s'est lancée dans le concept low cost.
Il s'agissait de s'affranchir des services habituellement offerts par les compagnies aériennes mais aussi de créer une nouvelle image de marque ayant pour objectif d'induire un nouveau marché. Le Low cost n'a pas été conçu comme concurrent des compagnies traditionnelles, mais comme une offre en rivalité avec le transport automobile. Une nouvelle image était née : Flying is fun.
« Nous ne sommes pas en compétition avec les autres compagnies aériennes, nous sommes en compétition avec les transports terrestres » déclarait Herb Kelleher, le PDG de Southwest.
Le contexte européen étant différent du contexte nord-américain, le rôle des compagnies low cost est devenu déterminant dans l'évolution du trafic international (principalement européen). Le trafic low cost représente aujourd'hui 23,3% du trafic des aéroports régionaux.
La résignation d'Air France sur les vols domestiques ne peut être compensée par l'enthousiasme excessif des compagnies Low Cost.
La diminution des coûts d'exploitation est insuffisante. Les subventions sont indispensables à la vie du système.
Une expertise fantaisiste :
Dans notre république bananière, on fait peu de cas de la véracité des propos, moins encore de l'épaisseur des réalités…
En 1973 une étude sur l'aéroport de Nantes menée par l'OREAM (Organisations d'Etudes d'Aménagement des Aires Métropolitaines), annonçait 2.5 millions de passagers pour 1990 et 6 millions en 2000.
En 2007 2 589 890 pax ont fréquenté le site de Nantes-Atlantique.
17 ans d'erreur. Fort heureusement c'était des experts…
En réalité, l'étude de l'OREAM répondait à la volonté de limiter l'utilisation de Concorde au survol supersonique de l'Atlantique et de l'exploiter à partir d'une zone côtière .Il était envisagé de relier Nantes aux principaux aéroports européens par vols subsoniques.
Les esprits nantais se sont trouvés formatés par cette conviction inébranlable d'avoir un site aéroportuaire surestimé.
Le drame dans cette affaire est le surdimensionnement de l'égo des décideurs nantais qui se pensent leaders et prescripteurs d'une cité au rayonnement européen incontestable.
La réalité est toute autre. Et le temps du commerce triangulaire est bel et bien fini, quand bien même la superbe demeure inscrite dans les neurones d'une bourgeoisie locale décadente.
Nantes a été doublement fragilisée : - par un enrichissement contraire à l'éthique et à la simple dignité, - par sa rivalité avec Rennes, capitale de la Bretagne, jamais compromise dans un commerce interlope.
Nantes cherche l'échappatoire. Elle néglige la Bretagne et s'imagine en métropole européenne, capitale d'un Grand Ouest qui ne veut rien dire.
Les données et la géographie sont là. Nantes n'est pas au cœur de l'Europe, et d'une certaine façon, fait tout pour ne pas y être. Nantes, comme la Bretagne, ne pourrait être au cœur de l'Europe que par une transversale , ferroviaire (fret et voyageurs) et routière qui rejoindrait Lyon par Limoges, traversant et innervant le centre de la France.
Nantes se veut métropole européenne à la botte de Paris.
Si Paris est le début de l'Europe pour les gens de l'Ouest, il en est aussi la limite orientale. Paris, après le mirage d'un commencement , n'est pas autre chose que la fin de l'Europe.
Le viol de la démocratie :
Le conseil municipal de Notre Dames des landes s'est prononcé contre l'implantation de cet aéroport.
Quid de la démocratie ?
Est-ce à quelques partis ou mouvements bretons d'imposer leurs illusions contre l'avis des populations concernées qui refusent le projet ? et ce faisant se faire les complices d'un choix régalien ?
Tous ces partis prétendument bretons adoptent en réalité une posture jacobine car il s'agit d'imposer une volonté contre l'autodétermination d'une population solidaire qui s'oppose au projet.
Une fois encore, la démocratie se trouve bafouée par des apprentis sorciers qui ne la défendent que quand ils en sont les victimes mais qui la ruinent quand ils y perçoivent un avantage pour leurs intérêts propres.
Volet économique prospectif :
Nous assistons à la disparition des classes moyennes. Après avoir été pendant deux siècles l'élément porteur de la société occidentale, les classes moyennes sont sur le point de s'éclipser. Les changements imposés par la globalisation semblent avoir raison d'elles.
La disparition des classes moyennes engendre la disparition des retraités moyens. Qui dans un avenir proche prendra l'avion à Notre Dame des landes ?
Dans moins de 10 ans, il sera très difficile de trouver un pensionné disposé à aller aux Canaries.
Robert Zimmerman que tout le monde connaît sans même le savoir puisqu'il s'agit de Bob Dylan, chantait : the times, they are a-changing… Les temps changent.
Ce n'est pas le temps qui change, mais la possibilité de vivre dans le temps dont on dispose, ou la capacité à faire le temps.
On peut, cependant, rester Breton et digne et ne pas imposer un diktat à l'endroit d'autres Bretons qui verraient sacrifier le tiers des exploitations agricoles de leur commune pour satisfaire les quelques rares retraités qui iraient maladroitement dépenser ailleurs un argent fourni par la peine sur place d'une population active en déréliction.
Le projet d'aéroport de Notre Dame des landes ne sert pas la Bretagne.
Nous n'aurons pas in fine d'aéroport mais des dettes.
La Bretagne mérite mieux qu'un site aéroportuaire exploité par Air-Assedic.
C'est, hélas, ce vers quoi les tenants de ce projet nous conduisent inexorablement.
Le 14 mars 2008, Jean-Yves QUIGUER, président du Mouvement Fédéraliste de Bretagne