À mes ancêtres
Mesdames et Messieurs mes ancêtres, je vous fais une lettre, que vous lirez peut-être avant samedi soir, si vous avez le temps.
Le jour de Samhain, demain soir donc, il paraît, selon notre tradition, que vous vous déplaceriez ? Vous viendriez visiter les vivants et tout spécialement vos descendants ici-bas sur cette vieille terre bretonne.
Mesdames et Messieurs, aotrou, dont je suis la filiation, et dont les restes et les cendres font partie intégrante de la glaise bretonne sur laquelle je marche, je profite de ce moment pour vous contacter de toute urgence. On a vraiment besoin de vous.
Votre vieille terre, ce bro gozh, votre pays, est menacé de disparition.
La langue que vous parliez est en voie d'extinction. Le territoire que vous occupiez est sans cesse divisé et partagé. Nos ennemis veulent même l'engloutir dans un vaste territoire allant de Bourges à Brest. Nos enfants, vos enfants, partent aux quatre coins du monde car tout ici nous a été pris et même nos paysans se suicident ou vendent leur terres en dépit. Et c'était bien votre terre.
Nous avons tout essayé, pétitions, recours au droit international, aux traités signés, et aux manifestations pacifiques, mais rien n'y fait, nos ennemis nous ignorent et nos élus nous mentent.
Je m'adresse donc à vous pour une intervention. Merci de faire trembler la terre, de terrasser nos ennemis, de pourvoir au retour d'Arthur afin que nous puissions préserver à jamais vos tombes et ce sang salé que nous avons hérité de vous et qui coule dans nos veines.
J'en appelle à l'homo heidelbergensis, les premiers hommes arrivés dans cette péninsule, la plus vieille terre du monde, il y a 400 000 ans. J'en appelle à vos 10 000 générations.
J'en appelle aux matronas des âges anciens du néolithique et aux dresseurs de pierres
J'en appelle aux anciens dieux Bel, Lug et Ogmios et à Ana, protectrice venue de la nuit des temps.
J'en appelle aux fiers guerriers celtes
J'en appelle aux amazones de la reine Boudicca
J'en appelle aux druides pleins de sagesse
J'en appelle aux 2 000 saints dont la topographie mémorielle parsème encore notre paysage, à toi Hervé l'aveugle, aux deux Yves de justices
J'en appelle à toi Morvan Ar Bleiz, et à toi duc de Pontcallek et toi Jeanne La Flamme et à toi Anne de Bretagne.
J'en appelle à tous les poètes de Brizieux à toi Anjela Duval
J'en appelle à Cadoudal et aux sacrifiés de Conlie
Et aux milliers de morts dans les tranchées de la Somme et de Verdun.
Venez, entrez dans nos foyers, insufflez votre esprit.
J'allumerai demain soir une fière chandelle devant ma porte !