Dans le cadre des "Mille ans de Vitré", la ville va rendre hommage à l'un de ses enfants les plus illustres, Jacques Colebault, dit Jachet ou Jacquet de Mantoue (Vitré, 1483 - Mantoue, 1559), qui fut un des plus grands compositeurs de la Renaissance. Un concert de ses œuvres sera donné le dimanche 23 novembre à 16h30 en l'église Notre-Dame par le groupe de musique ancienne qui porte son nom. L'ensemble Jachet de Mantoue qui a enregistré plusieurs cédés d'œuvres du grand musicien breton, est composé de cinq chanteurs et musiciens professionnels : Raoul Le Chenadec (contre-ténor), Thierry Bréhu (ténor), Éric Raffard (ténor), James Gowings (baryton anglais) et Philippe Roche (basse).
Qui était Jacques COLEBAULT, dit “Jiachetto di MANTUA” ou “Jacquet de MANTOUE” ?
Jacques Colebault naquit à Vitré (“de Vitrigallus Redonensis diocesis cognomento Sachettus cantor artis musicae peritissimus”) en 1483, mais on ne sait pratiquement rien de sa jeunesse. Une certaine confusion a longtemps entouré sa vie et son œuvre, parfois confondues avec celles de plusieurs Flamands également présent en Italie à la même époque : Jacques de Berchem, Jacques Brunel et Jacques Brus, originaire de Bruges, mais les travaux de deux musicologues américains, Philippe T. Jackson et George D. Nugent, ont permis depuis les années 1960 et 1970 de bien mettre en lumière sa vie et surtout son œuvre. Jacques Colebault, plus connu sous le nom de Jacquet de Mantoue (Giachetto da Mantova), apparaît désormais comme ayant été l'un des plus grands compositeurs de musique de son temps.
Favorisée par une grande prospérité économique, la “Renaissance”, marquée par l'humanisme et la redécouverte de l'art antique, prit naissance en Italie dans la seconde moitié du XVe siècle et fut une période particulièrement faste pour la création artistique. Dans le domaine de la peinture, ce fut ainsi l'époque de Léonard de Vinci, de Michel-Ange et de Raphaël. De riches mécènes comme les Médicis à Florence ou les papes à Rome firent venir auprès d'eux les meilleurs artistes de toute l'Europe. Les Bretons formaient une colonie très active à Rome avec leur propre paroisse nationale (Saint-Yves-des-Bretons) et des Bretons étaient présents également dans d'autres villes de la péninsule.
En 1527, le mariage de Renée de France, fille d'Anne de Bretagne, avec Hercule d'Este, futur duc de Ferrare, allait encore renforcer ces liens. On connaît ainsi un autre compositeur d'origine bretonne qui vécut à Venise, à Padoue et à Ferrare, Tugdual (devenu Tuttovale) Menon (arrivé en Italie vers 1538 et mort en 1552), dont les Madrigali d'amore (madrigaux d'amour) furent composés à Ferrare en 1548 et dédiés à la fille cadette d'Anne de Bretagne, Renée de France, mariée au duc de Ferrare. Il n'y a donc rien d'extraordinaire à voir un chantre breton entrer au service de princes italiens.
Jacques Colebault apparaît pour la première fois dans les archives italiennes en 1519 et les historiens pensent qu'il dut entrer dans les années 1510 comme chantre dans la maison des Rangoni à Modène. Des motets de sa composition datant des environs de 1520 sont conservés dans plusieurs dépôts d'archives en Italie du Nord. Il attira sur lui l'attention du duc Sigismond d'Este et bénéficia de son soutien en 1516 et en 1524. En 1525, à la demande de son successeur, le duc Alphonse Ier, Jacques Colebault entra au service de la cour d'Este à Ferrare. En 1526, il s'installa à Mantoue où il eut pour protecteur le cardinal Ercole Gonzaga (Hercule de Gonzague) (1505-1563). Ce personnage important, fut non seulement longtemps évêque de Mantoue, mais fut aussi envoyé comme légat du pape auprès du roi Charles Quint et présida plus tard le Concile de Trente. La correspondance du cardinal Hercule de Gonzague qui a été conservée, témoigne de toute l'estime et l'affection qu'il portait au compositeur breton. Jacques Colebault demeura pendant 30 ans à Mantoue et il devait y dominer la vie musicale.
Il fut aussi au service du pape à Rome entre 1530 et 1532 car les archives conservent la trace de paiements qui lui furent faits ces années-là. Les informations sur sa vie restent de fait fragmentaires et pas toujours très sûres jusqu'à son entrée dans la cinquantaine. En 1534, on sait avec certitude qu'il était magister puerorum (maître du choeur d'enfants) du cardinal Hercule de Gonzague à Mantoue, puis il devint en 1539, maître de chapelle de la cathédrale Saint Pierre et Saint Paul, poste dont il resta le titulaire jusqu'à sa mort en 1559. Il avait obtenu la citoyenneté de Mantoue le 20 avril 1534. On sait aussi qu'il perdit sa femme Polonia en 1527 et se remaria ensuite. Il ne fit pas fortune car il mourut en laissant de nombreuses dettes. Sa femme et sa fille se trouvèrent dans la gêne et le cardinal leur accorda une pension. Jacques Colebault ne prit sa retraite qu'à l'âge de 75 ans et composa de la musique jusqu'à la fin de sa vie. Il mourut à Mantoue le 2 octobre 1559, à l'âge avancé de 76 ans.
Jacques Colebault apparaît désormais comme un des grands maîtres de la polyphonie sacrée à la Renaissance entre Josquin et Palestrina. Il fut à l'époque de la Contre-Réforme un compositeur prolifique, connu et admiré. La période de 1520 à 1540 fut sans doute la plus créatrice de sa vie. Son œuvre connue comprend pas moins de douze messes, cent trente-six motets, sept magnificats et de nombreuses autres oeuvres sacrées. Une bonne partie en a été publiée de son temps, entre 1539 et 1565. Elle a été une des plus diffusées et admirées de son époque. Il existe ainsi dans les archives pas moins de 40 partitions d'époque du plus fameux de ses motets “Aspice Domine”, dont sept partitions avec accompagnement instrumental. La musique du compositeur vitréen fut particulièrement appréciée par deux papes Médicis qui étaient de grands mélomanes : Léon X et Clément VII. Tous les spécialistes ont vanté la qualité de son œuvre et souligné l'influence profonde et durable qu'il exerça en son temps, notamment sur des compositeurs plus jeunes comme Lassus, Monte et Palestrina. Il y aurait des manuscrits de lui dans les bibliothèques de Bologne, Modène, Rome (Vatican), Dresde, Cambridge, Zwickau, Nuremberg...
Cette œuvre n'est plus inaccessible depuis qu'elle a été publiée en totalité par Philippe Jackson et George Nugent en six volumes parus de 1971 à 1986 aux États-Unis : "Opera omnia, Jachet of Mantua, Works" (American Institute of Musicology). Des messes et des motets de Jacques Colebault sont à nouveau interprétés et plusieurs ont fait récemment l'objet d'enregistrements.
À l'automne 2000, cinq chanteurs professionnels portant la même passion à la musique vocale européenne des XVe et XVIe siècles, ont créé un ensemble auquel ils ont donné le nom de Jachet de Mantoue. Cet ensemble s'est donné pour but de mettre en valeur le riche patrimoine sacré de la Bretagne au travers de la redécouverte de l'œuvre oubliée de Jachet de Mantoue, et aussi, plus largement, le patrimoine musical de l'Europe de la Renaissance, contemporaine de Jachet de Mantoue. L'ensemble s'est déjà produit dans de nombreux festivals prestigieux en France, en Angleterre, en Allemagne et au Canada, et il a édité déjà plusieurs disques des œuvres du grand compositeur vitréen.
Discographie :
1962 - Negro College choir (enregistrements réalisés le 19 novembre 1961 et le 8 juillet 1962), Fisk University. Choir 1970 - “Moravsti madrigalisté Kromeriz”, Musique de chœur européenne a capella
1994 - “Vespro della Beate Vergine”, Antonio Eros NEGRI
1997 - Maîtrise des Hauts de Seine, Miserere d'Allegri et motets de Palestrina, Vittoria et Viadana
2001 - Christ Church Cathedral (Oxford), “Missa Aspice Domine”, Philippe de Monte
2002 - Ensemble Jacquet de Mantoue, “Motets et Messe Anchor che col partire” (CD), Arpège, Calliope
2003 - Ensemble Jacquet de Mantoue, “Lamentations de Jérémie” (Michael Lonsdale, récitant)(CD), Arpère, Calliope 2004 - Ensemble Jachet de Mantoue, “Messe et Motets de circonstances” (musique à la gloire des Écuries du duc de Gonzague” (CD), Arpète, Calliope