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- Chronique -
Organisons la résistance avec nos bretonnismes
Parisianismes, anglicismes. Organisons la résistance avec nos bretonnismes. Donc, l'espace d'un été, la population de nos cinq départements va, une fois encore doubler. Conseillons à nos hôtes de l'été de ne pas « ruser les pieds » en promenade ou « carguer leurs bottes » à la pêche.
Par Jean-Charles Perazzi pour JCP le 8/07/12 12:31

Parisianismes, anglicismes : Organisons la résistance avec nos bretonnismes

Suite du journal de campagne de Jean-Charles Perazzi

Donc, l'espace d'un été, la population de nos cinq départements va, une fois encore doubler. On s'en réjouit pour l'économie locale ; on peut le craindre si nos hôtes, ne respectant pas les us et coutumes de notre pays, se croient tout permis ou ne se comportent pas bien chez nous.

N'exagérons pas. Disons que l'on accepte mal qu'ils s'en prennent à notre climat, ignorant que nous avons des branchies en guise de poumons et qu'ils viennent en partie nous voir pour remettre en état les leurs (leurs poumons), encombrés des miasmes de la capitale ou autres villes et lieux de l'hexagone. Mais, par-dessus tout, nous n'acceptons pas qu'ils nous prennent, peu ou prou, pour des « provinciaux », voire des « ploucs ». En particulier en déplorant que nous n'employions pas un français châtié, comme ils pensent ou croient le faire. Vous en doutez ?

Petit florilège de tics de langage et d'expressions à la mode

Tendez bien l'oreille en écoutant « Radio-Paris » ou « Télé-Paris » (titres génériques pour faire court) ; lisez un peu les colonnes des médias de la capitale. Pour voir tout ce qui s'y dit, s'y écrit. Vous découvrirez que les expressions à la mode, les tics de langages et autres perles y fleurissent et durent ce que durent les roses. Mais nous pouvons les faire nôtres si nous n'y prenons garde. Pas grave ? Peut-être. Sauf que c'est une certaine façon d'adopter inconsciemment une manière de parler ou d'écrire qui n'est pas de chez nous. Nous, nous avons nos bretonnismes (avec deux « n », comme tu y tiens, Hervé (1)) ; ils ont leurs parisianismes que rien nous oblige à utiliser au quotidien.

Hier nous avions ainsi droit, à longueur d'antennes et de colonnes, à « dans le cadre de »..., « tout-à-fait », « écoutez », « c'est récurrent », etc.

Aujourd'hui il est de bon ton d'«ouvrir une boîte à outils », de recevoir une « feuille de route », « de mettre la poussière sous le tapis », de « renverser la table », de constater que « c'est compliqué en matière de… ». Il est aussi question d'« impacter » et d'« acter » à tout bout de champ. Et ainsi de suite, étant entendu que le « tube » du moment est naturellement : « voilà ».

Mais ce n'est pas tout. Pour faire bonne mesure, on a droit encore à des pleins seaux d'exclamations qui, elles, n'ont rien de parisiennes. Cela va de « waou ! » à « yes ! », « sorry », « why not », en passant par « my God ! », « go on », « surbooking »… Une consoeur de la radio commence chaque jour son émission matinale par « Come on ! » Quant à la télé, elle met un soin particulier à choisir son programme, de préférence « people », du « prime time ». On en passe…

Félix Leclerc, le chanteur québécois, me confia un jour qu'il évitait soigneusement de parler anglais dans son pays. Sinon, ajouta-t-il, cela donne : « On shoote un corner. Il y a du suspense. Un drible. Le goal est battu ».

Il serait peut-être judicieux d'imiter ce grand bonhomme dont les souliers avaient beaucoup voyagé à travers le monde.

Résistons

Cette singulière manie d'utiliser par snobisme ou toute autre raison l'anglais, arrive chez nous. Exemple un titre récent dans l'un de nos quotidiens : « Des prêtres au bord de l'épuisement risquent le « burn out ». Les malheureux, ils vont devoir faire un « sit-in » de protestation. On a pu lire aussi dans une autre gazette « bien de chez nous » ce titre : « Small is beautiful ».

A ce compte, en plus du chinois (plus exactement le mandarin) et de l'espagnol, la langue anglaise a un grand boulevard devant elle.

Pas grave encore, diront certains. Sauf que les deux à trois mille langues « minoritaires » de la planète - il en disparaîtrait deux à trois chaque semaine - sont condamnées à terme.

Indignons-nous. Résistons.

De quelle manière ?

Pourquoi pas par l'humour ? C'est l'une des armes les plus redoutables et… pacifiques de surcroît.

Alors, par exemple, n'hésitons pas à conseiller à nos hôtes de l'été de ne pas « ruser les pieds » en promenade ou « carguer leurs bottes » à la pêche.

Du labour il y a sur la planche, Hervé. Mais, c'est sûr, du plaisir on aura.


Jean-Charles Perazzi


(1)Hervé Lossec, auteur de "Les bretonnismes" 1 et 2, parus chez Skol Vreizh.

Voir aussi :