Cela fait déjà 20 ans que Vincent Bolloré, et son groupe du même nom, investissent dans les véhicules électriques. Brique par brique, Vincent Bolloré construit sa Lithium Valley aux environs de Quimper, à Ergué-Gabéric, en un lieu-dit Pen Carn qui veut dire "tête dure" en breton. Personne ne croit que ce nom soit un pur hasard ! Qui se ressemble s'assemble...
C'est vrai que Bolloré, comme il l'a redit vendredi lors de l'inauguration de la nouvelle usine de fabrication du Bluetram, n'était pas obligé d'investir ici. On lui avait même déconseillé. D 'autres endroits étaient certainement plus rentables en termes de logistique ou de coûts de production. Mais rien n'y a fait. Bolloré était bien décidé à réinvestir un héritage familial, qu'il a transformé en une des 500 premières entreprises mondiales, dans ce lieu précis où tout avait commencé : une petite fabrique de papier à cigarette créée sur les bords de l'Odet en 1822. Un retour aux sources en quelque sorte. Mais aussi un hommage à une terre et à un logiciel culturel qui ont bercé son enfance et ont sans doute été un facteur déterminant de sa réussite. Cela s'appelle aussi gratitude.
La nouvelle usine, inaugurée hier, s'étend déjà sur 3000 m2 et va s'agrandir en 2016-2017 pour atteindre 7000 m2. Films plastiques (1996), super-capacités (2008), batteries (2013), et hier Bluetram (la Bluecar est fabriquée à Turin et à Dieppe), Bolloré en est à sa quatrième usine à Ergué-Gabéric. 750 emplois ont été créés et d'autres vont venir.
Si Rennes perd régulièrement des emplois dans l'automobile au combustible fossile, Quimper en gagne dans le véhicule électrique. Nous assistons à une lente mutation. Ceux qui pensent qu'une Bretagne à cinq départements marginaliserait le Finistère se trompent, d'autant plus qu'à Brest se développent une logistique et des usines d'assemblages de composants structurels pour les nouvelles éoliennes offshore sans parler des hydroliennes. La Bretagne fournira un jour non seulement les véhicules mais aussi l'énergie pour les propulser avec une énergie propre issue de l'éolien, de l'hydrolien, et de l'houlomoteur !
Il est vrai que les capacités de production à Pen Carn sont très faibles. Il ne s'agit que de quelques centaines de véhicules par an. Rien à voir avec les chaînes de montage robotisées des grandes enseignes mondiales. Mais, à Pen Carn, on construit un savoir-faire nouveau, basé sur des technologies nouvelles. A Pen Carn, on construit les transports publics et les véhicules du 21e siècle. On y construit et conçoit le futur.
Si les trams fabriqués ne font que 6 m (22 passagers), un autre de 12 m (90 passagers) sera produit en 2016. Un de 18 mètres est même prévu, ainsi que des rames. Le plus ? En plus d'être non polluants, certainement moins polluants que les bus au diesel (à part bien sûr dans la production de l'électricité elle-même pour le moment), les Bluetrams sont dix fois moins chers que les tramways traditionnels, car sans rails et sans caténaires. Environ deux millions d'euros au km au lieu de 20. Et le groupe produit aussi les stations d'arrêts qui, grâce aux supercondensateurs, rechargent le tramway en 20 secondes, plus rapidement que la descente et la montée des passagers !
Philippe Argouarch