Un livre est, habituellement, nous ne vous apprendrons rien, l’œuvre d’un auteur et lorsque le volume est illustré par des dessins ou des photographies, le fruit de la conjonction des talents d’un auteur et d’un graphiste ou, dans le second cas, ceux d’un auteur et d’un photographe.
De surcroît, un ouvrage est, communément, signé par des personnes physiques et bien vivantes.
En ce qui concerne les instructives et belles pages textuelles et photographiques reliées que nous vous présentons au travers de cette présente chronique, il en est, différemment, puisque celles-ci sont griffées des noms d’un marin gallois du début du XXe siècle, à la date de publication du recueil, disparu : Jack K. NEALE (1911-2011).
Travaillant, à l’époque, sur le port de Cardiff, il en est le photographe, mais, de facto, aussi, l’auteur.
En matière rédactionnelle, son patronyme est, ici, associé au nom d’une personne, non pas physique, mais morale, puisque s’agissant d’une association costarmoricaine, sise à Tréguier et dénommée « OCEANIDE » .
Nous avons, donc, le grand plaisir de vous présenter, au cœur de ce « papier en ligne » , publié chez Coop Breizh, « Goélettes bretonnes » , sous-titré « Les belles heures du cabotage » , de Jack K. NEALE et de l’Association OCEANIDE, livre qui retrace, durant l’entre deux guerres, assuré par d'élégantes goélettes, un commerce particulièrement actif qui existait entre la Bretagne nord et le pays de Galles.
Bien que non mentionné sur la première de couverture, sans nul doute, par humilité, il serait injuste de ne pas citer, d’entrée, le nom de Jacqueline GIBSON, Présidente de l’association OCEANIDE, par ailleurs, petite-fille de Joseph NICOLAS, capitaine de l’Océanide, l’une des goélettes les plus emblématiques de l’entre deux guerres, période concernée par l’ouvrage.
C’est elle qui, accomplissant un travail considérable, a traduit le manuscrit original de 200 pages, écrit par Jack K. NEALE, qui a été enrichi par différents documents et témoignages inédits, collectés, auprès de plusieurs familles de capitaines par les très actifs membres de l’association, ou rédigés, spécialement pour cette remarquable édition, en parvenant à relier la précision technique et l’aspect humain.
S’adressant, aussi bien, aux férus du patrimoine maritime, qu’à ceux qui souhaitent raviver et partager leur histoire familiale, ou aux curieux qui veulent découvrir cette richesse patrimoniale, crée en juillet 2016, à partir d’un collectif d’historiens autochtones, passionnés d’épopée maritime locale et de belles photos de navires, l’association trégorroise, comptant 10 membres au Conseil d’Administration et rassemblant une équipe de passionnés « à plein temps » , se consacre à la protection et la valorisation du patrimoine maritime du Pays de Tréguier.
Abondantes, chronophages, investigatrices recherches de photos, de documents sur le cabotage et les marchandises transportées, les ports et leurs activités, les goémoniers, l’ostréiculture, les naufrages, les défenses du littoral, l’écoute des anciens à la recherche de témoignages oraux sur leur propre vécu et celui de leurs parents et voisins, sont au cœur de l’intense activité de l’OCEANIDE qui donne, en finalité, vie à des conférences et des expositions photographiques pouvant circuler, jusqu’à Cardiff, avec, notamment, des clichés d’Ernest LE FORICHER et, bien sûr… de Jack K. NEALE !
Jack K. NEALE est né en 1911 à Penarth, près de Cardiff. C’est, au terme de ses études, que celui qui, initié par son père, commençait à naviguer dès l’âge de 6 ans, a trouvé, en1928, emploi dans l’entreprise familiale de chalutiers de pèche à vapeur, Neal & West, à cette époque, co-fondée par son grand-père.
Jack travaillait, principalement, dans les bureaux du port qui dominaient le West Bute Dock, bassin utilisé par les chalutiers à vapeur de la compagnie.
Côté cabotage, les voiliers britanniques, dans leur grande majorité, ayant disparu du paysage maritime, au profit des vapeurs, il s'est, alors, pris de passion pour les voiliers bretons en bois qui, en ces mêmes temps, subsistaient, encore et venaient chercher du charbon et des tuiles rouges à Cardiff, au retour de leurs transports, à partir des ports bretons, de primeurs, de plantes potagères, dont les célèbres oignons rosés de Roscoff et de poteaux de sapin destinés à l’étayage des chantiers d’extraction minière gallois.
A partir de 1936, au cours de son temps libre, comme le pratiquerait un reporter, muni d’un appareil photo, carnet de notes à la main, interrogeant, même, les capitaines, en s’intéressant à ces fascinants navires et, plus particulièrement à la très performante goélette bretonne OCEANIDE, Jack K. NEALE, parcourait de long en large le port de Cardiff.. Dans la droite ligne de ses investigations, il tint, également, pendant plusieurs années, dans la revue Sea Breezes, une rubrique dédiée à cette flotte bretonne de cabotage.
Les débuts de la seconde guerre mondiale mirent fin à cette opiniâtre et passionnée démarche. Jack s’enrôla, alors, dans la Royal Navy Volontary Reserve, puis, au cours de cette période de conflit, changeant d’unités, il fut reconverti dans l’escorte de convois vers le Nord Ecosse, la Russie, avant d’assurer des missions de défenses côtières, dans le Devon (Comté du sud-ouest de l'Angleterre), puis en Egypte, au Moyen Orient, pour finir son parcours militaire en Inde en 1945.
Pendant toutes ces années de guerre, il prendra en photos de très nombreux vaisseaux croisés en mer ou dans les ports.
De retour à Cardiff, en 1945, Jack K. NEALE constata que tous les voiliers-caboteurs bretons qu’il admirait autrefois, avaient, disparus. Jack se rendit compte qu’il était, alors, en possession d’une manne de clichés historiques d’avant-guerre qui pourraient illustrer un livre sur ce légendaire cabotage nord- breton.
Après un parcours professionnel maritime retrouvé, mais tourmenté par des bouleversements économiques intervenus dans l’activité de la pèche, ayant quitté, avec sa famille, Cardiff, se reconvertissant dans l’agriculture, puis dans la sylviculture, ce n’est que parvenu à l’âge de la retraite que Jack K. NEALE recherchera, en Grande Bretagne, quelqu’un qui, partageant cette même passion, pourrait, éventuellement, écrire l’histoire de ces Bretons et de leur légendaires goélettes et dundees.
Vaine quête !...
Faute d’écho favorable à sa requête, il décida de rédiger, lui-même, l’ouvrage mémoriel.
Dans ce but, au début des années 1970, trois étés durant, Jack vint s’installer en Nord Bretagne, afin de pouvoir interroger, sur les carrières de leurs parents, les descendants des capitaines qu’il avait côtoyés à Cardiff. C’est son fils qui lui servit d’interprète lors des entretiens, réalisés, principalement à Paimpol et Pleubian, rencontres souvent, enregistrés sur cassettes.
Sur la base de ses notes, ainsi collectées, Il rédigea le texte qui, dans sa traduction française, nourrit, fort qualitativement, le présent volume « Goélettes bretonnes » .
Au terme de ce méticuleux travail, Jack K. NEALE souhaitait, alors, publier son manuscrit. Mais, pour des raisons de coût d’impression trop élevé, ce conséquent fond documentaire textuel et photographique n’intéressa aucun éditeur, en Grande Bretagne.
Après son décès, en 2011, le manuscrit fut déposé aux Archives Nationales du Pays de Galles.
Grâce à l’accord conclu entre la famille et l’Association OCEANIDE, « Goélettes bretonnes - Les belles heures du cabotage » propose aujourd’hui, aux lecteurs, son propre manuscrit, complété par des photographies prises dans les années 1930 et par des notices historiques ou techniques consacrées à ces splendides, rapides et efficients bateaux qui, avant la seconde guerre mondiale, effectuaient le cabotage entre la Bretagne et le pays de Galles.
Après 4 pages d’une très dense et substantielle préface, co-signée des plumes de Jacqueline GIBSON, Présidente de l’association OCEANIDE et André LE PERSON, membre administrateur de l’entité, qui détaille et précise, bien mieux que notre précédent survol, le contexte de création de l’ouvrage, et l’avant-propos du manuscrit de Jack K. NEALE écrit en 1976, où la passion et l’opiniâtreté de l’auteur gallois inoculent chaque ligne, chaque mot, 9 passionnants chapitres vous attendent et vous emportent… Vous mettez, littéralement, les voiles !
Si les textes sont amples et truffés de détails, qu’ils soient historiques, techniques, humains, voire, contextuellement, presque anecdotiques, rassurez-vous, ils ne sont jamais fastidieux à appréhender.
La très importante iconographie qu’elle soit, principalement, photographique d’époque et en noir et blanc ou, ponctuellement, graphique les éclairent, les explicitent et les aèrent, largement.
« Dan ce livre, j’ai tenté d’établir un lien étroit entre les faits rapportés et mes photos » , précisait, déjà, en 1976, Jack K. NEALE, dans son avant-propos du moment, en début de publication, reproduit.
Les photos illustratrices sont, majoritairement et bien évidemment, issues du travail de Jack K. NEALE, retravaillées pour l’obtention d’une meilleure définition par sons fils, Andrew.
Cette galerie photographique qui devient quasi picturale, est complétée, entre autres, par les clichés d’Ernest LE FORICHER (Pleubian), après Arthur COADIOU (Perros), devenu, en 1926, capitaine, de la goélette Roscovite.
Elles proviennent, aussi, de collections privées, dont celle de Jacqueline GIBSON.
Il faut, très vivement saluer, en annexe, la présence indispensable d’un glossaire des termes de marine qui s’étire sur 7 pages et qui permet de traduire les mots propres à l’univers de la navigation aux terriens néophytes que nous pouvons être.
Par ailleurs, également au sein de ces ultimes feuillets qui concluent l’ouvrage, un inventaire des derniers voiliers caboteurs et trois index des bateaux, des personnes et des lieux permettent d’utiliser ce livre qui, comme toute publication, se parcourt de bout en bout, en encyclopédie référente que l’on peut solliciter, ponctuellement.
En exergue du thème central des goélettes bretonnes, Il y a, une multitude de sujets corollaires abordés, dans le corps même du texte original de Jack K. NEALE, comme au travers de témoignages rapportés, ou par les agrégats rédactionnels conçus par l’association OCEANIDE.
Parmi eux, citons, les chantiers navals paimpolais, les Johnnies, les naufrages des voiliers caboteurs, l’importation de tuiles anglaises en Trégor aux XIX et XXème siècles, l’approvisionnement de la France, en charbon de 1915 à 1924, les plans et manœuvres des voiles…
Exhumant manuscrit original et photographies d’époque issus de la main et de l’œil de Jack K. NEALE, restés, pendant des années, dans un tiroir, ayant su conclure un accord et obtenir l’appui et l’apport de la famille héritière, additionnant au rédactionnel originel, riches textes ciselés, pittoresques et authentiques témoignages, l’association OCEANIDE a réussi une prouesse de nous livrer, au travers de ce livre, particulièrement captivant, une vision exceptionnelle et inédite, tant par sa précision technique que par les aspects humains qui y sont évoqués, sur les derniers rapides et magnifiques voiliers caboteurs bretons, en bois.
La force et l’attrait de cette très belle et substantielle publication, finalement pensée dès 1930 par Jack K. NEALE, fort bien produite, réside, bien sur dans son cœur de cible qui met en valeur le patrimoine maritime caboteur à voile, aux très belles lignes, navigant, avant la deuxième guerre mondiale, mais, aussi parce que cette publication n’est pas, exclusivement, axée sur ces fiers vaisseaux, laissant une place importante à des exposés contextuels, consacrés, notamment, aux techniques de construction, aux jeunes équipages, aux échanges commerciaux avec le Pays de Galles et aux grandes familles de marins.
En réponse à la qualité du travail, opiniâtre, raffiné et pointu entreprit par l’association OCEANIDE (Voir site Internet) et tous ses membres avides de connaissance, de sauvegarde, mais aussi de transmission, procurez-vous, vite, ce dense ouvrage instructif, pédagogique, toujours plaisant que vous lirez d’un trait, emporté par la fluidité, la saveur patrimoniale, la passion de la narration et le rythme, ô combien, esthétique d’une centaine de picturaux clichés.
C’est un livre pour tous, passionnés par la Bretagne et/ou par le monde maritime, par l’histoire de la péninsule armoricaine et de ses pays frères. Chacun y trouvera, sans nul doute, « sa substantifique moelle » .
Gérard Simon
"Goélettes bretonnes - Les belles heures du cabotage", de Jack K. NEAL et l'Association OCEANIDE.
Site Internet de l’association OCEANIDE : (Voir site)
Parution : 29 mai 2020.
190 x 250 mm - Relié intégral - 256 pages - 27,00 €.
Edition : COOP BREIZH : (Voir site)
ISBN : 978-2-84346-889-6 - EAN : 9782843468896
Référence : 346889