par Yann Rivallain & Davyth Hicks Sabrina, une jeune bretonne de dix-sept ans qui avait, selon des proches, cessé de s’alimenter depuis sept jours, afin de protester contre un projet de réduction du nombre de professeurs de breton, a annoncé qu’elle mettait terme à sa grève de la faim. Ciril Marechal, un étudiant qui a servi d’intermédiaire entre Sabrina et les médias pendant sa campagne a expliqué que la jeune fille n’avait bu que du café et de l’eau pendant sept jours. Sabrina étudie actuellement le breton comme deuxième langue vivante au lycée Kerneuzec à Quimperlé, dans le sud du Finistère. Si les propositions récemment soumises aux enseignants par le rectorat sont retenues, Sabrina, ainsi que des dizaines d’élèves de différentes régions de Bretagne devront soit abandonner le breton, soit accepter de changer d’école pour recevoir cet enseignement. Selon les autorités, le nombre trop faible d’élèves souhaitant apprendre le breton et d’autres langues comme l’italien justifie un regroupement des élèves en fonction des langues choisies. Pour les élèves de Quimperlé, cela implique un trajet d’une trentaine de kilomètres pour se rendre à Lanester, dans la banlieue de Lorient, où les élèves de breton de l’ensemble de la région seraient regroupés. Pour les enseignants, comme pour les parents et les élèves, cette situation est inacceptable. Nadine Urvois, enseignante de breton au lycée de Kerneuzec a expliqué à Eurolang que « la plupart des élèves abandonneraient tout simplement le breton, dans la mesure où il n’y a même pas un internat pour les héberger dans le lycée en question ». Les propositions du rectorat ont été présentées aux élèves de Quimperlé la semaine dernière. L’éventualité d’une grève de la faim parmi les professeurs, au cas où ces propositions étaient entérinées, aurait incité certains élèves à prendre les devants et organiser leur propre campagne. « Sabrina protestait contre les réductions de poste pour le breton mais aussi contre la suppression de nombreux postes concernant les autres langues minoritaires de France », a précisé Ciril Marechal. Selon les nouvelles propositions, outre neuf postes pour le breton, de nombreux postes d’enseignants d’occitan pourraient être supprimés dans l’académie de Bordeaux. Contactée par Eurolang avant que Sabrina ne mette officiellement terme à sa grève de la faim, Nadine Urvois, son professeur de breton avait bon espoir de convaincre la jeune fille d’interrompre son action. Expliquant qu’aucune décision n’avait pour l’instant été prise concernant ces suppressions de postes, elle a estimé que « les élèves avaient pris cette menace très au sérieux et très à cœur et avaient été très loin, un peu trop rapidement ». Nadine Urvois a expliqué à son élève que la situation commençait à évoluer et que certaines suppressions de postes avaient des chances d’être annulées. Avec l’aide de ses parents, elle est ensuite parvenue à convaincre la jeune bretonne de ne pas mettre sa vie et son avenir en péril en lui expliquant que le dossier était désormais entre les mains des politiques. Certains d’entre eux ont déjà écrit au gouvernement en lui demandant d’expliquer pourquoi la politique d’enseignement des langues régionales semblait être brutalement remise en question. Nadine Urvois et les autres enseignants concernés ont prévu de se rencontrer demain pour étudier ces propositions et envisager une série d’actions si ces propositions étaient retenues. « La grève de la faim est en effet une forme de protestation que nous envisageons, en fonction de l’évolution de la situation » a indiqué l’enseignante de Quimperlé. Eurig Wyn, député européen du pays de Galles (Plaid Cymru), a évoqué l’affaire de Quimperlé lors de la réunion de la Commission Culture, jeunesse et sport du Parlement européen. Il a noté que le « gouvernement français cherchait en permanence à obtenir le soutien du Parlement européen pour s’opposer à l’hégémonie de l’anglais…Pourtant nous avons dans ce cas un gouvernement qui fait preuve d’un manque de respect profond pour les langues régionales et minoritaires à l’intérieur de son propre Etat ». S’adressant au Président de la commission culture, l’ex-premier ministre français Michel Rocard, il lui a demandé “d’utiliser son influence pour présenter la position de la commission au gouvernement français et lui demander quelles sont ses actions en faveur des langues minoritaires”. Mr Wyn a conclu en ajoutant « qu’il ne servait à rien de commencer à parler de diversité en Europe à moins que celle ci ne soit respecté par ses Etats membres respectifs ».