Le prix Nobel de littérature 2008 a été attribué à l'écrivain d'origine bretonne Jean-Marie Le Clézio pour son œuvre "de la rupture", a annoncé ce matin l'Académie suédoise.
Jean-Marie Le Clézio est né le 13 avril 1940 à Nice, d'une famille émigrée à l'Île Maurice au XVIIIe siècle. Une famille deux fois déracinée. Son père était un médecin de brousse anglais, d'origine bretonne comme sa mère qui porte le même nom que son père. Il est bilingue français-anglais. Citoyen français, il a aussi demandé et obtenA la citoyenneté de la République de Maurice mais réside le plus souvent aux États-Unis. Le Clézio est un citoyen du monde et, selon les mots de l'Académie suédoise, un "explorateur d'une humanité au-delà et en dessous de la civilisation régnante". Il n'est pas un prix Nobel français, mais un prix Nobel de la langue française, car non seulement Le Clézio a plusieurs citoyennetés, mais il se réclame de la nation bretonne.
À noter qu'en 2004, Jean-Marie Le Clézio, avait signé la pétition pour la langue bretonne initiée par Caroline Ollivro.
" J'appartiens à cette nation " c'est ainsi que Jean-Marie Le Clezio déclara avec pudeur son attachement viscéral à la Bretagne lors d'une interview à Saint-Malo au Festival Etonnants voyageurs en 2002. "Voilà qui est clair pour un écrivain universel, chantre du multiculturalisme et avocat des peuples niés." a écrit Hubert Chémereau, qui l'a proposé pour l'ordre du Collier de l'Hermine cuvée 2009.
En 2007, il déclarait dans Télérama n° 2993 " Mon imaginaire d'enfance est très lié à la Bretagne, où je passais mes étés, et dont est originaire ma famille, du côté maternel comme du côté paternel. Ma famille a immigré à l'Île Maurice au XVIIIe siècle, mais elle avait gardé par-delà les générations la conviction que la Bretagne était son lieu, sa terre d'attache, son refuge. Cet attachement familial intense explique sans doute que pour moi, aujourd'hui encore, en Bretagne, le soleil n'a pas l'air d'être le même qu'ailleurs, la mer semble habitée, tout comme la lande. Lorsque j'étais enfant, j'étais insomniaque, et il m'arrivait de marcher seul dans la lande la nuit, d'y éprouver comme une présence souterraine, un illogisme, une magie. Je crois vraiment que ce que j'ai pu sentir au Vanuatu, mais aussi auprès des Indiens du Mexique et d'Amérique du Nord, je l'avais senti déjà, il y a cinquante ans, en marchant la nuit dans la lande bretonne. "
Après tant de longues errances poétiques ou anthropologiques, de vision-quests amérindiennes, d'itinéraires bardiques, du désert du Mexique au Sahara, Le Clézio est finalement venu poser son sac à dos usé dans une maison face à la mer prés de Douarnenez, à Poullan-sur-Mer, où il réside quand il n'est pas à Albuquerque au Nouveau Mexique. Il est professeur de français à l'université d'Albuquerque – comme cet autre grand écrivain breton, Paol Keineg, qui lui, enseigne à l'université de Duke en Caroline du Nord.
Le Clézio est l'esprit même de la diaspora bretonne qui ouvre fraternellement ses bras au monde des peuples et des civilisations déchues pour remplir un vide et compenser l'injustice fondamentale laissée par la séparation d'un pays perdu et mythique. Tous ses personnages sont des exilés et tous ses lieux sont ceux de minorités. Sa critique est celle des cultures dominantes et donc destructrices.
Son œuvre gigantesque comprend une cinquantaine de romans dont "La fièvre", "L'extase matérielle", "Terra amata", "Le livre des fuites", "La guerre", "Désert" , "Le chercheur d'or", "Onitsha", "Étoile errante", "Le poisson d'or", "Révolutions", "Ourania" et, en 2008, "Ritournelle de la faim". "Révolutions" est le livre dans lequel il parle le plus de ses origines bretonnes.
Jean-Marie Le Clézio recevra un chèque de 1,02 million d'euros, le 10 décembre à Stockholm.
Philippe Argouarch