Je n'ai pas voté pour Ségolène Royal au premier tour et j'ai les plus grands doutes quant à sa capacité à mener la transition, indispensable, vers une économie durable et une société profondément décentralisée. Quelle que soit sa bonne volonté – et elle n'en manque pas – elle reste prisonnière d'un parti socialiste encore largement jacobin et productiviste.
Je voterai pourtant pour elle dimanche, sans illusions mais sans états d'âmes. Elle ne donnera sans doute pas à la Bretagne la liberté dont elle a besoin. Son adversaire, lui, la maintiendra dans un statut quo délétère qui étouffera toutes ses initiatives. Elle ne prendra sans doute pas les mesures, drastiques, qu'exigent le double défi du changement climatique et du pic pétrolier. Son adversaire, lui, ne fera rien, sauf s'assurer que Noël Forgeard et ses semblables puissent profiter de leur retraite à l'abri des conséquences de leur incurie. Elle est très certainement autoritaire, comme l'ont été toutes les vraies femmes d'état. Son adversaire semble considérer que la liberté de la presse est surtout la liberté pour lui d'en user à sa guise et d'en interdire l'accès aux autres.
Monsieur Sarkozy de Nagy-Bocsa n'est pas un fasciste, je l'admets volontiers. Il n'a même pas cette envergure-là. S'il fallait le comparer à quelqu'un ce serait à ce Bush le petit qu'il idolâtre... et encore, pour irresponsable et incompétent qu'il soit, le président américain n'éprouve pas le besoin de s'entourer d'une armée de policiers à chaque fois qu'il part en vacances. En plus de nous conduire à marches forcées vers le libéralisme le plus inhumain, Monsieur Sarkozy aurait toutes les chances, à coup de raids policiers et de déclarations au kärcher, d'embraser les quartiers populaires et de fracturer définitivement une société qui n'en a pourtant pas vraiment besoin.
Je ne veux pas de telles idées au pouvoir. Je ne veux surtout pas d'un tel homme au pouvoir.
Le 22 avril la Bretagne a refusé de donner une majorité, même relative, à la réaction et à l'aventurisme. Espérons que le 6 mai la France saura l'imiter.