- Lettre ouverte -
NDDL. Lettre ouverte du Collectif de juristes et avocats à Jean-Jacques Urvoas, Garde des Sceaux
Vous avez récemment pris la parole dans les média sur ce projet, en votre qualité de Garde des Sceaux, en affirmant que "le droit dit oui, la population dit oui" au projet, et en précisant que vous utiliserez "les moyens pour que le droit passe", et que l’aéroport se construise. Ces paroles font écho à celles du Premier ministre, qui a confirmé il y a peu qu’une évacuation du site de Notre-Dame des Landes et un début des travaux étaient envisagés "à l’automne". De tels propos justifient quelques éclaircissements de notre part
Par Maryvonne Cadiou pour ABP le 19/10/16 16:37

Communiqué transmis le 19 octobre 2016 par l'ACIPA avec cette introduction :

Vous trouverez ci-dessous une lettre ouverte du Collectif de juristes et avocats, en réaction à la prise de position de Jean-Jacques Urvoas au "Grand rendez-vous" Europe1 / iTélé / Les Échos le 8 octobre dernier.

Nous vous informons que, conformément à ce qui avait été annoncé, le Tribunal administratif de Nantes a été saisi d'une demande d'annulation des arrêtés de dérogation relatifs au campagnol amphibie, le 15 octobre dernier.

Les impacts environnementaux du projet seront également au coeur de l'audience en appel qui aura lieu le lundi 7 novembre à 14 h à la Cour administrative d'appel de Nantes, concernant les arrêtés "loi sur l'eau" et "espèces protégées", ainsi que la déclaration d'utilité publique du programme viaire.

Nous vous en souhaitons bonne réception.

Cordialement

Agnès Belaud

Monsieur le Ministre de la Justice

Jean-Jacques Urvoas

Nantes, le 13 octobre 2016

Objet : Projet d’aéroport de Notre-Dame des Landes

Monsieur le Ministre,

Nous venons vers vous en tant que Collectif de juristes et avocats opposés au projet d’aéroport du Grand Ouest.

Vous avez récemment pris la parole dans les média sur ce projet, en votre qualité de Garde des Sceaux, en affirmant que "le droit dit oui, la population dit oui" au projet, et en précisant que vous utiliserez "les moyens pour que le droit passe", et que l’aéroport se construise. Ces paroles font écho à celles du Premier ministre, qui a confirmé il y a peu qu’une évacuation du site de Notre-Dame des Landes et un début des travaux étaient envisagés "à l’automne".

De tels propos justifient quelques éclaircissements de notre part, notre collectif ayant suivi depuis de nombreuses années les développements juridiques afférents au projet d’aéroport.

En premier lieu, nous tenons à rappeler, contrairement à de nombreuses affirmations, que les recours relatifs à ce projet ne sont pas "épuisés", et que le temps du droit dans cette affaire n’est aucunement passé, comme vous le laissez entendre.

La légalité des arrêtés environnementaux adoptés à la fin de l’année 2013 (espèces protégées et loi sur l’eau) est ainsi étudiée actuellement par la Cour administrative d’appel de Nantes, des questions inédites et essentielles étant posées par le projet s’agissant notamment de la compensation environnementale.

Par ailleurs, s’agissant de l’utilité publique du projet, nous vous rappelons que le rapport du CGEDD missionné par madame la ministre de l’Écologie a conclu que ce projet était "surdimensionné", et que l’optimisation de l’aéroport de Nantes-Atlantique "permettrait d’accompagner la croissance du trafic". Nous avons d’ailleurs sollicité, il y a peu, l’abrogation de la déclaration d’utilité publique devant le Conseil d’État sur le fondement de ce rapport. Le recours est actuellement en cours d’instruction, l’État n’ayant pas répondu à notre requête à ce stade.

Le fait que la justice soit encore saisie à l’heure actuelle est lié, au demeurant, en grande partie, au fractionnement du projet en de très nombreuses autorisations pendant près de 10 ans. A ce titre, la Préfecture a très récemment publié deux arrêtés relatifs au Campagnol amphibie, dont nous venons de solliciter l’annulation devant le Tribunal administratif de Nantes, ces derniers étant en relation directe avec les arrêtés dont nous contestons la légalité devant la Cour administrative d’appel. En outre, le permis de construire relatif à l’aérogare n’a aucunement été délivré à ce jour, l’instruction de la demande déposée en avril 2013 ayant été suspendue.

Comme vous vous en doutez, ce fractionnement du projet a eu pour principale conséquence d’empêcher le public d’avoir une vision globale et sincère sur ses coûts et avantages réels, et les alternatives crédibles à sa réalisation.

En second lieu, le droit auquel vous faite référence inclut également le droit européen, que l’État français doit respecter. Or, nous vous rappelons qu’une procédure d’infraction à l’encontre de l’État français est toujours en cours s’agissant du projet d’aéroport du Grand Ouest, en l’absence d’évaluation globale des impacts environnementaux du projet.

Si l’État a choisi la révision du schéma de cohérence territoriale (SCOT) Nantes-Saint-Nazaire pour tenter de régulariser ces insuffisances, la Commission européenne a rappelé à plusieurs reprises que les travaux ne pourraient commencer avant l’adoption définitive du SCOT. Cette dernière ne pourra intervenir avant le début d’année 2017, une enquête publique étant actuellement en cours.

Tout engagement des travaux avant l’adoption définitive du SCOT témoignerait donc d’une violation manifeste du droit européen par l’État français.

En troisième lieu, en rappelant que "la population a dit oui" au projet d’aéroport, vous avez également précisé avoir vous-même besoin de cette infrastructure "en tant que Breton".

Nous ne pouvons que constater le caractère paradoxal de ces propos, le Gouvernement auquel vous appartenez ayant délibérément circonscrit le périmètre de la consultation du 26 juin à la Loire-Atlantique, en écartant les Bretons, qui sont pourtant financeurs d’un projet qui se réclame du "Grand Ouest".

L’organisation d’une consultation, sur la base d’une ordonnance dont la légalité est toujours actuellement contestée devant le Conseil d’État, dans un périmètre opportunément restreint et s’agissant d’un projet qualifié de surdimensionné par les experts du CGEDD, paraît donc bien éloignée d’une validation massive du projet par "la population" dans son ensemble. Les sondages réalisés au moment de la consultation ont, au demeurant, démontré que le Non l’aurait emporté en cas de réalisation de la consultation à une autre échelle, témoignant de la volatilité de la notion de démocratie dans un tel contexte.

En réalité, les différences de position sur le projet d’aéroport de Notre-Dame des Landes au sein même de l’exécutif de notre pays sont le reflet des difficultés juridiques irréductibles posées par ce projet d’État, et des nombreuses interrogations qu’il suscite quant à la cohérence de l’action gouvernementale sur le plan économique et environnemental.

Nous espérons que votre connaissance de la chose juridique, en tant que Maître de Conférences, vous amènera à percevoir les enjeux liés à une remise à plat de ce projet en prenant en compte l’état de notre société en 2016, et vous incitera à refuser tout engagement des travaux dans les mois qui viennent, afin que la justice puisse sereinement se positionner sur la légalité de ce projet avant une destruction irréversible du site de Notre-Dame des Landes.

Nous restons, bien évidemment, à votre entière disposition pour tout échange sur ce dossier.

Nous vous prions d’agréer, Monsieur le Garde des Sceaux, l’expression de notre haute considération

Le collectif de juristes et avocats opposés au projet d’aéroport de Notre-Dame des Landes

Copie à :

- Monsieur le président de la République

- Monsieur le Premier ministre

- Madame la ministre de l’Écologie

Note ABP

CGEDD : Le Conseil Général de l'Environnement et du Développement Durable.

Cet article a fait l'objet de 1162 lectures.
Correspondante ABP depuis février 2007.
[ Voir tous les articles de de Maryvonne Cadiou]
Vos 11 commentaires
yann reuz Le Mercredi 19 octobre 2016 17:10
Les habitants de la Loire-Atlantique sont des bretons également! Tous les habitants de la Bretagne et de la pseudo région Pays de la Loire auraient dû effectivement être consultés.
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Caroline Le Douarin Le Mercredi 19 octobre 2016 20:36
Les habitants de la Loire-Atlantique ne sont pas tous des Bretons mais ils habitent en Bretagne. La Loire-Atlantique est un territoire breton, n'en déplaise aux PDL...
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Le Modérateur Le Mercredi 19 octobre 2016 20:44
À Hoel : vos commentaires sont refusés.
Mettre systématiquement le même lien dans tous ses commentaires est du trolling et le trolling est interdit sur ABP.
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J-M Sort Le Mercredi 19 octobre 2016 23:20
" En second lieu, le droit auquel vous faite référence inclut également le droit européen, que l'État français doit respecter. Or, nous vous rappelons qu'une procédure d'infraction à l'encontre de l'État français est toujours en cours s'agissant du projet d'aéroport du Grand Ouest, en l'absence d'évaluation globale des impacts environnementaux du projet.
Tout engagement des travaux avant l'adoption définitive du SCOT témoignerait donc d'une violation manifeste du droit européen par l'État français."
L'état français viole le droit international depuis plus de 500 ans en ce qui concerne la Bretagne ,alors, un de plus ou un de moins...
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Caroline Le Douarin Le Mercredi 19 octobre 2016 23:31
@ JM Sort
Mais justement, ce n'est pas pour ça qu'il faut se résigner et continuer à se laisser faire...
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Caroline Le Douarin Le Mercredi 19 octobre 2016 23:38
Woops, je continue !
Avec des défaitistes comme ça, on n'avancera pas...
Vous devriez être content que ces personnes expliquent si bien les choses à un Breton du gouvernement, qui a une grande responsabilité - tant qu'il est ministre de la Justice... malgré l'histoire des Bretons en Loire-Atlantique et non de Loire-Atlantique...
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Maryvonne Cadiou Le Jeudi 20 octobre 2016 01:37
À Loïc L. message de 1 h 15 le 20 octobre 2016
Bonsoir. Vous avez dû envoyer votre commentaire d'un portable...
Il n'est pas refusé, c'est un bug, qui devrait être réparé bientôt (directeur prévenu)...
Le logiciel ne veut pas reconnaître l'article...
Pour ne pas vous faire perdre de temps à chercher un ordi, je le recopie ci-dessous.
Peut-être sans les mêmes alinéas
°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°
Loïc L.
"ayant délibérément circonscrit le périmètre de la consultation"
Enfin dans un article le terme consultation est utilisé. Et pas référendum.
Normal pour des professionnels juridiques.
Ce qui change tout, car lorsque tous les acteurs politiques parlent de "référendum" et par conséquent "obligation des travaux" ils MENTENT.
Et tous les medias (du moins télévision et radio) parlent de référendum.
Ils sont incompétents ? Corrompus ? Bêtes ?
Ou nous prennent-ils pour ce que nous ne sommes pas ?
Peut-être un peu de tout.
À la lecture de cet article, on se rend compte à mon avis du mépris qu'ont les acteurs politiques pour le droit.
De facto, cela veut aussi dire qu'ils considèrent que la seule loi valable est celle de la force. C'est triste.
Espérons que cela ne le devienne pas encore plus.
°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°
Maryvonne Cadiou reprend
Je me souviens très bien qu'au début il a été question de référendum, puis c'est devenu Consultation...
Par quel tour de passe-passe, pour quelle raison ?
Justifiée ou pas quelque part ? ?
L'Acipa l'a bien remarqué et fait remarquer
Cela a bien sûr beaucoup moins de force (pas la vôtre !), de poids, c'est même nul...
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J-M Sort Le Jeudi 20 octobre 2016 09:27
réponse à Caroline Le Douarin
Merci pour votre réaction après mon commentaire, cela me permet de clarifier mon point de vue.
Quand je dit :"un de plus, un de moins", Je me place du coté de l'état français qui n'est pas à une violation des droits de l'homme près. C'est du 2ème degré et pas mon point de vue personnel !!!
Si certains bretons sont défaitiste, ce n'est pas mon cas.
Mais qu'attendre d'un élu breton comme Jean-Jacques Urvoas (justement) qui se fait élire avec un discours en faveur de la Bretagne et de la langue bretonne, et qui, dès qu'il a la place, s'empresse de rentrer dans la ligne de son parti (socialiste dans ce cas) et lorsqu'il y a un vote en faveur des langues minoritaires dans l'hexagone s'empresse de nous expliquer que : "vous comprenez, j'ai mes convictions, mais ayant été élu sous l'étiquette socialiste, je me doit de voter comme les copains..."
Réponse : nous n'avons rien attendre ! Ni de lui, ni de tous les autres élus qui sont encartés dans des "gros" partis jacobins français.
Je pense que seul le droit et la justice internationale peut nous aider à sortir de tous les problèmes juridiques que la Bretagne rencontre en ce moment. L'état français ne peut plus pendre les bretons à tour de bras ou envoyer l'armée pour semer la terreur et massacrer la population comme cela s'est fait par le passé, mais se sert de sa justice (merci J.J Urvoas...) pour mettre à terre tout ce qui peut ressembler à une rébellion et imposer son dicta !
Alors bravo à ce collectif de juristes, toutes les initiatives en faveur de la Bretagne sont importantes, et c'est rassurant de savoir qu'il y a des gens qui savent nager parmi tous les textes juridiques de la lois française... même si nous, nous savons que ces lois sont illégales en Bretagne depuis 1499.
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juhel richard Le Jeudi 20 octobre 2016 13:58
@ "Maryvonne Cadiou reprend : Je me souviens très bien qu'au début il a été question de référendum, puis c'est devenu Consultation... Par quel tour de passe-passe, pour quelle raison ? "
réponse : Consultation : on vous consulte, puis on fait ce que l'on veut selon le résultat.
Les mots ont un sens et ce n'est pas pour rien que c'est ce mot qui a été choisi.
Quant a Valls, Urvoas, retailleau et autres (ainsi que les juristes) qui nous expliquent qu'il faut que "l'état de droit soit respecté" EH BIEN CHICHE !
La France n'a aucun droit à Nantes et partout en Bretagne car le soit disant accord de 1532 n'est pas un traité. Au plan international et pour que "l'état de droit soit respecté " le seul lien juridique est le traité de Nantes de 1499 qui dit :
clause 1: pérennité du style de l'État
clause 4 : seule une juridiction Bretonne (et non pas tribunal français) est apte à juger en Bretagne
clause 12 : Aucune éxécution de mandements ni exploits (d'huissiers) en Bretagne. (donc pas d'expulsions)
Mais comme ces "juristes" font du droit étranger (français) alors, "l'état de droit" n'est pas respecté !
Car la France n'est pas le pays des droits de l'homme (120 prisonniers politiques Bretons, Basques, Corses) et ne respecte pas les engagements internationaux qu'elle signe : Charte de l'ONU 1947 et Charte sur les droits des peuples autochtones 2007. (Bretons, Corses, Kanaks, Polynésiens...) (respect des territoires, langues, coutumes ...etc et devoir d'y associer les populations)
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Loïc. L Le Jeudi 20 octobre 2016 20:43
@Maryvonne Cadiou
@Juhel Richard
"Je me souviens très bien qu'au début il a été question de référendum, puis c'est devenu Consultation..."
Valls fit demander au conseil , 1mois avant le référendum alors prévu, de transformer le vote en consultation.
Il me semble avoir lu cela dans un article d'abp.
Merci Maryvonne Cadiou d'avoir relayé mon commentaire.
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TY JEAN Le Lundi 24 octobre 2016 10:09
Comme indiqué dans une autre chronique,les bretons les plus ou moins éloignés devraient donc se coltiner 3 à 4 heures de routes plus que saturées à certaines heures, sans compter les limitations de vitesse aux traversées de Lorient et Vannes (90km/h )." On raisonne à courte vue...les gens de Brest ou Lorient ne viendront pas à NDDL...Ce projet est sorti à un moment ou le TGV n'existait...Les compagnies d'aviation n'envisagent pas de vols intercontinentaux au départ de NDDL..." extrait de la déclaration de J-P Dubreuil, PDG de la compagnie d'aviation FRENCH BLUE, à Ouest-France pdl du 13/09/2016.
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