Ngugi wat Thiong'o est un romancier kenyan qui écrivait en anglais et qui a décidé que désormais il n'écrirait plus qu'en kikuyu. Tout comme Atxaga pour le basque. Ou Bernez Tangi pour le breton.
Son livre "Décoloniser l'esprit" a été édité en 2011 à la Fabrique, maison d'édition alternative. Publié en 1986, sous le titre "Decolonising the mind", il explique son choix de ne plus s'exprimer désormais que dans sa langue maternelle. Il est né en 1938 dans le Kenya colonial, vécu l'humiliation de la mainmise anglaise, cédé comme la plupart des bons élèves et des jeunes auteurs à l'attrait de l'anglais. En 1977, à la parution de son troisième roman "Pétales de sang", et de la mise en scène de sa pièce de théâtre écrite en kikuyu, il se fait arbitrairement emprisonner par l'Etat kenyan.
En 1978, il vit un long exil forcé à Londres, puis en 1989 aux Etats-Unis, où il enseigne aux universités de Yale, New York puis de Californie. En 1986, les exemplaires de son best-seller "Matigari" sont saisis, les stocks confisqués. Ses oeuvres sont retirées des bibliothèques universitaires et scolaires du Kenya. Il échappe de peu à une tentative d'assassinat du régime d'Arap Moi. Exilé aux États-Unis, il écrit en kikuyu.
Il a tenté de revenir au Kenya en 2004, mais ils ont échappé, sa femme et lui, de justesse à une nouvelle attaque. "Preuve que sa critique de l'aliénation linguistique et des survivances du colonialisme continue de déranger"conclut Sylvain Prudhomme.
Morceaux choisis
"Reprendre l'initiative de sa propre histoire est un long processus, qui implique de se réapproprier tous les moyens par lesquels un peuple se définit. Le choix d'une langue, l'usage que les hommes décident d'en faire, la place qu'ils lui accordent, tout cela est déterminant et conditionne le regard qu'ils portent sur eux-mêmes et sur leur environnement naturel et social, voire sur l'univers entier. La question de la langue est cruciale et a toujours été au coeur des grandes violences faites à l'Afrique au XXe siècle. "
"Le découpage de 1885 fut imposé par l'épée et le fusil. Mais le cauchemar de l'épée et du fusil fut suivi de la craie et du tableau noir. A la violence physique du champ de bataille succéda la violence psychologique de la salle de classe. "
Ngugi wa Thiong'o
Décoloniser l'esprit, la Fabrique, 15 euros