Pour l'élevage et la production laitière bretonne, beaucoup de choses les ont rendues de moins en moins compétitives. En particulier, le marché agricole est devenu mondial. Cette mondialisation a amené une forte dose d'instabilité des prix et des marchés. Les cours du mouton, du porc et du lait dépendent de ce qui se passe en Nouvelle Zélande, en Allemagne ou aux Pays-Bas ! Si l'élevage et la production laitière sont malmenées, pour les maraichers de la ceinture dorée du Léon et au-delà, les productions restent rentables car elles ont su s'informatiser et se moderniser et la traçabilité plait aux consommateurs. Les produits frais ne peuvent pas vraiment être mondialisés et le marché reste cantonné à l'Europe et le Maroc. Plus çà vient de loin, moins c'est frais ! Sauf que pour les tomates, les producteurs ont réussi à développer des variétés de longues conservations (environ 25 jours pour les tomates hors-sol marocaines qui sont exportées jusqu'en Europe centrale).
Les producteurs de fruits et de légumes bretons se convertissent de plus en plus à des productions bio ou sans pesticides avec un développement prometteur dans le hors-sol . D'autant plus que le frais présente une traçabilité que les produits carnés de l'alimentation industrielle n'offrent pas malgré les demandes répétées de la FNSEA pour que l'Europe légifère sur le sujet. Si vous achetez une boîte de chili con carne vous n'avez aucune idée d'ou vient le boeuf ou même si c'est vraiment du boeuf. Tout au contraire, le client peut choisir ses fruits et légumes, choisir du local, des marques "Produit en Bretagne" ou des circuits courts. Il sait que les tomates SAVEOL ou PRINCE de BRETAGNE, sont produites ici et pas en Andalousie ou au Maroc. Même si d'autres peuvent produire moins cher, le consommateur reste sensible au local. Il a confiance dans des produits issus de son terroir et quand le hors-sol pourra produire des tomates avec les mêmes qualités gustatives que les tomates cultivées en pleine terre, la partie sera gagnée pour les tomates bretonnes.
ABP a visité SAVEOL (lever de soleil en breton), une société coopérative spécialisée dans la production de fruits et légumes. Créée en 1962, elle est devenue au fil des ans le premier producteur de tomates en France avec 188 millions de chiffre d'affaire. SAVEOL regroupe 130 maraîchers de la région brestoise et est basée à Plougastel-Daoulas. Elle produit tomates, fraises, concombres et même salicornes. Les tomates représentent 90% de la production, soit 80 000 tonnes par an. En pleine saison elle emploie jusqu'à 800 personnes. A Guipavas on produit des tomates de mars à fin octobre avec des plants qui peuvent atteindre 8 mètres de long. Les plants qui poussent à partir d'un substrat de fibres de noix de coco, sont effeuillés et enroulés manuellement régulièrement pour permettre la cueillette à hauteur d'homme. Un plant produit environ 25 kg de tomates.
SAVEOL fait partie de Produit en Bretagne et a aussi obtenu le Label rouge pour ses fraises, les fameuses garriguettes de Plougastel.
Les immenses serres de Guipavas s'étendent sur 21 600m2 . Elles devraient passer à 35 000 m2 fin 2019. Ici on produit des tomates hors-sol sans pesticide "qui ne peuvent êtres classées bio car les règlements européens interdisent le label bio aux cultures hors-sol" explique Pierre-Yves Jestin, le président de Saveol. L 'hors sol présente pourtant des tas d'avantages, pas besoin de désherbant genre glyphosate et pas de contamination par le sol. Un contrôle total du micro-climat de la serre par ordinateur permet une optimisation de la production. Les serres sont en verre et la lumière peut être filtrée. Des vitres avec des cellules photovoltaiques transparentes sont à l'étude. On est loin de la pollution des terres par des déchets de feuilles de plastiques qu'on trouve à tout bout de champs et jusque sur les plages en Andalousie.
Pour éviter l'utilisation de pesticides, SAVEOL a introduit le concept de contrôle biologique par des insectes. Pour lutter contre la mouche blanche qui pond ses oeufs sur les feuilles des plants de tomates et les affaiblis, SAVEOL gère une ferme à insectes. La ferme produit des macropholus . Le macropholus mange les oeufs du ravageur et même les mouches blanches. Le haut des serres est aussi garni de pièges aux insectes ravageurs. La ferme produit aussi les bourdons, les bons gentils bourdons nécessaires à la pollinisation des fleurs de tomates pour en faire des fruits.
En hiver il faut chauffer les serres. Saveol a diminué sa consommation d'énergie de 40% en 10 ans et 18% proviennent aujourd'hui d'énergies renouvelables. 35% est produite par la cogénération de gaz naturel. Le reste est produit par des chaudières conventionnelles et le gaz carbonique produit est réinjecté dans les serres pour y favoriser la photosynthèse.
SAVEOL montre que la Bretagne a encore des cartes à jouer dans la production agricole. Que ça soit l'industrie des algues, une de nos ressources naturelles pleine d'avenir ou des productions de légumes frais tirant profit d'un climat très tempéré où il ne gèle pratiquant jamais et où les pestes ravageuses sont moins prolifiques que dans les pays plus chauds, le végétal est une terre d'avenir.
modifié le 24/04/2018