Et pour commencer cette nouvelle année, faisons des vœux pour cette nouvelle année, pour que tous, Bretons et non-Bretons, connaissent mieux l’histoire de la Bretagne. Le constat est clair : la demande est très forte. Comme le prouvent les succès des publications et des activités en direction de ce sujet de membres du Centre d’Histoire de Bretagne/Kreizenn Istor Breizh, association que j’ai l’honneur de présider depuis trois ans maintenant ; comme l’attestent les nombres de vus sur facebook, mes chroniques de la semaine publiées sur l’Agence Bretagne Presse, comme le révèle encore le triomphe du dernier article de Philippe Argouarc’h sur le tombeau des rois de Bretagne (20 000 vus et 200 partages). Pour donner un élément de comparaison, lorsque vous avez 1 000 vus, vous pouvez être content.
Le silence, l’autisme, les promesses non tenues, l’attentisme de responsables politiques, économiques, culturels bretons et de Bretagne – et je ne citerais pas de noms ; soyons charitable, c’est le début de l’année – ne sont plus acceptables. Il était déjà inacceptable de fermer la Maison de l’Histoire de Bretagne. Il m’a été intolérable d’entendre un président d’une des plus influentes associations culturelles de Bretagne dire : « Il n’y a plus rien à apprendre sur l’Histoire de la Bretagne car les recherches sont achevées » , ou encore un directeur d’une autre association culturelle tout aussi importante mentionner récemment : « l’Histoire de Bretagne ne sert à rien » . Il m’a fallu alors penser très fortement à Gandhi et à sa non-violence pour ne pas exploser. Malgré tout, je m’énerve car il faut une incroyable patience pour avancer un tout petit peu et encore. Résultat : on me qualifie de « rebelle » , de « trublion » , de « gêneur » … Cela me change de béotien, de fainéant, de bras cassé, d’incompétent…
Pourquoi ce comportement de la part de l’élite ? En fait, il ne faut pas parler d’élite ou d’aristocratie, car ces termes se réfèrent aux meilleurs, mais de classe ou catégorie dirigeante. Et encore, car dans cette dernière catégorie, cela se fissure : certains, de plus en plus, se rebellent eux aussi. Ouf, me direz-vous ? Mais c’est si lent. Et leur rébellion leur coûte cher. Donc des dirigeants ont décidé de cacher l’Histoire de la Bretagne, d’en « oublier » certains éléments ou même qu’on en parle le moins possible. Et cela n’est pas récent. Les ducs de Bretagne de la maison de Montfort (1364-1514) ont fait en sorte de faire oublier le règne de Jeanne de Penthièvre (1341-1364), les actions de ses enfants, et surtout surtout de ses ancêtres, même les ducs de la maison de Dreux (1213-1341). Tout ce qui faisait référence à des seigneurs ou des comtes de Penthièvre devait être oublié. Les historiens bretons, Alain Bouchard, Pierre Le Baud, Bertrand d’Argentré plus tard, ont bien mis en valeur le bon duc Jean IV, le magnifique François II, et surtout la grandeur d’Anne de Bretagne. Il fallait aussi faire face à la propagande des rois de France. Et Anne comme Du Guesclin ont été absorbés dans cette propagande sans doute à leurs dépens. Il s’agissait rien de moins que de démontrer du « côté breton » que la Bretagne avait été indépendante, ou du moins qu’elle l’avait été presque et du « côté français » qu’elle avait toujours été intégrée au royaume de France, la preuve, ces personnalités les plus célèbres ont « travaillé » pour et en France…
Aujourd’hui, force est de constater que les « dirigeants » vont beaucoup plus loin : l’Histoire de la Bretagne leur est réservée. Ils ont décidé que rien ne devait changer depuis l’époque d’Anne et de Bertrand d’Argentré. Les deux conceptions s’opposent : la vision « bretonne » ou « celte » et la vision « française » ou « jacobine » (ce qui est drôle, c’est d’apprendre qu’avant de se nommer le club des Jacobins, il se nommait le club des Bretons). Rien ne doit changer. Il ne faut pas aller plus loin dans la recherche. Il n’est pas nécessaire d’en savoir plus. On pourrait perdre sa raison d’être.
Une nouvelle génération de chercheurs, d’historiens, d’universitaires, d’éditeurs, et de passionnés par l’histoire de Bretagne est apparue. Et surtout, surtout, surtout, les moyens de diffusion se sont diversifiés et permettent d’atteindre à une vitesse prodigieuse et massivement les gens qui s’intéressent à l’Histoire de Bretagne. Mieux encore, ils peuvent s’exprimer, donner leurs commentaires, dire qu’ils aiment, râler, féliciter, apprécier et eux-mêmes écrire et donner des informations. Les réseaux sociaux, wikipédia, les sites internet sur l’Histoire de Bretagne (comme info-bretagne.com, Tuchentil, le CHB-KIB, etc) révolutionnent complètement la diffusion de la connaissance de l’Histoire de la Bretagne, contraignant à davantage de recherches et de publications. La machine est lancée.
J’ai personnellement rencontré à ce sujet les principales têtes de liste aux élections régionales de la Région Bretagne. Je leur ai fait part de cette situation : que l’offre égale voire dépasse la demande. Les moyens sont là et il est plus que temps de les utiliser. Le silence, les promesses, l’attentisme ne doivent plus avoir droit de cité. Le scandale doit cesser et vite, très vite. Et je préviens, surtout ces dirigeants, hommes et femmes politiques (dont un bon nombre sont des historiens), universitaires, responsables de sociétés savantes historiques ou d’organisations culturelles, enseignants et responsables éducatifs, cette attitude n’est plus du tout acceptable et je le dénoncerais publiquement. Depuis maintenant trois ans, j’ai observé, analysé, tenté de comprendre, tenté de pardonner des comportements inadmissibles et parfois et même souvent insultants. Ce sera tant pis pour eux.
Chacun a le droit et le devoir de s’exprimer – avec son style, avec ses connaissances, avec ses méthodes, avec parfois même ses opinons politiques (mais sans fanatisme) afin de mieux connaître l’Histoire de la Bretagne. Et pour cela il doit être aidé et non plus détruit par quelques fanatiques, extrémistes, nationalistes, identitaires et totalitaires car un des ciments de la Bretagne – peut-être même le ciment le plus important – est l’Histoire de Bretagne.