Festival Livioù à Poullan. Pays invité : l'Occitanie avec Claude Alranq, la Mal Coiffée, concerts, conférence, et découverte de poètes occitans.
En 1970, Aimé Césaire inspire ses frères breton et occitan : Paol Keineg et Roland Pécout. Cherchez-les dans les manuels scolaires, vous ne les trouverez pas.
Loin des allées officielles d'une culture nationale qui a bien du mal avec les langues de France, c'est à chacun de découvrir au hasard d'un festival, d'un salon, du courage d'organisateurs comme ceux des Livioù et de l'association "Rhizomes", ces poètes qui ont porté une génération de jeunes hommes et femmes qui découvraient qu'un autre monde était possible, un autre rapport à l'argent, au travail, une autre relation entre hommes et femmes...
C'est avec les éditions Oswald à l'époque, situées à Paris, que ces auteurs vont être édités. Extrait du recueil "les poètes de la décolonisation" de Marie Rouanette, le poème lu par une des chanteuses du groupe La Mal Coiffée lors de la conférence est de Roland Pécout qui écrit et publie tantôt en occitan, tantôt en français, "deux langues comme deux clés pour comprendre le monde". Il a écrit aussi pour le théâtre (deux fois pour le théâtre de la Rampe créé par Claude Alranq, en 1982 et 1986).
"Je n'ai jamais choisi aucun sujet de livre, c'est chaque fois la vie, les circonstances qui se sont chargées de m'en mettre un sous le nez et de me dire il faut aller dans ce sens-là, puis un autre sujet a suivi. Je pense qu'on est traversé par des choses, on est des passeurs comme les gens qui font passer en barque d'une rive à l'autre. Les Grecs disaient que lorsqu'on essaye d'exprimer quelque chose pour soi ou pour d'autres consciences, c'est qu'il y a des forces obscures, vastes qui vous traversent. C'est une bonne formule. Ensuite, le travail de l'écriture consiste à donner forme à ça. Mais, s'il n'y a pas ces forces, on peut faire tout le travail qu'on veut, cela restera du travail, mais pas de l'écriture."
Extrait d'un entretien dans la revue Le Matricule des Anges
"Mastrabelè "
"Entre ruines et pierres levées,
entre le pot et ses cent couvercles,
entre le prix et la valeur,
entre la soif
et les éclaboussures de l'eau
entre les cinq couteaux comme une main
et la guerre qui ronge le verre
entre la révolte et ses masques d'ocre
entre les heures dissemblables des montres,
l'ombre."
"Entre les peaux entre les lignes
dans les tours, dans les friches
de villes
dans les clameurs venues de la mer
dans les fosses et dans les fossés,
semés d'os et de lumière,
l'ombre."
".. le sperme roux de l'été
le carburant brûlé dans les machines
le bruit noir des taureaux
le coeur et le poivron qui mûrissent, rouges"
"les rayons qui vont se perdre sous les eaux,
la sueur sur le visage,
les 77 vents, l'étonnement,
et battre tambour
sur la peau de la Raison."
"Le miel des arbres de résine
fond
dans les ruches du corps et de la tête
et coule sur la peau - le ciel d'émail
est tombé en morceaux - Plus de toiture.
Ton souffle est le rythme,
le seul rythme."
Roland Pécout, extrait de Mastrabelè, disponible aux éditions Jorn