
Comment s’entraîner à lire les livres en breton ? Le billet d’Eric (ICB) "Promotion du breton"" N° 12 de décembre 2025. Ce douzième billet de la série "Promotion du breton" s’adresse à tous ceux qui veulent progresser en breton grâce à la lecture. Ce panorama ne doit cependant pas faire oublier que l’édition en Bretagne traverse actuellement une crise profonde, qui touche aussi bien la production que la diffusion des livres en breton.
Ce douzième billet de la série "Promotion du breton" s’adresse à tous ceux qui veulent progresser en breton grâce à la lecture. Avant de voir comment s’exercer concrètement, commençons par un tour d’horizon des types de livres aujourd’hui disponibles en langue bretonne. Ce panorama ne doit cependant pas faire oublier que l’édition en Bretagne traverse actuellement une crise profonde, qui touche aussi bien la production que la diffusion des livres en breton.Quels types de livres sont publiés en breton ?
Les publications les plus nombreuses concernent les domaines suivants :- Littérature générale : romans, recueils de nouvelles, recueils poétiques, pièces de théâtre
- Romans policiers ; essais : essais politiques, essais identitaires
- Livres pour la jeunesse : livres d’aventures, contes et légendes
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Récits
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Souvenirs
- Dictons et proverbes
- Bandes dessinées : « classiques » (Tintin, Lucky Luke, Derib) ou d’inspiration bretonne publiées notamment par Bannoù Heol…
Les romans de littérature générale et policiers, et nombre de livres pour la jeunesse, sont majoritairement écrits directement en langue bretonne par des Bretons et même quelques auteurs de France et d’autres pays, comme Anna Mouradova, russophone née à Moscou d’une famille assyrienne de Géorgie. Mais on relève aussi un nombre important de publications qui sont des traductions en breton d’œuvres classiques ou contemporaines d’écrivains bretons (ayant écrit en français ou en gallo), français ou étrangers, ce qui ne manque pas d’intérêt.
Sont bien moins nombreux les livres concernant d’autres domaines variés :
Histoire, Musique, Religion, Écologie – nature et environnement, Animaux, Sites et monuments, Éducation, Astronomie, Cuisine… et à présent « fantasy ».
Il y en a donc pour tous les goûts ! Je m’efforce de les classer en de multiples répertoires spécialisés. Ils sont disponibles via les éditeurs, ou les diffuseurs en ligne qui tiennent bon (brezhoneg.org de Kuzul ar brezhoneg, ou klask.com) ou via librairies et sites divers à l’état neuf ou d’occasion.
Une offre riche mais fragilisée
Ce paysage relativement diversifié ne doit pas masquer la fragilité de l’édition en Bretagne. La disparition du grand diffuseur Coop Breizh, qui jouait un rôle central dans la distribution des produits culturels bretons, a constitué un véritable choc pour l’ensemble de la filière y compris de la fillière des livres en breton: maisons d’édition, librairies, festivals et, bien sûr, lecteurs. Même si certains catalogues et circuits de diffusion ont pu être partiellement repris, cette fermeture a laissé de nombreux acteurs dans une situation très incertaine.
Plusieurs structures publiant en breton ont également connu de graves difficultés récentes. C’est le cas, par exemple, de Keit Vimp Bev, éditeur associatif historique installé à Laz, confronté à des problèmes financiers importants et à des procédures judiciaires. Parler de lecture en breton aujourd’hui, c’est donc parler à la fois d’une offre de titres plus variée qu’il y a quelques décennies et d’un écosystème éditorial très vulnérable, qui a besoin de soutien : abonnements, achats directs auprès des éditeurs, fréquentation des librairies indépendantes, participation aux campagnes de souscription, etc.
Les jeunes de Timilenn
L’association Timilenn a été créée à Saint-Herblain (Loire-Atlantique) en 2019 pour éditer des livres en langue bretonne pour la jeunesse. Le but de l’association est de donner l’envie de lire à tous les enfants, qu’ils aient des difficultés à lire (dyslexie par exemple) ou non : Les livres sont imprimés sur du papier non-brillant, la typographie choisie est grande et assez simple, les visuels correspondent aux textes, il y a de grandes interlignes. Il y a aussi des versions audios.
Lennomp, le breton par souscription
Parmi les initiatives récentes en faveur de la lecture en breton, il convient de mentionner le travail de Yann-Fañch Jacq avec l’association Lennomp. Celle-ci édite des livres en breton présentés sous forme de souscription. Les objectifs sont multiples : promouvoir la création en langue bretonne, favoriser les rencontres entre auteurs et lecteurs, répondre au mieux aux besoins du public en tenant compte du niveau de maîtrise du breton de chacun.
Lennomp entend aussi faire plus que simplement éditer en langue bretonne. À titre d’exemple, les titres parus en 2025 mettent en avant l’existence d’autres cultures dans le monde, la nécessité de relations intergénérationnelles, l’ouverture des esprits aux problèmes actuels, ainsi qu’une attitude de refus de l’intransigeance. Autant d’axes qui montrent que la littérature en breton peut être à la fois un outil d’apprentissage linguistique et un support d’ouverture sur le monde.
Mais quelle formule linguistique choisir pour s’entraîner au mieux à lire le breton et accroître ainsi progressivement sa compétence linguistique ?
Formule 1 : lire le livre publié en breton seul
Il faut bien sûr avoir une certaine compréhension basique de la grammaire bretonne (syntaxe, conjugaisons, mutations) pour n’avoir qu’à enrichir son vocabulaire et ses expressions d’usage. Cela oblige à consulter le dictionnaire pour comprendre tous les mots, ce qui ralentit évidemment la lecture mais facilite la mémorisation, pour peu qu’on se constitue au fur et à mesure un répertoire des nouveaux mots ainsi appris.
Une fois le livre entièrement lu en une première lecture plus ou moins laborieuse, il pourra être parcouru plus aisément en deuxième lecture. Mais il faut être méthodique et organisé, et endurant, la motivation durable aidant, pour procéder ainsi.
Formule 2 : lire le livre publié en bilingue en un seul volume
(page par page ou en deux parties séparées)
Beaucoup de lecteurs ont tendance, certes compréhensible, à lire d’abord le français, puis le breton en diagonale ou même pratiquement pas (formule 2A), alors qu’il est préférable de lire d’abord le breton et de ne consulter le français qu’en cas de besoin (formule 2B).
Mais la formule 2A est un moindre mal, surtout si elle aboutit à relire ultérieurement le livre en formule 2B au fil de l’accroissement de sa compétence linguistique.
Formule 3 : disposer de deux volumes séparés, breton et langue originelle
(français ou anglais (cas majoritaire) voire espagnol, allemand, russe, chinois !).
D’un point de vue pratique, le choix entre formule 2 et formule 3 est une question de commodité personnelle. Mais si le lecteur lit d’abord en français ou dans une autre langue originelle, il aura sans doute encore plus tendance qu’en formule 2A à négliger la lecture en breton.
Mais inversement, ayant d’abord assimilé l’œuvre dans une lecture en français (le plus généralement) ou dans la langue originelle, il aura peut-être plus de courage pour se mettre ensuite à la lecture intégrale en breton.
Quels sont les niveaux de langue des livres publiés en breton ?
Côté jeunesse
Les livres pour la jeunesse sont bien sûr assez accessibles, qu’il s’agisse de collections publiées autrefois par les éditions "An Here", ou ultérieurement "Beluga" de la Coop Breizh, maisons à présent disparues ou des éditions existantes spécialisées dans la littérature jeunesse en breton.
Parmi ces dernières, mentionnons notamment Keit vimp bev sise actuellement à Carhaix, qui publie toujours depuis de nombreuses années les revues jeunesse Rouzig et Louarnig, ainsi que l’hebdomadaire "Ya !". (site keit-vimp-bev.com).
Sans nous lancer dans un inventaire exhaustif, citons les Editions Skol Vreizh si active dans de nombreux domaines littéraires et pédagogiques depuis 50 ans, dont l’abondante production inclut des titres pour la jeunesse (skolvreizh.com).
Et aussi les éditions TES à Saint-Brieuc qui édite également depuis 30 ans de nombreux ouvrages littéraires jeunesse et pédagogiques (reseau-canope.fr/tes).
Côté adultes
Certains auteurs ont écrit volontairement des œuvres d’un niveau pas trop élevé. On peut citer notamment Roparz Hemon (1900-1978) dont l’abondante production inclut des œuvres en "breton simple" (brezhoneg eeun) ou assez accessibles aux bretonnants en cours de perfectionnement, tel son recueil de 35 nouvelles "Ho kervel a rin en noz" (Éditions Al Liamm).
Certains thèmes de livres correspondant à des centres d’intérêt particuliers peuvent entretenir plus facilement la motivation, d’autant plus s’ils sont illustrés.
Par exemple :
• les livres sur les animaux comme la série de livres sur les oiseaux de Tudual Huon et Padrig an Habask en traductions des ouvrages de E.V. Breeze Jones (Éditions Al Lanv), ou les portraits d’oiseaux de Serj Kergoad (Éditions BaseArt).
• ou les arbres (Gwez ar vro, Éd. Al Lanv).
• ou les fleurs (Kamelia e pep liorzh e Breizh) de Mikaël Korlay et Gilbert Geffroy (Éd. IDBE).
• ou les lieux légendaires – Lec’hioù mojennel (Éditions Hor Yezh).
• ou la cuisine : Nos plantes sauvages en cuisine – Plant gouez ar vro, livre bilingue récent (2023) de Tim Lipouz (An Alarc’h embannadurioù).
Commentaires (1)
Les livres d’Histoire traduits du français, après celui de Louis Élégoët, s’enrichissent avec « Istor meur Breizh » de Jean-Jacques Monnier (Skol Vreizh).
Il n’y a pas d’Éditions Hor Yezh, mais, Mouladurioù Hor Yezh.
Bien que ce soit difficile à percevoir, car encore marginal, la multiplication des cercles de lecture (bodadoù-lenn) devrait commencer à influencer le lectorat, mais, chez les gens d’âge mûr.