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- Dépêche -
Reconstitution des stocks halieutiques : le Parlement Européen freine les élans de la Commission
Les eurodéputés ont adopté le 11 février, à une large majorité, le rapport du français Dominique Souchet rejetant le plan de reconstitution du stock de merlu du nord proposé par la Commission européenne. Après celle concernant le cabillaud, cette proposition est la seconde du genre dans le cadre de la
Par Jacques-Yves Le Touze pour Anne-Sophie Crouzet le 24/02/04 18:48

Les eurodéputés ont adopté le 11 février, à une large majorité, le rapport du français Dominique Souchet rejetant le plan de reconstitution du stock de merlu du nord proposé par la Commission européenne. Après celle concernant le cabillaud, cette proposition est la seconde du genre dans le cadre de la réforme de la politique commune de la pêche (PCP). Pour le Parlement européen, les mesures préconisées par Bruxelles, parmi lesquelles une limitation de l’effort de pêche, ne sont pas nécessaires compte tenu de l’état des ressources de cette espèce. Elles auraient de surcroît des conséquences socio-économiques dommageables pour les pêcheurs, lesquels ont été, selon les parlementaires européens, insuffisamment consultés par la Commission. Strasbourg, à l’instar des Quinze, souhaite donc substituer un « plan de gestion » au « plan de reconstitution », une solution intermédiaire qui permettra de garantir la survie du secteur de la pêche tout en maintenant les stocks halieutiques dans des limites biologiques acceptables.

Le merlu du nord, une espèce en danger selon Bruxelles

La Commission européenne veut sauver le merlu du nord. En juin 2003, elle a proposé un plan de reconstitution du stock de cette espèce qui, selon elle, est menacé d’épuisement. Celui-ci concerne les eaux communautaires de la mer du nord, du Skagerrak et du Kattegat, de l’ouest de l’Ecosse, de la Manche, de la mer d’Irlande, de la mer Celtique, de l’ouest de l’Irlande et du golfe de Gascogne.

La proposition vise à garantir, dans un délai de cinq à dix ans, la reconstitution du stock de merlu du nord aux « niveaux de précaution » établis par les experts consultés par Bruxelles, soit 143.000 tonnes au total. Elle préconise pour cela, outre la fixation de totaux admissibles de capture (TAC) déjà mis en place, une limitation de l’effort de pêche, c’est à dire du temps que les navires peuvent passer en mer. La Commission propose également des mesures liées à l’amélioration du contrôle des bateaux concernés, parmi lesquelles l’obligation de débarquer le merlu dans des ports désignés dès que la prise dépasse un certain poids. Autant de mesures qui devraient permettre un renouvellement de 10% par an des quantités de merlu en mer.

Des mesures trop drastiques pour le Parlement européen

En adoptant par 420 voix pour, 91 contre et 7 abstentions le rapport de l’eurodéputé français Dominique Souchet, le Parlement européen a exprimé son rejet de la proposition de la Commission. En effet, le texte approuvé nie les affirmations de Bruxelles selon lesquelles le stock de merlu du nord serait en danger d’épuisement.

A l’exception des Verts, les groupes parlementaires ont dans leur ensemble affirmé que l’exécutif européen ne se basait pas sur des données scientifiques fiables. Ceux-ci affirment en effet que les chiffres avancés par le Conseil international pour l’exploitation de la mer (CIEM), organe de référence en la matière, n’ont rien d’alarmant et ne justifient pas des mesures aussi drastiques que le souhaite la Commission.

Ainsi, les députés européens demandent à ce que le « niveau de sécurité » à atteindre soit abaissé à 140.000 tonnes. Mais surtout, ils réclament une annulation pure et simple de la limitation de l’effort de pêche réclamée dans la proposition de base, qui aurait des conséquences sociaux-économiques néfastes pour les pêcheurs, notamment la mise au chômage partiel de certains d’entre eux. Les parlementaires dénoncent en outre le manque de consultation des professionnels du secteur, et insistent pour « intégrer aux calculs scientifiques les observations pragmatiques faites par les pêcheurs ». Enfin, ils rejettent en bloc le chapitre relatif au contrôle, à l’inspection et à la surveillance des navires.

Un plan « de gestion », pas « de reconstitution »

Si le stock de merlu du nord ne se situe pas selon les eurodéputés « en deçà des limites biologiques de sécurité », ceux-ci reconnaissent cependant que les prises de cette espèce doivent être encadrées par un certain nombre de limites. Si un plan de « reconstitution » apparaît exagéré, un plan de « gestion » se révèle nécessaire d’après le rapport de Dominique Souchet. Celui-ci doit être basé essentiellement sur la fixation de totaux admissibles de captures appropriés, un système déjà mis en place pour diverses ressources halieutiques.

Cette solution intermédiaire a par ailleurs été déjà préconisée par les ministres de l’Agriculture des Quinze, en charge de ce dossier, en décembre 2003. « L’orientation générale » dégagée lors de cette réunion déconseille, comme l’a fait le Parlement européen, la limitation de l’effort de pêche qui, à l’inverse, a été acceptée en ce qui concerne les stocks de cabillaud, dont la situation est effectivement plus préoccupante que ceux de merlu du nord.

Le compromis adopté par les gouvernements et par les eurodéputés, qu’il s’agisse du cabillaud ou du merlu, répond en outre aux attentes des professionnels soucieux de maintenir l’équilibre socio-économique de leur secteur tout en respectant la biologie des espèces. Comme le souligne Michel Goujon, conseiller scientifique au Comité national des pêches maritimes et des élevages marins, « on ne peut que constater que sans poisson, il n’y a pas de pêche et que sans pêcheur, à quoi sert le poisson ? ».

Reste qu’en France, les professionnels restent opposés à la gestion des stocks halieutiques par la limitation de l’effort de pêche, « incompatible avec les modes d’exploitation d’une grande partie de la pêche française qui ne vise pas une seule espèce mais une diversité d’espèces » précise M. Goujon. Soucieux de négocier au mieux avec les autorités concernées, les pêcheurs multiplient les démarches de coopération avec les institutions afin de se garantir un avenir prometteur. Un objectif poursuivi également par la Commission européenne qui souhaite « une pêche durable pratiquée par un secteur halieutique lui-même durable », selon les mots de Franz Fischler, le commissaire européen chargé du dossier.