La galère, quand on ne l’a pas vécue, peut-on vraiment l’imaginer ?
Sylvie est née dans une famille de neuf enfants, en 1958. A l’époque on ne passait plus guère le Certificat d’Etudes : les parents de Sylvie ont cependant insisté pour qu’elle le passe, en fin de classe de Cinquième. Elle l’obtient avec succès, comme elle obtiendra, deux ans plus tard, le Brevet des Collèges. Elle entre alors en Seconde et est admise en classe de Première.
Mais dans la famille, les études sont incongrues. Il faut travailler le plus vite possible. Sylvie quitte donc le lycée, la rage au cœur, en se promettant, un jour, de préparer le baccalauréat.
La vie " active "
La « vie active » : ce n’est pas facile quand on n’a pas de qualification. Mais Sylvie accepte tout : « Je n’ai fait que des petits boulots, du remplacement. J’ai mis de la viande sous cellophane, j’ai vendu du poisson, et des vêtements, de l’électroménager et des luminaires. Je n’ai jamais rechigné à la tâche » dit-elle.
Une histoire d’amour, et un enfant que le père ne reconnaît pas. Rupture sentimentale. Et comme un malheur n’arrive jamais seul : Sylvie est victime d’un « licen-ciement économique » . Le temps passe. Elle ne retrouve pas de travail, sauf « des ménages, des repassages, des extras dans les commerces le WE » . Tout pour pouvoir survivre. Mais l’engrenage infernal est enclenché…
RMI, coupures d’eau, coupures d’électricité, suppression de l’aide au logement. « Quand vous ne pouvez plus payer, on ne vous demande même pas si vous avez un enfant » . « Je peux dire que j’ai connu la faim. Avec souvent deux cuillérées de riz, pour moi et pour mon fils. Et avec ça la peur, la terreur totale de l’arrivée d’un huissier. L’un d’eux m’a dit un jour : "vous n’avez rien, on ne pourra donc rien vous enlever, mais on vous prendra vous" . Je m’imaginais déjà en prison et mon fils à l’assistance publique : un petit malheureux de plus » . Sylvie demande un peu d’aide au CCAS et se ramasse une phrase du genre : « Ne vous plaignez pas. Vous avez un toit et des parents. Vous n’êtes pas déracinée » .
« Mon père venait de décéder. Ma mère et ma jeune sœur, malgré leur profonde tristesse, ont toujours été là pour mon fils et moi, mais ne pouvaient m’aider financièrement. Je n’ai pas pu compter sur le reste de ma famille : pour eux je n’étais qu’une RMIste, c’est-à-dire une moins que rien. Je n’étais qu’une chômeuse, c’est-à-dire une assistée, une voleuse même » . « J’étais pourtant prête à faire n’importe quel travail ! » .
Au bout de la peur : la dépression. « J’ai même pensé à un double suicide, mon fils et moi » .
Et puis, la chance : « j’ai rencontré un homme qui a su m’écouter et qui m’aimait. Je l’aimais, mais je n’en étais pas sûre : quand on est démoli, comme je l’étais, on ne sait plus si on aime vraiment ».
Mais oui, c’était vraiment de l’amour. Réciproque. Sylvie est venue vivre à Châteaubriant. « Je me suis reconstruite, peu à peu. Et puis j’ai trouvé du travail dans une administration, comme femme de ménage. Les conditions de travail étaient très mauvaises » .
Dépression. La hantise que " ça " recommence. « Le désespoir de se dire qu’on ne peut pas donner de satisfaction à ses enfants et à son époux, quand on n’est pas heureux soi-même » .
DA-EU
Sylvie est une battante, malgré les coups durs dont l’accable la vie. « J’ai décidé d’avancer, comme preuve d’amour vis-à-vis de mon époux et de mes enfants, pour que eux, un jour, ne baissent jamais les bras » .
Son attention est attirée par quelques lignes dans la presse : préparez le baccalauréat. Trente ans qu’elle en rêvait !
« J’ai téléphoné à Nantes au service de la formation continue, j’ai rempli le dossier et je me suis rendue à Nantes pour un entretien d’orientation. J’ai été admise à la préparation du DA-EU : diplôme d’accès aux études universitaires. La formation est payante, je n’ai eu aucune aide. Heureusement que mon mari m’a soutenue » .
Premier cours à Châteaubriant « la trouille au ventre, le cerveau ankylosé : est-ce que, finalement, je n’allais pas prouver que j’étais une nullité, comme on me le faisait comprendre depuis 30 ans ? » . « Je dois dire que j’ai eu de la chance de rencontrer mes professeurs, qui m’ont beaucoup aidée, aussi bien moralement qu’intellectuellement » . Sylvie découvre aussi, dans ses camarades d’études, d’autres personnes aussi démolies qu’elle, sinon plus.
Alors elle se jette dans le travail, souvent 8 heures par jour, quand les enfants sont partis à l’école. « J’avais honte de laisser le ménage, mais il me fallait obtenir ce diplôme » . Pas facile de se remettre à étudier à 45 ans : le français, l’anglais, l’histoire-géo …. « J’ai fait les dix devoirs demandés dans chaque matière, et les exercices conseillés. Quand j’étais perdue, j’aurais pu téléphoner aux professeurs, dans les créneaux horaires indiqués. Mais je n’osais pas. Heureusement les professeurs m’ont appelée, ils m’ont soutenue dans mes efforts » .
Premier examen blanc : raté ! « J’avais tout oublié. J’étais tellement stressée ! Alors je me suis dit que je ne réussirais pas la première année mais qu’il me fallait apprendre le plus de choses possible, pour réussir l’examen la seconde année : cela m’a calmée » ...
Juin 2004, Sylvie passe l’examen à Nantes, s’embrouille dans les dates d’histoire mais décroche un 13 en anglais et un 14 en dissertation. Quand la lettre arrive : c’est la joie. Elle a réussi son DA-EU (diplôme d’accès aux études universitaires) en un an seulement.
Après une nouvelle année d’études (maths, physique, chimie, biologie), Sylvie a pu entreprendre la préparation d’un BTS en Economie sociale et familiale. Encore une formation payante : « C’est dur … mais j’y arriverai » .
N’est-ce pas une belle histoire ?
C’est certain : Sylvie y arrivera et, dans son futur travail, elle saura apporter aux autres l’écoute et l’aide dont ils auront besoin.
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Qu'est-ce que le DA-EU ?
Le D.A.E.U. (Diplôme d’accès aux études universitaires) peut se préparer à Châteaubriant. C’est une démarche volontaire de remise à niveau.
Au cours de l’année : un important travail individuel est nécessaire. Un travail collectif, des directives, une mise en commun, sont proposés au cours de regroupements (10 fois, entre fin octobre et fin mai). Ces rencontres ont lieu au Lycée Guy-Môquet. Elles permettent aux stagiaires de s’insérer dans un groupe où ils peuvent confronter leurs difficultés, s’entraider et soutenir leur motivation.
Outils de travail :
- des manuels (avec une part importante réservée à la méthodologie : apprendre à apprendre) et des cassettes vidéo. - Un tutorat téléphonique : des professeurs sont à la disposition des stagiaires. - Un site internet, propose un complément d’exercices et de travail, et un forum qui permet aux stagiaires d’échanger entre eux.
Public :
- Personnes engagées dans la vie professionnelle. - Personnes désireuses de compléter leur formation initiale pour se reconvertir, accéder à une promotion, ou simplement pour parfaire leur culture générale.
Qualités exigées :
- Une grande détermination (l’année est lourde car il y a beaucoup de travail à fournir). - Des qualités d’organisation et la régularité dans le travail. - De la persévérance ; une bonne ouverture d’esprit.
Modalités d’inscription :
- Par téléphone auprès du service de Formation Continue de l’Université de Nantes au : 02.51.25.07.31. - Par courrier à : Université de Nantes – Service de Formation Continue – DAEU, 2bis, boulevard Léon Bureau, BP 96228, 44262 – Nantes Cedex 2. - Par internet : daeu [at] univ-nantes.fr.
Cette action est soutenue depuis dix ans par le Conseil Régional
ABP/BP