Ils ont dit :
Général de Gaulle : « L'effort multiséculaire de centralisation qui fut longtemps nécessaire à notre pays ne s'impose plus » .
Valéry Giscard d'Estaing : « Un puissant mouvement de décentralisation est nécessaire, qui transfère à des collectivités locales revigorées et dotées de ressources financières appropriées, des attributions retenues par l'État central » .
François Mitterrand : « La France a eu besoin d'un gouvernement fort et centralisé pour se faire. Elle a aujourd'hui besoin d'un pouvoir décentralisé pour ne pas se défaire » .
Jacques Chirac est resté silencieux.
Nicolas Sarkozy a commencé à entreprendre la déconstruction des lois de 1982-1983 dites loi Deferre et des lois 2003-2004 dites lois Raffarin, pourtant très timorées. La concentration de pouvoirs entre les mains du Préfet de région signe bien la fin du processus engagé.
Cette décentralisation, ou régionalisation, n'a jamais signifié une érosion de l'État central mais un reétalonnage en forme d'adaptation aux nouvelles échelles spatiales de régulation socio-économique et politique.
Il s'agit en réalité d'une régionalisation confisquée par des agents inféodés au régime central. Tous les présidents régionaux appartiennent à des partis politiques nationaux auxquels ils sont soumis et desquels ils obtiennent leur promotion.
Pour information, le président du Pays Basque, Juan José Ibarretxe est membre du Parti nationaliste basque (PNV).
L'absence de pouvoir normatif et de pouvoir financier et fiscal révèle la véritable intention de l'État qui n'est pas autre chose que le maintien d'un lien de subordination. C'est d'autant plus regrettable que l'intervention de l'État au plan fiscal par des mécanismes de compensation aboutit à une illisibilité totale, à une complexité croissante et à une dilution de la responsabilité.
On notera cependant que le changement d'échelle concerne moins les régions que certaines villes à prétention métropolitaine devenant l'objet de toutes les priorités et de toutes les attentions.
Sur une radio périphérique, Daniel Delaveau, candidat PS à Rennes n'hésitait pas à évoquer un Rennes-Grande couronne, englobant 220 communes et plus de 700.000 habitants….
La grande ville est devenue le lieu par excellence de l'accumulation et de la re-production économique.
Comme le souligne Neil Brenner, dans New States Spaces. Urban Governance and the Rescaling of Statehood, un tissu social qui se délite, un milieu environnemental dégradé, ne sont plus, en soi, des problèmes. Il s'agit d'obstacles à la compétitivité des métropoles en raison des risques qu'ils font courir (émeutes, pollutions). Il ajoute qu'il ne s'agit pas de les faire disparaître, il faudrait alors s'attaquer à leur origine qui est précisément le régime d'accumulation ; il faut seulement en contrôler le niveau et l'intensité.
Le mouvement de décentralisation déclenché en 1982 s'est accompagné d'un mouvement inverse dans les lieux-mêmes auxquels il s'adressait. On assiste à une concentration excessive dans des villes qui ne veulent plus être désignées uniquement comme telles et qui signent leur ambition par des appellations qui utilisent le mode de représentation, souvent éloigné du réel : Nantes devient une métropole européenne, Rennes est une capitale métropole….
La notion de métropole laisse rêveur quand on sait que la logique de structuration des aires urbaines a principalement obéi à des considérations fiscales, dont la mutualisation de la taxe professionnelle. On n'est pas certain que la figure géographique de ce processus de structuration serait identique s'il s'appuyait sur la mutualisation de la fiscalité sur les ménages.
Il existe une différence entre une commune riche, parce qu'elle dispose d'une base de taxe professionnelle consistante, et une commune de riches, qui abrite des ménages au revenu médian élevé. A quelques exceptions près, les communes périurbaines sont à la fois des communes pauvres, faiblement dotées en taxe professionnelle, et des communes de pauvres, les ménages ayant un revenu médian inférieur à celui de l'agglomération principale.
Les communes qui ont marchandé leurs libertés l'ont fait contre un parrainage illusoire aux conséquences incertaines.
La multiplication des EPCI (établissement public de coopération - La création d'un E.P.C.I. emporte dessaisissement immédiat et total des communes pour les compétences transférées) va dans le sens contraire de la modernité qui privilégie la réduction drastique du nombre d'agences. La démarche cumulative est productrice d'effets pervers.
Ce phénomène de concentration et d'abandon d'autonomie communale s'oppose aux pratiques fédéralistes car il ne s'agit pas de subsidiarité. Le principe de subsidiarité est un principe d'équilibre et de régulation qui vise à maintenir actives et vivantes les initiatives de la base, en s'opposant aux ambitions d'un sommet qui a tendance à vouloir les étouffer.
Petite région, grande ville, citoyen introuvable.
Cette course à la grande taille, comme si le critère de la taille était pertinent, va engendrer des conséquences malheureuses. On évoque des grandes régions, à dimension européenne, sans expliquer d'où vient cette idée saugrenue. La Sarre couvre une superficie de 2.570 km², Brême 404 km², la principauté des Asturies, 10.604 km², quand la Bretagne B4 compte 27.708 km².
Est-il raisonnable qu'une ville cherche à avoir un nombre toujours croissant d'habitants pour simplement obtenir de l'État une plus grande DGF ?
Rennes accueille 60.000 étudiants. Ce sera sans doute mieux encore le jour où elle en hébergera 100000 puis 200.000, pourquoi pas ? L'Université de Californie à San Diego (communément appelé UCSD) est considérée comme une des meilleures universités au monde et a été classée 14e mondiale en 2007 par l'Université Jiao Tong de Shanghai. Rennes est bien loin….. L'UCSD n'accueille que 26.000 étudiants… Cette propension de Rennes à la grandeur, alimentée par la rivalité imbécile avec la ville de Nantes ne profite à personne. Avoir une rocade aussi embouteillée aux heures de pointe que le périphérique parisien n'est pas un signe de progrès. En revanche cette propriété de se rendre semblable aux pratiques parisiennes mériterait une analyse.
Le positionnement de Rennes et de Nantes en Europe ne dépend pas de leurs tailles respectives, mais de leurs énergies et de leurs capacités d'innovation.
Le monde est plein de gens qui ne sont pas plus sages. Tout bourgeois veut bâtir comme les grands seigneurs, Tout prince a des ambassadeurs, Tout marquis veut avoir des pages.
Jean de La Fontaine
Le 28 janvier 2007, Jean-Yves QUIGUER, président du Mouvement Fédéraliste de Bretagne