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- Dépêche -
La RFID, menace pour nos libertés ou formidable opportunité à saisir rapidement ?
Dans son roman 1984, écrit en 1948 et devenu un grand classique de la science-fiction, l'écrivain britannique George Orwell (1903-1950) imaginait une société dans laquelle la liberté d'expression des individus aurait disparu et qui serait soumise à un régime policier et totalitaire, manifestement inspiré du nazisme et du stalinisme dans laquelle les individus seraient en permanence surveillés par "Big Brother".
Par Bernard Le Nail pour ABP le 5/10/08 13:44

Dans son roman "1984", écrit en 1948 et devenu un grand classique de la science-fiction, l'écrivain britannique George Orwell (1903-1950) imaginait une société dans laquelle la liberté d'expression des individus aurait disparu et qui serait soumise à un régime policier et totalitaire, manifestement inspiré du nazisme et du stalinisme dans laquelle les individus seraient en permanence surveillés par "Big Brother". Partout des écriteaux et des affiches rappelleraient en permanence aux habitants : "Big Brother is watching you" (Big Brother vous observe), ce Big Brother pouvant être un dictateur, une caste au pouvoir ou un ordinateur géant... Un tel régime n'a heureusement jamais vu le jour et nous venons de voir au contraire s'écrouler en quelques années les régimes communistes qui exerçaient une terrible terreur policière sur les habitants de nombreux pays, dont beaucoup ont aujourd'hui retrouvé la liberté et la démocratie.

La vigilance des citoyens reste cependant indispensable et certaines évolutions techniques qui peuvent être source de progrès considérables pour l'humanité, présentent aussi des risques très sérieux pour nos libertés individuelles et collectives. C'est le cas de la RFID (de l'anglais "radio frequency identification") ou radio-identification qui se développe rapidement dans divers domaines de notre vie quotidienne : ainsi dans beaucoup de bibliothèques (c'est le cas par exemple aux Champs Libres à Rennes), des puces sont déjà placées dans les livres empruntés et déclenchent une alarme à la sortie si ces livres n'ont pas été préalablement enregistrés sur un automate ; d'autres puces sont présentes sur les badges d'accès à des immeubles, à des bureaux et à d'autres locaux sécurisés ; des puces permettent à des automobilistes de régler le montant des péages autoroutiers sans avoir à s'arrêter aux barrières de péage; demain, des puces seront intégrées dans les emballages des produits achetés en grande surface pour un paiement rapide à la caisse ; des puces peuvent même être implantées dans des organismes vivants (animaux, corps humain), c'est déjà le cas pour des animaux sauvages (saumon, oiseaux migrateurs, etc.) dont on cherche à suivre les déplacements, pour un nombre croissant d'animaux de compagnie et pour le bétail, principalement vaches, moutons et porcs.

Ces puces communicantes, support de la technologie RFID, émettent et reçoivent des informations de plus en plus complexes. Elles permettent de mémoriser et récupérer des données à distance. De la taille d'une pièce de monnaie ou même d'un grain de sable, elles peuvent admettre des volumes de données de plus en plus lourds. Ces puces sont des dispositifs passifs, ne nécessitant aucune source d'énergie en dehors de celle fournie par les lecteurs au moment de leur interrogation. Il y a encore peu de temps, la lecture des puces passives était limitée à une distance d'environ 10 mètres, mais maintenant, grâce à la technologie utilisée dans les systèmes de communications avec l'espace lointain, cette distance peut s'étendre jusqu'à 200 mètres.

Le développement de ces techniques donne un peu le vertige car on peut imaginer une société où chaque individu serait équipé dès sa naissance d'une "puce" et dans laquelle on pourrait ainsi demain suivre tous ses déplacements avec une grande précision 24 heures sur 24, 365 jours par an. Chaque individu serait ainsi surveillé en permanence.

L'apparition de puces de plus en plus performantes sur des cartes de paiement, sur des cartes d'utilisation des transports, sur des cartes de téléphone mobile, dans des passeports, sur des cartes contenant notre dossier de santé avec des données médicales très complètes, etc. est en train de nous insérer dans un système qui pourrait de fait, si toutes ces informations étaient interconnectées de tout connaître de nos déplacements, de nos dépenses, de nos lectures, de nos fréquentations, de nos loisirs, de nos habitudes... L'informatique permet de stocker et de traiter toutes ces données. La menace est bien réelle.

Il ne faut cependant pas verser dans la paranoïa. Ces techniques ont aussi bien des avantages pour améliorer la sécurité des biens et des personnes, assurer la traçabilité des aliments, améliorer la gestion des stocks, accélérer de nombreux processus, combattre la fraude, réduire quasiment à zéro les risques d'erreur dans la gestion de stocks, etc. Comme toute nouvelle activité, la RFID ouvre de nouvelles opportunités de développement industriel et donc de création d'emplois et de valeur ajoutée.


Le Pays de Vitré en pointe dans ce domaine

Il est intéressant de constater qu'il y a aujourd'hui à Vitré trois entreprises en pointe dans ce domaine : Atlantic RF spécialisée en identification numérique et en train de devenir un des nouveaux leaders de son marché ; Oberthur Card systems, dont le site vitréen réunit l'infrastructure de production de cartes à puces (dont les nouvelles cartes vitales) et le service de développement de ces nouveaux produits ; et enfin Allflex, leader mondial de la production de boucles électroniques d'identification animale.

Le Pays de Vitré se distingue ainsi par une spécialisation dans la production de ces merveilles miniatures de technologie. Des décideurs économiques se sont saisis de ce fait, dû au hasard, pour en faire une force : ils ont entrepris de rapprocher des entreprises locales intéressées par les nombreuses applications de la RFID et des instituts de recherche. L'association «RFID Bretagne Développement» soutient cette initiative, avec pour maître-mot : la compétitivité. Les partenaires sont réunis pour la formation d'un "cluster" ou «système productif local» . Un "cluster" se définit comme un espace de mise à disposition d'information, de mise commun de moyens, d'intégration des stratégies diverses, etc., que se donnent plusieurs entreprises d'un même secteur et des secteurs connexes pour maximiser l'efficacité de leur actions individuelles. En résumé : innover en partageant des coûts d'échelle et proposer des produits de haute-technologie, compétitifs sur le marché mondial...

Disons quelques mots des entreprises vitréennes engagées dans ce domaine, en sachant qu'il en existe d'autres dans le reste de la Bretagne et aussi que les utilisations de ces techniques nouvelles sont en train de se multiplier.


Atlantic R.F.

La société Atlantic R.F. a été créée en 2003 par cinq cadres de la SOREP, importante société créée en 1977 à Châteaubourg et faisant partie depuis 2000 du groupe Thalès (ex Thomson CSF). Installée sur la zone industrielle du Piquet, en bordure de la voie expresse vers Paris, sur la commune d'Étrelles, aux portes de Vitré, la société Atlantique R.F. emploie une trentaine de salariés, dont 17 cadres, ingénieurs et techniciens. C'est une société d'étude, de développement, de fabrication et de commercialisation de produits et services dans le domaine de l'identification et la transmission de données par radiofréquence. Concrètement, elle a mis au point des systèmes qui permettent de relever les compteurs (électricité, gaz, etc.) dans les maisons sans avoir besoin d'y entrer pour effectuer le chiffrage de la consommation des usagers; les données sont en effet transmises par radio-fréquence. De la même manière, les automobilistes équipés de "puces" électroniques peuvent acquitter leur péage sur les autoroutes sans avoir à s'arrêter. Ces dispositifs permettent aussi la géolocalisation de détresse par satellite. Ils permettent encore l'identification à distance des flottes de véhicules pour connaître à tout moment leur positionnement exact... La société a réalisé en 2007/2008 un chiffre d'affaires de 8,8 MF, dont 20% à l'étranger et elle connaît une forte croissance.


La société Allflex

Née en Nouvelle-Zélande en 1955, la société Allflex, spécialisée dans l'identification des animaux d'élevage (bovins, ovins et porcs) a entrepris bientôt de se développer dans le reste du monde en privilégiant naturellement les pays ayant une importante activité d'élevage et c'est ainsi que ses dirigeants ont envisagé une implantation en France et plus spécialement dans l'ouest. Pierre Méhaignerie a su les convaincre de venir à Vitré où leur usine a été inaugurée en 1981. Elle est aujourd'hui la plus importante du groupe avec près de 200 salariés sur un total plus de 800 personnes dans le monde, et la société Allflex est devenue, malgré une forte concurrence, le leader mondial dans ce domaine de l'identification des animaux. Le groupe Allflex dont les produits sont utilisés dans une centaine de pays de la planète, est aujourd'hui présent avec des unités de fabrication de boucles de marquage dans de nombreux pays : Australie, Brésil, Canada, Chine, Colombie, Écosse, États-Unis, Norvège, Turquie; l'usine de Vitré produit à elle seule un million de boucles d'oreille par jour. L'usine bretonne du groupe néo-zélandais en est "la" référence mondiale sur le plan technologique : c'est à Vitré en effet que se fait la recherche-développement du groupe et que sont conçues les machines utilisées dans l'ensemble des usines du groupe. En 1993 , l'usine de Vitré a reçu la certification Qualité ISO 9001

L'usine de Vitré a atteint désormais un haut degré d'automatisation et de robotisation des tâches, depuis la réalisation des pièces à partir de granulés de plastique jusqu'au marquage permettant de personnaliser chacune des boucles pour un animal donné, pour un éleveur précis, dans divers pays d'Europe et du monde, et jusqu'à la préparation du contenu des cartons d'expédition avec des noms et des adresses écrites en de nombreuses langues de la planète, dont le japonais... Des caméras reliées à de puissants ordinateurs assurent en permanence le contrôle de la qualité. Certaines productions électroniques avaient été sous-traitées en Chine et en Asie du Sud-Est, mais elles ont pu être rapatriées à Vitré grâce à l'automatisation croissante (et très impressionnante) de nombreuses tâches. Les participants peuvent ainsi voir une machine qui réalise à elle seule les tâches précédemment dévolues à 80 travailleurs en Asie...

Allflex se proclame partout "The world's N°1 livestock identification system" (numéro 1 mondial des systèmes d'identification du bétail) et, de fait, le groupe détient à ce jour 80% du marché de l'identification, mais ce marché est encore loin de couvrir le monde entier. En Europe, tout bovin reçoit une marque d'identification à sa naissance et ne peut être transporté nulle part s'il n'a pas sa boucle d'oreille, mais, aux États-Unis par exemple, il n'y a pas encore de réglementation officielle en la matière. Dans un contexte marqué par les principes de précaution et de traçabilité, l'identification devrait se répandre de plus en plus et les boucles d'oreille Allflex présentent bien des atouts. Le groupe s'est en effet engagé ces dernières années dans une révolution technologique qui consiste à passer de l'identification visuelle à l'identification électronique et par radiofréquence (RFID). Après l'épisode de la vache folle, la réglementation s'est durcie à tous les niveaux. Les animaux ont dû passer d'une à deux boucles d'oreille. Les services de contrôle vétérinaires sont devenus partout beaucoup plus draconiens. L'usine Allflex de Vitré fonctionne 24 heures sur 24 et 360 jours par an.


François-Charles Oberthur (FCO)

Né à Strasbourg en 1818, François-Charles Oberthur arriva à Rennes en 1838 et il y créa une petite affaire d'imprimerie qui employait 60 salariés en 1857, plus de 400 en 1887 et qui devint par la suite une des plus importantes de France avec 1400 salariés à son apogée en 1967. Par la suite, après plusieurs crises, la société était mise en liquidation en 1983 et ses activités relancées avec de nouveaux actionnaires sous la forme de trois sociétés indépendantes. La branche fiduciaire qui comptait seulement 45 salariés en 1984 allait prendre un nouveau départ sous le nom de François-Charles Oberthur (FCO) et connaître une réussite spectaculaire : ce groupe, dont le siège est à Paris, possède aujourd'hui de nombreuses filiales sur trois continents et est aujourd'hui l'un des plus grands de l'impression de sécurité dans le monde. Il emploie 2 600 personnes et il occupe le troisième rang mondial pour l'impression fiduciaire. Il a des unités de production à San Antonio (Texas), à Sydney (Australie) et à Montréal (Québec) et a conservé deux implantations bretonnes : une usine fiduciaire à Rennes et une usine de fabrication de cartes intelligentes à Vitré.

À Chantepie, tout près de Rennes, la filiale François-Charles Oberthur fiduciaire, est vraiment l'héritière directe du secteur fiduciaire de l'entreprise familiale Oberthur. Elle constitue toujours "le fer de lance" du groupe. Outre les billets de banque, les 300 salariés de l'entreprise rennaise impriment également des passeports, cartes d'identité et autres documents de valeur. A ce jour, plus de 35 banques dans le monde ont délégué à François-Charles Oberthur la fabrication de leurs billets de banques. Mais, confidentialité oblige, le nom des monnaies actuellement produites à Rennes ne peut pas être divulgué… La qualité et la sécurité sont, en impression fiduciaire encore plus qu'ailleurs, des priorités. En 1995, l'entreprise a obtenu la norme Iso 9002, officialisant la qualité et le sérieux de ses prestations.

A Vitré, l'autre unité bretonne du groupe FCO est sa filiale Oberthur Smart Cards ; implantée en 1991, elle emploie 250 salariés. Avec deux autres usines du groupe (à Dijon et à Los Angeles), elle constitue le premier fabricant mondial de cartes bancaires à microprocesseur et le premier fabricant français de cartes "intelligentes" : cartes bancaires (Visa, Mastercard…), porte-monnaie électronique, mais aussi cartes de contrôle d'accès (sécurité informatique et accès aux réseaux), cartes multifonctions (cartes de fidélité, cartes d'identité) et télécartes. C'est aussi à Vitré qu'est produite la toute nouvelle carte santé "vitale" de la sécurité sociale, en cours d'expérimentation dans la région. Équipée d'un microprocesseur, la carte Vitale contiendra le dossier administratif de l'assuré et, à terme, renfermera aussi son dossier médical.

"La tradition au service de l'avenir" : c'est ainsi que se présente aujourd'hui le groupe François-Charles Oberthur. Sa réussite actuelle montre qu'il a en effet su tirer parti d'un nom et d'une longue histoire, tout en se tournant vers les innovations technologiques et les marchés de demain. En quelques années, Oberthur Card Systems s'est imposé comme l'un des leaders mondiaux sur le marché de l'industrie de haute sécurité (fabrication de cartes à microprocesseur). À Vitré depuis 1987, Oberthur Card Systems et ses 270 salariés constituent l'usine mère de la division carte du groupe Oberthur.

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Bernard Le Nail est un écrivain fondateur de la maison d'édition LES PORTES DU LARGE. Contributeur ABP
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