Désormais, les partis bretons d'extrême-gauche ont fixé leur propre manifestation à Nantes. Cela devrait permettre d'organiser d'autres manifestations sans partis politiques.

Revenons sur la manifestation du 27 septembre 2025 à Nantes. Elle était organisée pour donner suite à la manifestation du 28 septembre 2024 organisée à l’appel de la Coordination Démocratique de Bretagne, un collectif de mouvements et associations bretonnes, parmi lesquelles l’Union démocratique bretonne (UDB), Dispac’h, War-Sav Gauche Indépendantiste, Coordination pour un Front Révolutionnaire Breton, Diwan, … On retrouvait donc les mêmes organisations cette année. Elles promettent aussi de se retrouver l’année prochaine, le 26 septembre 2026, de la même manière à Nantes.

Le journal Ya ! relayait dans son édition du 23 septembre 2025, sous la plume de son rédacteur en chef, l’appel à manifester. Nous donnons le texte breton suivi de sa traduction.

« Savet eo bet ar galv gant Kenurzhiadur Demokratel Breizh evit "unaniezh Breizh, ar gwir da zibab er vro, ar justis sokial hag endroel, ar brezhoneg". Bloaz zo e oa bet aozet ur vanifestadeg e Naoned gant ar memes strolladoù (ha gant ar memes gerioù-stur) d’an 28 a viz Gwengolo. 1500 a dud o doa dibunet en un aergelc’h plijus. Div sizhun war-lerc’h e oa bet aozet ur vanifestadeg all gant Unaniezh Breizh met ne oa bet nemet 300 den. Ha jeu a oa bet abalamour m’en doa klasket kemer perzh ar strollad faskourien PNB. Ne oa ket sklaer a-walc’h linenn Unaniezh Breizh hervez lod. An aozadur en doa respontet n’emañ ket a-du tamm ebet gant mennozhioù ar strollad PNB. E galv Kenurzhiadur Demokratel Breizh eo sklaer an traoù : n’eus plas ebet evit an tu-dehoù pellañ. "Breizh, Bro Naoned enni, a rank dont da vezañ ul lec’h a-enep raktres politikel Retailleau hag ar Rassemblement national : gouennelour, kilstourmus, aotrouniek, enepsokial, enep-ekologel, enep-benelour ha dreist-kreizenner". »

Traduction : « L’appel a été lancé par la Coordination Démocratique de Bretagne pour : "la réunification de la Bretagne, le droit de décider au pays, la justice sociale et environnementale, le breton" Il y a un an avait lieu une manifestation à Nantes organisée par les mêmes groupes (et avec les même slogans) le 28 septembre. 1500 personnes avaient défilé dans une ambiance agréable. Deux semaines plus tard, une autre manifestation était organisée par Bretagne Réunie, mais il n’y avait eu que 300 personnes. Il y eu polémique parce que le parti des fascistes du PNB avait cherché à y prendre part. Pour certains la ligne de Bretagne Réunie n’était pas suffisamment claire. L’organisation avait répondu qu’elle n’était absolument pas d’accord avec les idées du parti PNB. Avec l’appel de la Coordination Démocratique de Bretagne les choses sont claires : il n’y a aucune place pour l’extrême-droite. "La Bretagne, le Pays Nantais compris, doit devenir un lieu contre le projet politique de Retailleau et le Rassemblement national : raciste, réactionnaire, autoritaire, antisocial, anti-écologique, antiféministe et ultra-centralisateur". »

Pour se rendre compte du caractère politique, au sens de l’extrême-gauche, de cette manifestation, il suffit de prendre quelques extraits de la "Déclaration de la manifestation de Nantes du 27/09/2025", diffusée de manière officielle le jour de la manifestation. A propos du mode d’action : « … il faut occuper la rue, à date régulière, pour ritualiser notre agenda politique breton ». A propos des dépenses du gouvernement : « Il n’était pas question de faire des économies lorsque la France dépensait des milliards pour mater nos frères et sœurs Kanaks en révolte contre le colonialisme. Il n’était pas question de faire des économies pour arroser d’argent public les entreprises du lobby militaro-industriel qui vendent des armes à Israël pour massacrer les Palestiniens ou pour continuer l’escalade belliciste ». Un peu plus loin, toujours à propos de la rue : « Il ne faut pas déserter la rue bretonne, ni la laisser aux fascistes. En 2026, la Saint-Yves revendicative aura lieu sur le parcours de la Redadeg qui finira le 16 mai 2026 à Nantes. Que les derniers kilomètres soient une clameur populaire pour la langue bretonne, la démocratie et le droit à l’autodétermination du peuple breton. » Donc, si l’on comprend bien, la Redadeg, puisque Diwan faisait également partie des organisateurs de la manifestation du 27, va être l’occasion d’une manifestation organisée par l’extrême-gauche à Nantes au mois de mai 2026. Si ce n’est pas le cas, alors il faut démentir ! Car jusqu’à maintenant, dans l’esprit du plus grand nombre, la Redadeg avait pour seul objet et seul objectif la langue bretonne.

Avant de conclure, je terminerai par un témoignage. Suite à une conversation avec l’une de ses amies, amie pour qui de manière évidente la Bretagne est à 5 départements, une jeune étudiante Nantaise s’est rendue à la manifestation pour voir si les Nantais voulaient oui ou non la réunification. Verdict : « Il n’y avait pas grand monde, les gens veulent-ils vraiment la réunification ? » En effet, ce type de manifestations est malheureusement contre-productif. De plus, avec quelques centaines de manifestants, peut-on vraiment parler au nom du peuple breton ?

Que les groupes d’extrême-gauche veuillent manifester, pas de problème ! Désormais, ils ont fixé eux-mêmes leur propre manifestation, "pour ritualiser leur agenda politique breton". Il s’agit en fait d’un entre-soi d’extrême-gauche ritualisé : tous les autres ne sont que, par définition, des "fascistes" ou des "complices des fascistes" ou des "complaisants avec le fascisme". Suite à la manifestation du 12 octobre 2024, par un communiqué du 20/10/2024, des organisateurs de la manifestation du 28/09/2024 avaient été jusqu’à dire : « Plutôt que de se livrer à une autocritique, Bretagne Réunie préfère aujourd’hui mettre sur le même plan les néofascistes et ceux qui les combattent et refusent leur présence. C’est pour nous inacceptable. Cela oblitère de manière définitive et irrémédiable la possibilité pour Bretagne Réunie d’incarner un quelconque combat démocratique breton et de défiler dans les rues de Nantes. » Donc l’association Bretagne Réunie est désormais interdite « de manière définitive et irrémédiable » de manifestation à Nantes par ce nouveau collectif d’extrême-gauche. Mais quelle est la définition du fascisme, voilà une autre question intéressante, n’est-il pas ?

Pour se consoler, on pourra dire qu’il s’agit là, en quelque sorte, d’une clarification. En effet, lorsque Bretagne Réunie, ou d’autres organisations citoyennes, voudront organiser une manifestation à Nantes ou ailleurs, avec le seul mot d’ordre de la réunification, alors nous pouvons espérer que les partis politiques - quels que soient les partis politiques ! - n’y viendront pas avec leurs banderoles, leurs drapeaux, leurs slogans, leurs tracts. Alors, enfin, nous pourrions espérer avoir un discours serein et centré sur une seule revendication, dans le cadre d’un grand rassemblement populaire. Est-ce encore possible ?