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Si le projet d'aéroport de Notre Dame des Landes est un sujet de débat vaste et complexe et si nous avons l'occasion d'y revenir pour voir plus avant en quoi il peut être lié aux perspectives de développement urbain en Bretagne, il nous a semblé intéressant de réagir au billet publié récemment par l'OBSLAB (OBServatoire et LABoratoire de la démocratie locale) pour évoquer le “lâchage” par Air France, qui sonnerait quelque part le glas de ce projet...

Si le projet d'aéroport de Notre Dame des Landes est un sujet de débat vaste et complexe et si nous avons l'occasion d'y revenir pour voir plus avant en quoi il peut être lié aux perspectives de développement urbain en Bretagne, il nous a semblé intéressant de réagir au billet publié mardi par l'OBSLAB (OBServatoire et LABoratoire de la démocratie locale) pour évoquer le “lâchage” par Air France, qui sonnerait quelque part le glas de ce projet très décrié.

Après le témoignage des fameux pilotes d'Air France septiques sur l'intérêt du projet, abondamment repris par les opposants, les saillies régulières de Jacques Bankir, dont les anciennes fonctions chez Air France étaient et sont encore systématiquement soulignées pour tenter de mettre en avant le sérieux de ses propos, c'est au tour du PDG d'Air France d'intervenir directement dans ce débat et donc d'apporter un nouveau crédit à l'argumentation des opposants.

Nous constatons pourtant à chaque fois, chez ceux qui relaient ces positions d'Air France, une même absence de regard critique sur les intérêts commerciaux pouvant dicter ces prises de position.

Tous les discours qui s'appuient sur ces témoignages le font comme si Air France était toujours quelque part une entreprise publique, assurant un service public et donc, par souci de l'intérêt général et du devenir des territoires qu'elle accepte généreusement de desservir, une voix importante à écouter pour savoir ce qu'il faut faire ou ne pas faire. Il est intéressant de remarquer à ce titre que Frédéric Gagey est présenté dans ce billet de l'OBSLAB comme PDG d'Air France, sous entendu de cette entreprise sans doute encore publique, gérée “en bon père de famille”, et non pas d'Air France-KLM, ce qu'il est en réalité, c'est à dire d'une multinationale comme les autres, engagée dans une lutte acharnée pour préserver ses parts de marchés ou en conquérir de nouvelles.

Le fait que des lignes low-costs se soient développées, ou qu'il existe des compagnies de charters saisonnières semble suffire par ailleurs, pour que l'opinion publique ait le sentiment que le monde aérien fonctionne en France dans un cadre concurrentiel particulièrement sain, duquel il n'y aurait du coup pas grand chose à attendre, ce qui est pourtant loin d'être le cas.

Presque personne ne réalise à quel point Air France dispose d'un quasi-monopole sur les vols d'affaires, ou avec correspondances, au départ des aéroports non parisiens, ni que cette situation de monopole est le fruit d'une stratégie de développement délibérée, développement qui s'est construit en favorisant la concentration du trafic sur les aéroports parisiens, ainsi qu'en attaquant systématiquement les tentatives de la concurrence de développer des lignes transversales pouvant faire obstacle aux passages obligés par les hubs de Roissy et Orly. En occultant la responsabilité de son entreprise dans cette construction du modèle très centralisé de transport aérien français, le patron d'Air France peut ainsi rejoindre les opposants dans ses conclusions et se placer implicitement dans leur logique.

Au niveau européen, les véritables concurrents d'Air France-KLM (et au-delà de ses partenaires de Skyteam) ne sont pourtant ni les compagnies low-costs, ni les compagnies de charters. Ce sont bien davantage les compagnies du groupe Star Alliance (dont notamment la Lufthansa en Europe) ou de OneWorld (dont British Airways ou Iberia en Europe), dont l'implantation française, en dehors des aéroports parisiens, reste marginale.

Air France-KLM aurait également un bon moyen d'illustrer le propos de son patron sur le potentiel de trafic en publiant les statistiques dont elle dispose sur les destinations finales des passagers embarqués en Bretagne, au lieu de se contenter des statistiques sur la première escale, qui ne permettent pas d'appréhender le trafic réel "consolidé". A moins qu'il ne soit pas très prudent de révéler ces précieuses données aux compagnies concurrentes, surtout si la réalisation de l'aéroport de NDDL, avec de meilleures conditions potentielles d'accueil et de fonctionnement pour ces dernières, est effectivement menée à terme.

Car si on devait consulter des compagnies aériennes sur l'intérêt de faire ou pas NDDL, c'est plutôt vers elles qu'il faudrait se tourner, pour voir si des perspectives de liaisons vers des hubs intercontinentaux nouveaux pourraient se développer au départ de ce nouvel aéroport. L'avis d'Air France-KLM en la matière n'est en revanche que de peu d'intérêt, sauf peut être justement en ce qu'il semble traduire l'inquiétude d'une compagnie pour le devenir de parts de marchés jusqu'à présent bien protégées.

Texte collectif.