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Généalogies des ducs de Bretagne par Frédéric Morvan aux éditions Jean-Paul Gisserot
Généalogies des ducs de Bretagne par Frédéric Morvan aux éditions Jean-Paul Gisserot
- Chronique -
Deux familles ducales pour la Bretagne
La Bretagne a cette particularité dans son histoire d'avoir deux dynasties, étroitement apparentées, dont les destins s'entrecroisèrent constamment, qui se partagèrent pendant plus de 500 ans le duché de Bretagne,
Frédéric MORVAN Par FM le 6/11/15 23:20

La Bretagne a cette particularité dans son histoire d'avoir deux dynasties, étroitement apparentées, dont les destins s'entrecroisèrent constamment, qui se partagèrent pendant plus de 500 ans le duché de Bretagne, l'une dominait le Nord et l'autre le Sud, l'une était plus centralisatrice, l'autre plus féodale, l'une plus autoritaire que l'autre, l'une plus riche que l'autre.

Longtemps on a vu les membres des deux maisons de Penthièvre (la première couvrant la période allant de 1066 à 1339 et la seconde allant de 1365 à 1598) comme de simples grands seigneurs, c'est bien sûr ce que voulut imposer la propagande des ducs de Bretagne de la maison de Montfort (au XVe siècle). Cependant très récemment, mes travaux, ceux de Stéphane Morin et d'historiens britanniques comme Daniel Power, ont montré que ces deux familles étaient d'importance politique égale, toutes deux pouvant réclamer le titre ducal et elles ne s'en privèrent pas. Tout commença à la mort en 1066 de Conan III de Rennes, duc de Bretagne. Mort sans enfant, son beau-frère, Hoël de Cornouaille, le mari de son unique s½ur Havoise, lui succéda. Il réussit à s'imposer car il détenait tout le Sud de la Bretagne, les comtés de Nantes, de Cornouaille et de Vannes. L'oncle de sa femme, Eudes (mort en 1079), qui portait le titre de comte (sous-entendu de Bretagne ou des Bretons), refusa cette succession du titre ducal en ligne féminine. Il n'y eut pas de guerre civile car les fils d'Eudes étaient alors en Angleterre où ils aidaient leur cousin, Guillaume le Conquérant, à s'emparer de ce royaume (1066). Le résultat fut que ces fils d'Eudes ou Eudonides furent littéralement couverts de fiefs et de manoirs. L'un d'eux, Alain le Roux, obtint même plus de 250 manoirs et la 3e fortune foncière d'Angleterre.

Les Eudonides devinrent alors bien plus riches que leurs cousins les ducs de Bretagne. Eudes (qui était le fils cadet du duc Geoffroy Ier) leur laissa à sa mort son héritage paternel, soit une grande partie de l'immense comté de Rennes (comprenant les Trégor, Goëlo, Penthièvre et peut-être même une partie du Poher actuel). Ils portèrent tous le titre de comte (sous-entendu de Bretagne) et c'est sous le nom de Bretagne qu'ils sont connus en Angleterre. Le plus jeune des fils d'Eudes, Etienne (mort en 1135), hérita de tous ses frères et devint l'un des plus riches princes de l'Occident chrétien. Ses filles et petites-filles furent mariées aux seigneurs de Dinan et de Fougères et aux vicomtes de Léon. Résultat : les Eudonides contrôlèrent tout le Nord du duché. On pensa à une solution : le 2nd fils d'Etienne, Alain de Richmond (mort 1146), allait épouser Berthe, la fille et héritière de Conan III de Cornouaille (mort en 1148), duc de Bretagne, et ainsi ils allaient réunir le Nord et le Sud de la Bretagne. Mais cela ne se fit pas car le frère aîné d'Alain eut des fils. Le fils d'Alain, Conan (IV), hérita de son grand-père, Conan III, le duché de Bretagne et, contraint par le roi d'Angleterre, Henri II, l'abandonna en 1166 à sa fille, Constance (morte en 1201).

En étant mariée en 1181 à Geoffroy d'Angleterre, 3e fils d'Henri II, Constance de Bretagne entra dans la maison Plantagenêt, la plus riche et la puissante de l'Occident chrétien. Alors que les ducs de Bretagne s'enrichissaient, la fortune des Eudonides se disloquait : le frère aîné d'Alain de Richmond, Geoffroy Boterel II, et ses fils devinrent les comtes de Penthièvre et le frère cadet d'Alain, Henri (mort en 1181), reçut le Trégor et le Goëlo. En 1203, le duc Arthur de Bretagne, fils de Geoffroy et de Constance, fut assassiné par son oncle, le roi d'Angleterre, Jean sans Terre. Ce fut son cousin, Alain de Goëlo, fils d'Henri, qui réunit les troupes bretonnes et vengea Arthur en aidant le roi de France, Philippe Auguste, à conquérir la Normandie anglaise. La mort en 1205 du descendant de Geoffroy Boterel II lui permit de dominer tout le Nord de la Bretagne alors que le Sud appartenait à Guy de Thouars (3e époux de Constance) et à ses filles. On trouva un accord en 1209 : le fils aîné d'Alain, Henri, devait épouser Alix, fille de Guy et de Constance, et duchesse de Bretagne depuis la mort de son demi-frère. Mais la guerre avec l'Angleterre reprit et le roi de France détruisit ce projet profitant de la mort d'Alain (en 1212) et de la jeunesse d'Henri. Il maria en 1213 Alix à son cousin, Pierre de Dreux (donc à un prince capétien).

Les descendants d'Alix et de Pierre, Jean Ier (duc de 1237 à 1286), Jean II (duc de 1286 à 1305), Arthur II (duc de 1305 à 1312) et Jean III (duc de 1312 à 1341), grâce à une gestion autoritaire et centralisatrice, non sans quelques confiscations et spoliations, et surtout à des mariages très fructueux, devinrent parmi les ducs de Bretagne les plus riches. Que devint le pauvre Henri ? Il prit le nom d'Avaugour, se maria et il eut des enfants qui furent très bien mariés. L'aînée, Alain d'Avaugour, épousa la dame de Dinan et de Mayenne. Le petit-fils de ce dernier, Henri III, fut un proche conseiller du roi de France, Philippe V (mort en 1322). Il maria sa fille aînée et héritière, Jeanne, à Guy de Bretagne, frère cadet de Jean III et son héritier car le duc n'avait pas d'enfant. Henri III obtint que Jean III donne à son frère le Trégor et le Penthièvre qui avait été confisqués par Pierre de Dreux à son ancêtre Henri Ier d'Avaugour.

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Les plans d'Henri III réussirent à merveille. A sa mort en 1339 ses biens allèrent à sa petite-fille, Jeanne, qui avait hérité de son père, mort en 1331, et qui allait hériter en 1341 de son oncle, Jean III, du duché de Bretagne. Jeanne représentait donc la réunion des deux familles ducales. Mais le demi-frère cadet de son père (issu du second mariage d'Arthur II), Jean de Montfort, réclama le duché et la guerre de Succession commença, ravageant la Bretagne. A la bataille d'Auray en 1364, ce furent les troupes anglaises de Jean de Monfort fils (son père Jean de Montfort mourut en 1345) qui l'emportèrent sur celles (composées surtout de Bretons) de Jeanne. Au traité de Guérande (1365), Jean de Montfort devint duc de Bretagne et Jeanne, qui garda son titre de duchesse de Bretagne, comtesse de Penthièvre (c'est-à-dire le Trégor, le Goëlo, le Dinanais, et le Penthièvre). Deux guerriers défendirent les intérêts de Jeanne, tous deux furent, sur son intervention, nommés par le roi de France connétable de France (il est vrai que l'armée du roi était composée en très grande partie des Bretons fidèles à Jeanne) : Du Guesclin et Clisson. Ce dernier, une des plus grandes fortunes de France, maria sa fille, Marguerite, au fils aîné de Jeanne, augmentant encore davantage la fortune des Penthièvre. Et la guerre civile continua. On finit par s'arranger pendant un temps. Mais en 1420, Marguerite de Clisson et ses fils, les Penthièvre (que l'on nommait de Bretagne), kidnappèrent le duc de Bretagne, Jean V, fils de Jean IV (qui était mort en 1399). Pendant six mois, Jean V crut mourir mais les Bretons, outrés par le comportement des Penthièvre, vinrent le libérer. Tous les immenses biens des Penthièvre en Bretagne furent confisqués. Jean V les pourchassa jusqu'à sa mort en 1442, mais les Penthièvre restaient très influents à la cour du roi et conservaient de très riches seigneuries (Avesnes en Hainaut, Belleville en Poitou, le Limousin, le Périgord).

Arthur de Richemont, frère cadet de Jean V, persuada en 1448 son neveu, le duc François Ier (mort en 1450), de leur rendre leur comté de Penthièvre, mais sans le Trégor. Toutefois, le duc François II le leur reprit en 1465 car ils étaient alliés au roi de France avec qui le duc était en guerre. En désespoir de cause, très endettée, Nicole de Penthièvre, qui dans les actes était nommée Nicole de Bretagne, aînée des descendantes de Jeanne, vendit en 1480 au roi de France, Louis XI, pour 50 000 écus d'or, ses droits sur le duché de Bretagne. En effet, il avait été prévu au traité de Guérande que si Jean IV n'avait plus de descendants masculins, c'était les descendants de Jeanne qui devaient hériter du duché de Bretagne. Et c'est ce qui arriva. François II mourut en 1488 ne laissant qu'une fille, Anne. Charles VIII, fils de Louis XI, réclama donc la Bretagne car il détenait les droits de Nicole. Et la guerre éclata et Anne la perdit. On trouva un arrangement… par un mariage. Charles VIII se maria avec Anne. Charles VIII mourut en 1498 et Anne récupéra le duché de Bretagne.

Et vous me direz : et les Penthièvre, que devinrent-ils ? Nicole eut des enfants de son mariage avec Jean II de Brosse, un grand seigneur poitevin. Le roi de France, François Ier, restitua à son petit-fils, Jean IV de Brosse (dit de Bretagne, mort en 1564), le comté de Penthièvre (qui fut érigé en duché). Il est vrai que Jean venait d'épouser la maîtresse du roi (alors marié à la fille d'Anne de Bretagne, Claude, duchesse de Bretagne). En Bretagne, les rois de France s'appuyèrent sur les Penthièvre : Jean IV fut nommé gouverneur de Bretagne en 1542 comme le fut son neveu et héritier, Sébastien de Luxembourg, en 1562, et le gendre de ce dernier, Philippe-Emmanuel de Lorraine, duc de Mercoeur en 1582. Lorsqu'Henri III, descendant direct d'Anne et de Claude de Bretagne, fut assassiné en 1589, Henri IV de Bourbon lui succéda, mais en Bretagne, le duc de Mercoeur et de Penthièvre s'y opposa ; Henri IV étant protestant. Le duc de Mercoeur déclara son jeune fils duc et prince de Bretagne provoquant une guerre qui ravagea la Bretagne, la guerre de la Ligue. Mais le roi de France se convertit au catholicisme. Vaincu, Mercoeur se soumit en 1598 et dut marier sa riche fille unique au bâtard d'Henri IV, le duc de Vendôme (son fils était mort). Leurs descendants ne réclamèrent jamais plus la Bretagne alors qu'ils étaient les plus grands seigneurs de Bretagne.

Force est donc de remarquer que cette exceptionnellement longue querelle de famille aurait pu disloquer la Bretagne. Et pourtant, ce ne fut jamais le cas. Les princes ne voulaient pas de cette solution. Les émissaires du pape et du roi de France proposèrent par deux fois à Jeanne de Penthièvre la partition de la Bretagne, à elle, le Nord et à son cousin Montfort, le Sud, mais par deux fois, elle refusa. Dès que l'occasion se présentait, on mariait l'héritier à l'héritière. Sinon, on se faisait la guerre. Et cela dura 500 ans.

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historien de la Bretagne
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