Tel serait l'objet de l'invraisemblable appel de la fédération PS Finistère qui a récemment estimé « qu'il manquait à ce mouvement l'adhésion des Bretons » . Peut-on concevoir plus grande absurdité ? C'est oublier que ce mouvement n'appartient à personne en particulier, et qu'il n'appartient donc à personne en particulier de le « dissoudre » . C'est aussi oublier que derrière chaque Bonnet Rouge mobilisé, dans quelque manifestation que ce soit, se tiennent plusieurs dizaines d'autres. Autrement dit, chaque Bonnet Rouge n'est qu'une partie de cet « iceberg » plus vaste que les commentateurs (journalistes ou politiques) choisissent de prendre ou non en considération selon leur humeur du moment. Car nous parlons bien d'un mouvement de fond : d'ampleur certaine et fait pour durer.
I. Nous vivons une époque complexe dans laquelle il est extrêmement difficile de mobiliser et dans laquelle il est extrêmement difficile de retenir l'attention. Nous vivons aussi une époque subtile dans laquelle Internet joue pleinement son rôle de "connexion" en fédérant les esprits « en moins de temps qu'il ne faut pour le dire » .
Le mouvement populaire des Bonnets Rouges n'est ni « un mouvement social classique » (il n'est pas assez unitaire pour cela), ni « un mouvement politique standard » (il n'est pas en dialogue avec les familles politiques traditionnelles). En outre, sa visibilité n'est pas que physique ou géographique. Où l'on retrouve la philosophie...
II. Le mouvement des Bonnets Rouges, parce qu'il existe aussi (et d'abord) sur internet, est en partie « virtuel » ou « mental » . Il occupe les esprits avant de déplacer les corps. C'est d'ailleurs l'une des raisons pour lesquelles il ne peut être dissous, à savoir que ce mouvement est avant tout « symbolique » .
De fait, les Bonnets Rouges occupent depuis l'automne 2013 « l'espace mental breton » et les enjeux en sont clairement philosophiques : penser par soi-même, gagner en autonomie (et capacité de décision), lutter pour une certaine indépendance d'esprit... Tout cela permet de répondre aux détracteurs de ce mouvement qui lui reprochent depuis le début « de ne pas être cohérent » et de « défendre trop de choses à la fois » .
Car il faut quand même rappeler que derrière chaque Bonnet Rouge, il y a "un Breton" et que tout Breton est plus ou moins « contre l'écotaxe » , « pour Nantes en Bretagne » et pour une certaine forme d'indépendance d'esprit.
Chaque Breton mobilisé est donc un peu, et à chaque fois, l'incarnation de "la Bretagne" ou de l'état d'esprit breton (qui n'existe jamais tant que lorsqu'il se démarque de l'état d'esprit français qui, à force d'"unité" et de "conformité" tend aussi à la plus grande "indifférence").
III. Mais il faut dire aussi que nous vivons une époque peu spirituelle et peu philosophique. Il n'y a qu'à en juger par les sujets du « Bac Philo » 2014 distribués hier, lundi 16 juin, « sur tout le territoire national » . Encore une fois, il s'agit moins, dans ce type d'épreuve, de « réfléchir par soi-même » que de « disserter » , autrement dit, en contexte français, « produire (et produire encore)de la langue française » .
Rappelons donc ici que la France est le seul pays au monde à avoir fait de « la philosophie » une discipline à part entière (qui, par principe, exclut l'histoire, la culture, voire l'actualité...). Rappelons aussi que le Baccalauréat a été instauré par un dictateur (Napoléon Bonaparte) pour reconnaître en chacun « l'effort français » . L'idéologie est toujours le plus sûr et le plus doux des moyens pour contrôler les esprits...
En pareil contexte, la Bretagne, qu'elle soit physique, virtuelle ou philosophique demeure symboliquement « un espace de liberté » . C'est cela même que les Bonnets Rouges défendent et continueront de défendre. En ce sens, ce mouvement ne saurait avoir de "dirigeants", mais que des "porte-paroles". Comment des élus PS peuvent-ils dès lors accuser ces derniers de s'être « accaparés le Gwen Ha Du » ? C'est non seulement absurde, mais dangereux, car à force de perdre tout bon sens, on perd le sens même de la réalité. Raison pour laquelle le philosophe Descartes (1596-1650) avait en son temps quitté la France : non seulement pour penser par lui-même, mais aussi pour simplement exister...
Pour l'UPPB,
Simon Alain
www.simonalain.com