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Sarkozy annonce la généralisation de la surveillance d’internet
Effet de manche pour répondre à une juste émotion populaire après les fusillades de Toulouse ou annonce qui devra être suivie d'effets juridiques ? Nicolas Sarkozy, président français et candidat
Louis Bouveron pour ABP le 22/03/12 20:54
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Effet de manche pour répondre à une juste émotion populaire après les fusillades de Toulouse ou annonce qui devra être suivie d'effets juridiques ? Nicolas Sarkozy, président français et candidat à sa propre succession, a jeté un certain trouble ce midi pendant son allocution radiotélévisée.


Il a en effet annoncé « la propagation et l'apologie d'idéologies extrémistes seront réprimées par un délit pénal » et aussi « Désormais, toute personne qui consultera de manière habituelle des sites internet qui font l'apologie du terrorisme ou qui appellent à la haine et à la violence sera punie pénalement ». Ces mesures seraient justifiées afin de garantir la sécurité des Français, mais la largeur et le flou de leur champ d'application ouvrent la voie à des abus.


On ne peut que s'étonner tout d'abord de cette nouvelle atteinte à la séparation des pouvoirs. C'est en effet au Parlement de proposer des évolutions législatives (pouvoir législatif), non au Président détenteur du pouvoir exécutif et qui n'est là que pour ratifier la loi et la faire appliquer par le bras séculier du pouvoir. Mais l'on constate que cette vision pour le moins étrange de la séparation des pouvoirs est coutumière de l'exécutif français, où le président " au-dessus des partis " se voit aussi en grand ordonnateur du débat politique et de l'action législative, au mépris des représentants élus du Parlement. Il aura toutefois été plus logique et plus normal que l'un des partis actuellement au pouvoir (UMP, Nouveau Centre, Radicaux ou un autre mouvement associé) propose ces modifications législatives dans le cadre du débat parlementaire.


La première annonce, celle de la création d'un nouveau délit pénal réprimant la propagation et l'apologie d'idéologies extrémistes méconnait en effet le cadre juridique existant, largement suffisant. En effet, la loi sur la liberté de la Presse du 29 juillet 1881, dans son article 24, sanctionne de 5 ans d'emprisonnement et de 45.000 euros d'amende toute personne qui aurait provoqué, dans le cas où cette provocation n'a pas été suivie d'effet, à la commission d'une atteinte volontaire à la vie, à l'intégrité des personnes ou une agression sexuelle, au vol, à la destruction, l'extorsion, la dégradation dangereuse pour les personnes, ce qui recouvre déjà de très nombreux délits. Par ailleurs, le même article réprime les incitations à la haine envers les personnes en raison de leur origine ou leur appartenance à un groupe ethnique, ce qu'on appelle habituellement l'incitation à la haine raciale et, depuis la loi du 30 décembre 2004, l'incitation à la haine envers les personnes en raison de leur sexe ou de leur handicap. Cet arsenal législatif s'impose aux médias, aux organes de presse mais aussi, depuis l'arrêt de la Cour de Cassation du 6 octobre 2011 (jurisprudence Fansolo (voir le site) ) aux blogs assimilés aux articles de presse et donc soumis à la même législation, tant pour ses droits (libertés publiques) que pour ses devoirs. L'actuel cadre juridique, dont la rigueur a été renforcée en 1992 (Nouveau code pénal) et 2004, recouvre donc quasiment tous les champs de l'expression publique. Par ailleurs, lorsqu'une provocation à commettre un crime ou un délit est suivie d'effet, elle est punie autant que le délit lui-même.


La deuxième annonce du président français est de loin la plus inquiétante. En effet « toute personne consultera de manière habituelle des sites internet qui font l'apologie du terrorisme » annonce clairement la surveillance globale de toutes les requêtes des internautes français, surveillance possible depuis la loi Hadopi. Une entreprise, Trident Media Guard, basée à Saint-Herblain, analyse en permanence l'ensemble des requêtes des internautes français pour déceler toute tentative de téléchargement illégal. Par conséquent, soit l'objet de la loi Hadopi est détourné et généralisé aux sites qui font l'apologie de la violence, soit une nouvelle loi vient mettre en place un système de filtrage équivalent dans ce but, ce qui dans les deux cas constituera une nouvelle atteinte aux libertés fondamentales de ses citoyens. Ainsi, la France, bien qu'épinglée par Reporters sans frontière dernièrement à ce sujet ( voir l'article ) continue d'évoluer vers une approche liberticide d'Internet, perçu par le pouvoir comme un trouble potentiel à l'ordre public, intolérable à l'époque du risque zéro.


Ajoutons au passage que l'expression sites qui appellent à la haine et à la violence reste assez floue et risque fort de créer du contentieux si une loi ou un décret est voté en ce sens avec ces termes. En effet, où s'arrête la définition d'appel de la haine ? Comment justifier une différence de traitement selon laquelle un citoyen qui consulte régulièrement des sites qui appellent à la révolution prolétarienne ou à l’avènement de l'anarchie ne soit pas condamné alors qu'un autre qui consulterait des sites proches du djihad islamique le soit ? Comment empêcher que soient condamnés les citoyens qui consulteraient régulièrement des sites (ou des médias) internet autonomistes ? Les anarchistes n'ont en effet tué personne… récemment (voir le site) Comment, enfin, justifier de nouvelles lois liberticides en France qui seraient contraires aux dispositions de la Convention Européenne des Droits de l'Homme ? Ces deux annonces présidentielles laissent vraiment beaucoup de questions en suspens.

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Étudiant en droit-histoire expatrié en Orléans, passionné par l'histoire et le patrimoine de la Bretagne. S'intéresse aussi à l'économie bretonne et à l'actualité de Loire-Atlantique.
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