« Le coq, l'hermine et le croissant »
Un livre à lire et à faire connaître.
Pied noir d'origine bretonne né au début de la 2ème guerre mondiale, Erwan Evenou nous propose un beau et émouvant voyage, va-et-vient perpétuel de part et d'autre des deux rives de la Méditerranée, entre deux pays, deux amours, tissant un lien charnel entre l'Algérie et la Bretagne, riche de toutes leurs cultures et langues.
L'humour, jamais absent, ajoute de l'élégance au récit. Et l'humour, par sa lucidité, est l'ennemi de tous les fanatismes. C'est pourquoi ce livre est salutaire car il porte un regard décapant sur la bêtise, les idées recuites et nos petites lâchetés. Et là, tout le monde en prend pour son grade, y compris l'auteur, mais sans jamais s'appesantir ni tomber dans les querelles de personnes.
Tout ceci rend d'autant plus efficace ce bénéfique coup de pied dans la fourmilière des chapelles sectaires et du conformisme des idées toutes faites. La méthode en est simple : « Observer et partager, et non pas juger » .
Il nous montre, après ce calamiteux débat franco-français sur « l'identité nationale » , que l'identité n'est pas unique, mais multiple et à géométrie variable, comme une voile qui se gonfle ou s'affaisse au gré de nos rencontres, des rires et des larmes partagées avec nos frères humains.
Dans le roman, résonne en filigrane la voix de l'enfant frustré que chacun porte en soi. Et cette plainte émouvante est universelle car on est tous des exilés du monde de son enfance.
Le dénouement de l'histoire est une réussite, à la manière de l'acteur qui sait quitter la scène sur la pointe des pieds pour ne pas briser l'ambiance qu'il a réussi à créer. Et on referme le livre comme à regret.
Erwan Evenou est un des tout meilleurs locuteurs et écrivains de langue bretonne, affichant au compteur plus de 50 ans de lutte pour la défense de celle-ci, ainsi que de la culture bretonne. Il a, entre autres, exercé pendant plusieurs années la difficile fonction d'inspecteur de breton.
Il nous raconte sans fard toutes les embuches, vexations et dédain qu'il a du affronter, de la part de l'administration et de certains enseignants, dans le noble exercice de la promotion de la langue bretonne.
Son livre est un stimulant pour l'action, à la manière d'une tape amicale sur l'épaule : « T'endors pas, mon pote ! » . Non, le dédain pour notre culture n'est pas mort, le mépris pour notre langue est toujours vivace, bien plus que certains voudraient nous laisser croire.
« Dalc'h soñj out den ! » (Rappelle-toi que tu es humain)
Voila ce que nous montre Erwan tout au long de son beau roman. Ce serait dommage qu'il reste à l'écart du circuit.
"Si vous ne trouvez pas le livre en librairie, écrire à : Erwan Evenou, Kerozeg 56320 Ar Faoued(Le Faouët). Prix : 14 €."