En 1968, Pierre Vallières, un journaliste et écrivain québécois, dressait dans un ouvrage intitulé Nègres blancs d'Amérique, un portrait de la société canadienne française dans le Canada des années 1950 et 1960.

En 1968, Pierre Vallières, un journaliste et écrivain québécois, dressait dans un ouvrage intitulé “ Nègres blancs d'Amérique ” (1) un portrait de la société canadienne française dans le Canada des années 1950 et 1960. Sans avoir la moindre prétention d’établir un lien entre Canadiens de langue franco-québécoise et Noirs américains, ce portrait mettait en évidence l’infériorité des Canadiens de langue franco-québécoise par rapport aux Canadiens de langue anglaise, maîtres économiques de la province de Québec et le racisme de ces derniers, c’est-à-dire "une attitude d'hostilité répétée voire systématique à l'égard de cette catégorie déterminée de personnes". Aujourd’hui, il semblerait qu’être Breton en Loire-Atlantique, c’est aussi être un nègre blanc (2). Remarquons tout d’abord que les habitants du département de la Loire-Atlantique considérés comme Bretons jusqu’à récemment, administrativement ne le sont plus. Natifs de Montoir-de-Bretagne, de Fay-de-Bretagne, de Sainte-Reine-de-Bretagne, etc., vous n’êtes pas Bretons ! Vous êtes “ligériens”, nationalité des habitants de la région administrative des Pays de la basse Loire. Natifs de Châteaubriant, d’Ancenis, de Clisson, de Machecoul, villes des marches de Bretagne, vous n’êtes pas Bretons ! Vous êtes “ligériens”. Ceux ou celles qui continuent à se penser Bretons ou ceux ou celles que l’INSEE, dans le cadre administratif qui lui est imposé, considère comme Bretons, c’est-à-dire les seuls natifs de la Bretagne administrative (soit 91 000 personnes en 2016 au lieu des 1 300 000 habitants du département de la Bretagne historique) sont considérés comme des êtres inférieurs par les Ligériens. "On ne veut pas de réunification de la Bretagne", "Les Bretons, on n'en veut pas", "On ne veut pas aller avec les ploucs" sont les commentaires recueillis récemment à la sortie des bureaux de vote (lors du référendum sur l’aéroport de NDDL) lorsque nous proposions à la signature une pétition demandant l’organisation d’un référendum sur la réunification de la Bretagne. Cette image de nègre blanc était déjà présente il y a quelques années dans une exposition organisée par le Musée de Nantes sur "Nantais venus d’ailleurs - Qu’est-ce qu’un étranger ?" (3). Cet organisme français plus respectueux du cadre administratif que du cadre culturel considérait les Bretons comme des étrangers en Loire-Atlantique. Comme de plus, historiquement, leurs ancêtres, venus travailler en Basse-Loire, parlaient breton, cela ne faisait qu’accentuer leur statut d’étranger, immigré… dans leur propre pays. Qui dit nègre dit racisme : le racisme "ligérien" semble malheureusement fonctionner en Loire-Atlantique aujourd’hui à l’encontre des Bretons. Alors qu’en France, le racisme anti-breton, si vif fin du XIXe et début du XXe, n’est plus qu’un mauvais souvenir, c’est dans la partie amputée du territoire breton que renaît cette attitude d’hostilité répétée voire systématique. Si l’objectif recherché et fortement encouragé par les pouvoirs politiques est, à terme, de nier toute identité bretonne à ce territoire et à ses habitants et de leur imposer une nouvelle identité "ligérienne", ils ont pris une voie indigne de la démocratie qui ne fera que renforcer la résistance bretonne.
Notes
1) Pierre Vallières, Nègres blancs d'Amérique, éd. Typo, 1010, rue de La Gauchetière Est, Montréal (Québec), 2005, 472 pages, (ISBN 2892950678 et 978-2892950670) 2) Ronan Le Coadic. Les Bretons, des nègres blancs ? De la domination à la reconnaissance : Antilles, Afrique et Bretagne, Presses universitaires de Rennes, p.349-366, 2013. 3)
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