Paris – Ajaccio, 8 juin 2025 — Deux annonces successives viennent doucher les espoirs d’une évolution institutionnelle en Corse : le rejet par le Conseil d’État de l’usage officiel du corse à l’Assemblée de Corse, et l’absence de l’autonomie insulaire dans l’ordre du jour de la session parlementaire extraordinaire de juillet. Pour de nombreux observateurs, militants et élus corses, ces décisions confirment ce que beaucoup dénoncent comme un marché de dupes entre l’État et la Corse.
Vendredi 6 juin, le Conseil d’État a confirmé que l’usage de la langue corse à l’Assemblée de Corse — même accompagné d’une traduction en français — n’était pas conforme à la Constitution française, qui reconnaît le français comme seule langue de la République.
Cette décision invalide de fait le règlement intérieur voté en 2023 par l’Assemblée de Corse, qui prévoyait que les débats pourraient se tenir en corse. Une décision jugée incompréhensible sur l’île, où la langue est non seulement un marqueur identitaire, mais aussi un vecteur de vie publique reconnu par la collectivité.
Nouvelle gifle pour les partisans de l’autonomie : l’Élysée a confirmé ce samedi 8 juin que l’autonomie de la Corse ne figurerait pas à l’ordre du jour de la session extraordinaire du Parlement prévue du 1er au 11 juillet.
Alors que les discussions entre Gérald Darmanin et les élus corses s’étaient poursuivies pendant plus de deux ans, cette mise à l’écart législative est perçue par Gilles Simeoni et son camp comme une forme de reniement des engagements verbaux du gouvernement.
Pour de nombreux Corses, ces décisions confirment la nature profondément immobile et centralisatrice du régime républicain français, incapable de véritables réformes de type fédéral ou même autonomiste.
« Ce système jacobin est inscrit dans les gènes de la République. Il est incapable d’évoluer sans pression. Il négocie pour gagner du temps, jamais pour céder une part réelle de pouvoir » , estime un militant autonomiste joint par ABP.
La crainte d’un retour de la violence commence à resurgir dans certains discours, d’autant plus que la tentative d'apaisement après la mort d’Yvan Colonna semblait ouvrir un nouveau cycle de dialogue.
La politique du gouvernement français vis-à-vis de la Corse est de plus en plus perçue comme une stratégie dilatoire : offrir un semblant d’écoute sans ouvrir aucune porte réelle à une réforme constitutionnelle ou à une reconnaissance législative de l’autonomie.
Dans les faits, la centralisation reste la norme, la diversité culturelle et linguistique une tolérance folklorisée, et les institutions locales privées de tout pouvoir normatif réel.
Ce traitement infligé à la Corse interroge toutes les régions à forte identité culturelle, dont la Bretagne. La situation corse pourrait bien annoncer un durcissement général du gouvernement face aux revendications régionales, linguistiques ou autonomistes. Et avec lui, un climat de tension accru, dont l’État français n’est pas à l’abri des conséquences.