Lettre ouverte aux dirigeants de Diwan Breizh
« les parents ont, en priorité , le droit de choisir le type d'éducation à donner à leurs enfants. »
article 26-3 de la déclaration universelle des droits de l'homme
Le 7 septembre 2013, en sa forteresse de Landerneau, le conseil d'administration de Diwan Breizh a décidé à l'unanimité moins une abstention la fermeture des écoles de Savenay et Pornic. Nous voulons tout d'abord exprimer notre solidarité et notre soutien à nos amis qui ont créé, développé et fait vivre l'école de Savenay à un an de la contractualisation avec l'éducation nationale. Au-delà du gâchis humain et du constat de mépris de la technostructure Diwan pour le travail accompli par les bénévoles sur le terrain, au-delà de notre écœurement, au-delà de notre colère, nous voulons par cette lettre ouverte mettre les choses au clair.
Un procès stalinien
Dans la plus grande tradition des procès staliniens des années 50, nous avons été condamnés sans même pouvoir assurer notre défense. Quand on pense que les représentants de la Loire-Atlantique à ce conseil ne se sont même pas opposés à cette décision de fermeture, il y a de quoi s'interroger sur l'exercice de la démocratie au sein de Diwan.
Une fermeture programmée
Dans un article posté sur le site d'information en ligne « Seizh » auquel nous ne retirerons pas une ligne (c.f pièce jointe), nous posions déjà les questions qui fâchent. Car depuis des mois, malgré la réussite flagrante de notre école, nous étions menacés de fermeture. Parents pas assez motivés – des parents qui pourtant ont passé l'été à réaliser eux-mêmes les travaux d'agrandissement de l'école –, pas de vraie séparation (diviser pour mieux régner) entre l'association des parents et le comité de soutien, de toute façon jugés trop indépendants.
Même la candidature que nous avons proposée, pardon, soumise à Diwan Breizh, n'a pas été retenue, alors même que le jeune enseignant que nous avions trouvé se proposait de s'effacer dès qu'un enseignant « officiel » serait nommé. Il faut le rappeler, 14 enfants étaient inscrits pour cette rentrée.
Finalement, on sentait bien que nous étions trop au sud.
Pourtant, qu'elle est belle notre Bretagne méridionale !
La débretonnisation de la Loire-Atlantique est en marche
Ce que les thuriféraires de la région administrative des Pays de la Loire avaient rêvé mais n'avaient pu accomplir Diwan l'a fait : réduire la place et la présence du breton en Loire-Atlantique.
Peut-être devrions-nous demander l'asile politique à la prestigieuse école d'Harvard où il est désormais possible d'apprendre le breton ?
Même les écoles catholiques ne demandent pas de certificat de baptême !
On nous reprochait aussi de « faire venir les enfants pour de mauvaises raisons » , sous entendu, plus pour les bienfaits du bilinguisme que pour le breton. A ceux qui nous faisaient ce reproche, nous leur répondions que même les écoles catholiques ne demandent pas de certificat de baptême. Quelle que soit la motivation des parents, cela ne nous regarde pas ! Dans tous les cas, leurs enfants apprendront le breton.
Kelenn, vous avez dit Kelenn ?
« Demandez le programme ! » . Kelenn signifie enseigner en breton. Qu'y fait-on, pourquoi les élèves enseignants fuient ce centre ? Quelle pédagogie y pratique-t-on ? Quel est le référentiel ? Les parents d'élèves de l'école de Savenay dans leur lettre ouverte ont, comme d'autres avant eux, posé la question. Comme eux, nous attendons toujours une réponse.
Nous voulons le « final cut »
Diwan Breizh a été créée pour aider les écoles et former des enseignants à travers son centre de Kelenn. Aujourd'hui la nomenklatura de Diwan a le droit de vie et de mort sur les écoles à cause du contrat de réseau qu'on leur fait signer. Nous voulons que, quoi qu'il arrive, les bénévoles qui font vivre les écoles au niveau local aient le dernier mot.
Changer la direction de Diwan
Même les écoles bretonnes par immersion ont droit à leur printemps. Alors si pour nous il est malheureusement trop tard, nous espérons que les survivants de Diwan mettront un terme à votre mandat, chers dirigeants de Diwan.
Une nouvelle école à Pornic ? Yezh we can !
Nous voulons créer à Pornic une école où les portes et les fenêtres seront grandes ouvertes, où les parents et les bénévoles ne seront pas de simples « chercheurs de chèques » , où nous pourrons mettre en place une pédagogie moderne et efficace, une école multilingue bretonne qui s'inspirera des plus belles réussites à l'échelle européenne.
Nous nous réservons le droit d'annoncer très bientôt la création de cette nouvelle école.
Yezh we can !
(Yezh veut dire « langue » en breton)
Tieri Jamet, président du comité de soutien de l'ex école Diwan de Pornic
Article posté sur le site d'information en ligne « Seizh » en avril 2013 :
Diwan : et si on changeait de direction ?
Il y a 15 jours a eu le lieu la grand-messe de Diwan à Landivisiau. Le déroulé de ce congrès appelle quelques remarques personnelles sur le fonctionnement même de l'association, du degré relatif de démocratie en son sein et de l'ambiance qui y règne. J'en veux pour preuve la façon dont la proposition de Mark Kerrain d'offrir un livre par an en breton aux élèves du primaire a été traitée.
Ma vision des choses est forcément subjective. Elle est celle d'un président de comité de soutien d'une école nouvellement créée, qui n'a pas d'enfant scolarisé à l'école, qui a franchi, un à un, tous les obstacles dressés devant un porteur de projet, trouver de l'argent, des locaux, convaincre des parents etc.
Ayant été très surpris par la technique (pardon d'utiliser un terme footballistique) du marquage individuel strict appliquée par la technostructure à notre projet, je voudrais aborder ici quelques tabous et quelques non dits qui semblent subsister dans notre association préférée.
A quoi servent les militants ?
« Ben, à faire des crêpes et à ramener des chèques, à quoi veux-tu qu'ils servent autrement ?» . Et bien non, les militants de l'association Diwan ont le droit de penser, de proposer, de discuter, même en dehors des congrès. S'il est entendu qu'ils doivent respecter les choix pédagogiques de ou des enseignants de l'école, ils ont le droit de se poser des questions, de remettre en question certaines pratiques de la maison mère sans pour autant nuire à l'école elle-même. Les comités de soutien et les associations de parents d'élèves s'organisent comme ils l'entendent, surtout comme ils le peuvent et n'ont pas d'injonctions à recevoir de la technostructure.
Le bilinguisme est-il la panacée ?
Un, c'est mal, deux, c'est la règle, trois c'est déviant. Je vous vois venir, surtout dans un pays de tradition catholique. Je ne parle là que des langues… Si parler deux langues, c'est plus profitable à l'enfant que d'en parler une seule, les linguistes sont tous d'accord sur ce point, en parler trois, et dès la maternelle, c'est encore mieux. Dans un pays comme la Bretagne qui est trilingue, et oui, le gallo est la langue romane de Bretagne, quoi de plus naturel. Le monde d'aujourd'hui est multilingue et notre devoir est de préparer nos enfants à ce monde. Donc, l'introduction d'une troisième langue dès la maternelle doit pouvoir être débattue. C'est la règle dans les écoles immersives de Catalogne et du Pays Basque. L'idée n'étant pas de banaliser le breton mais d'offrir une pédagogie multilingue à partir du breton.
Il ne faut pas que l'on vienne chez Diwan pour de mauvaises raisons
C'est une phrase que j'ai entendue plusieurs fois à la création de notre école. Mais les parents pensent ce qu'ils veulent, bon sang, et c'est tant mieux ! Qu'ils mettent leurs enfants chez Diwan en priorité pour le breton ou bien pour la qualité de la pédagogie, ou la possibilité d'apprendre plusieurs langues, ou encore parce que l'école est près de chez eux ou parce que la couleur des murs leur plaît, nous n'avons pas à juger de leur motivation. Même si le breton ne les intéresse pas, in fine, leurs enfants parleront breton plus tard et c'est ça l'essentiel.
Les parents sont de plus en plus consommateurs
L'éducation est un droit qui est difficilement contestable. Et tant mieux. A nous, militants de Diwan de persuader les parents et les bénévoles que cette expérience est valorisante et enrichissante. Mais pitié, pas de réunion organisée par la technostructure pour expliquer que les parents ne s'investissent pas assez. Si vous voulez les faire fuir, il n'y a pas de meilleur moyen…
L'immersion, oui, mais encore ?
D'accord, l'immersion est la meilleure façon d'apprendre une langue. Mais encore, c'est quoi la pédagogie de Diwan, mis à part l'immersion et l'incroyable investissement de ses enseignants ? Personne n'en sait rien. Dans le centre de formation de Diwan, on apprend le breton, ok, mais quelle est la pédagogie mise en avant ? Avec quelles méthodes et surtout, avec quels livres. Ceux faits par le rectorat, c'est-à-dire TES, ou alors pas de livre du tout ? Des photocopies ? Au fait, pourquoi seul le rectorat pourrait éditer des manuels scolaires ? Vous imaginez Nathan ou Hatier ou Hachette ayant le monopole des manuels scolaires ?
L'affaire Mark Kerrain
Et c'est là qu'on en vient à la proposition de Mark Kerrain : offrir un livre en breton à tous les enfants scolarisés en primaire afin que le breton rentre dans tous les foyers. Cette proposition rejoint la demande d'une télévision publique bretonne bilingue. Si le breton ne sort pas de l'école pour rentrer dans chaque maison en Bretagne, à quoi cela sert-il de l'apprendre ?
La proposition de Mark Kerrain est simplement une proposition de bon sens. Qui pourrait être contre ? Et bien, la direction de Diwan. Pourquoi ? Tout simplement parce que la proposition ne vient pas d'elle et que tout doit partir du sommet chez Diwan. On appelle ça le centralisme et c'est une invention française !
Diwan et La CGT
La CGT se préoccupe de l'avenir de Diwan et rencontre le ministère de l'éducation nationale. C'est plutôt une bonne nouvelle. On a connu la 1ère centrale syndicale plus jacobine. Et que dit la CGT : que des écoles au Pays Basque Nord ont un agrément dès la première année et que le principe d'égalité des citoyens fait que les écoles Diwan devraient avoir le même traitement (et donc bénéficier du forfait scolaire plus tôt pour les écoles et voir les enseignants payés par l'éducation nationale et plus par Diwan).
Même si la CGT n'a pas encore bien compris la différence entre enseignement privé et associatif, on ne peut tout leur demander en même temps, on devrait s'en réjouir. Pour une fois que les sacro-saints principes républicains sont en notre faveur…
Et quelle est la réaction de la direction de Diwan Breizh ? Elle nous pond un communiqué vengeur qui suggère à la CGT de se mêler de ses affaires. Encore une fois, tout ce qui ne vient pas de la direction de Diwan est contre Diwan. Cette façon de croire que le monde entier est contre vous porte un nom...
Une technostructure omniprésente
Je l'ai déjà dit plus haut, le centralisme est une invention française. Et les lourdeurs administratives qui vont avec. La mission de Diwan Breizh n'est pas de surveiller les écoles, de leur donner des bons et des mauvais points mais d'assurer la formation des enseignants à travers Kelenn (formation qui ne peut pas se limiter à l'apprentissage du breton) et d'apporter une aide juridique et pratique à des écoles qui trop souvent doivent se débrouiller seules (expérience vécue) dans le maquis des procédures à respecter pour recruter une ATSEM.
On aimerait voir exister un conseil d'administration et un président un peu moins transparent face à cette technostructure envahissante.
« Unis dans la diversité »
Il n'y a pas qu'à Diwan qu'on parle breton. J'aimerais que les liens avec Dihun et Divyezh soient plus forts parce que les buts pédagogiques poursuivis sont les mêmes.
J'aimerais voir Diwan assumer le multiculturalisme et son corolaire, le multilinguisme (3 langues dès la maternelle). J'aimerais en tout cas pouvoir en parler sans être accusé d'hérésie.
J'aimerais que les ATSEM aient enfin un vrai statut au sein des équipes pédagogiques et qu'ils(elles) aient accès aux formations de Kelenn.
J'aimerais que Diwan ait une vraie communication vers le monde extérieur, assuré par des professionnels afin que le boulot incroyable des enseignants soit mieux connu du grand public.
J'aimerais enfin qu'on ouvre les portes et les fenêtres et que les bénévoles qui font vivre cette association aient le dernier mot.
Tieri Jamet