Dans son "point de vue" du mercredi 7 août 2013, Hubert Coudurier, directeur de l'information du journal Le Télégramme, écrit, à propos du rachat du Washington Post par Jeff Bezos, fondateur d'amazon.com : "La crise a eu raison du modèle de la presse écrite américaine, largement dépendante de la publicité (contrairement à la France). " Entre les parenthèses, M. Coudurier, omettait soigneusement d'ajouter " contrairement à la France dont la presse est largement dépendante des subventions ".
Sans ces subventions, beaucoup de titres français, quotidiens ou hebdomadaires, disparaîtraient ou deviendraient pure player comme Newsweek qui a abandonné sa version papier en 2012. En fait, et c'est ce que déplore la Cour des Comptes, même avec ces subventions, la presse écrite en France va à sa perte. C'est le cas de France-Soir qui a fermé les portes alors que 70% de son chiffre d'affaires provenait des aides directes de l'État. France-Soir avait bénéficié d'une subvention de 2 745 000 euros pour réaliser la “nouvelle maquette”, en mars 2010. Le propriétaire d'alors était Alexandre Pougatchev, le fils d'un oligarque russe.
La dernière phrase du " Point de vue " de M. Coudurier est intéressante, car elle insinue que des titres comme Le Télégramme aurait une éthique du journalisme que les autres n'auraient pas : "(Sur le net) ..tout le monde dit et écrit n'importe quoi " se plaint le directeur du Télégramme. Pour M. Coudurier, l'éthique se limiterait à l'exactitude des propos en général, mais ne prendrait pas en cause l'auto-censure et l'obstination malgré des milliers de lettres et de commentaires censurés, demandant à la rédaction d' appeler la région administrative " région Bretagne " ou mieux "région administrative Bretagne ". Confondre la Bretagne historique avec la région administrative et même redessiner des cartes comme celle de l'immobilier pour en découper la Loire-Atlantique est aussi du n'importe quoi. Du révisionnisme. Et que dire du refus de passer l'avis de décès du militant breton Yann Fouéré ? Tout ça ne fait que rappeler les soviets avec le découpage des photos officielles de personnes limogées ou envoyées au goulag, voire fusillées. Les journalistes de la PQR bretonne ont des sujets tabous, interdits par la rédaction : il s'agit de l'autonomisme, de l'indépendantisme, de la remise en question des institutions de la République qui ne sont jamais questionnées. Il n'y aura jamais de reportages du genre : "Qui sont les autonomistes bretons?" ou " Pourquoi pas un système fédéral ? ". Vous ne le verrez pas. Il s’agit ici même de censure. Le mensuel BRETONS n° 84 dont la couverture titrait "18% des Bretons en faveur de l’indépendance" a été retiré des kiosques en janvier 2013 à la demande de François-Régis Hutin, patron de Ouest-France, qui détient une partie du capital de BRETONS ( voir notre article ). Se poser comme autorité morale après de telles pratiques est un scandale en soi.
M. Coudurier, M. Hutin, ne pas publier dans son journal le montant des subventions reçues, juste après qu'elles soient perçues, n'est-ce pas une atteinte à l'éthique de la presse ?
Devant cette opacité et le refus du ministère de la Culture de dévoiler aux contribuables les détails de ce qu'il fait de votre argent, la Cour des Comptes dans son rapport 2012 avait exigé de la transparence, critiquant sévèrement l'opacité de ces subventions dont certaines, comme l'a révélé récemment l'ancien Ministre de la Culture, Frédéric Mitterrand, sont illégalement « avancées » , oui, payées à l'avance, avant même que le budget soit voté par le Parlement ! L'ancien ministre de la Culture a même admis avoir fait une faute à ce sujet.
Les montants de certaines subventions comme celles pour la "modernisation de la presse" renommée FSDP (Fonds stratégique pour le développement de la presse) et, aussi, de celles pour la diffusion de la presse dans les pays étrangers, ont donc été publiés, mais cachés dans un recoin obscur du site du ministère de la Culture au cinquième sous-sol dans la hiérarchie des pages du site. Nous avons déterré la page avec son PDF : http://www.culturecommunication.gouv.fr/Disciplines-et-secteurs/Presse/Actualites/Publication-du-bilan-2012-du-Fonds-pour-le-developpement-de-la-presse.
ATTENTION ! tous les chiffres n'ont pas été publiés. Il s'agit seulement du FSDP. Dans son rapport de septembre 2013 sur les subventions à la presse 2012, la Cour des Comptes estime le montant pour 2012 à 960 millions d'euros, ce qui est l'équivalent ou est supérieur à 2011. Dans ces 960 millions, il faut compter 120 millions pour l'AFP, subvention qui progresse TOUS les ans, crise ou pas, et quel que soit le gouvernement.
Vous serez étonné de savoir que si que la France perd 1000 emplois industriels par jour, et que si les PME sont asphyxiées par les charges, que les Bretons sont pressurés d'impôts de toutes sortes, l'État, comme si de rien n'était, continue de jeter l'argent par les fenêtres. Diffuser la pensée française dans le monde est pour lui bien plus important que sauver les emplois et les entreprises. Ainsi le montant des subventions pour la diffusion de la presse française à l'étranger s'élève à 3 186 396 € en 2012 dont 328 994 € pour le Figaro, 305 000 € pour L'Express, 218 400 € pour Libération, etc... Pour le développement du lectorat jeune, c'est L'Humanité qui, à elle seule, reçoit un pactole de 188 584 €, le reste allant à la PQR. Sans doute qu'on préfère les jeunes avec des drapeaux rouges qu'avec des bonnets rouges. Ceux qui lisent "l'Huma" finiront tôt ou tard au PS, doivent-ils se dirent à Paris. C'est du moins ce que ces chiffres disent. "Money talks", comme on dit en anglais.
En 2012, les subventions vers les versions Internet de la presse écrite, dites "subventions pour le numérique", ont été massives (8% des subventions à la presse). 20minutes.fr a reçu 435 992 €, de quoi faire un beau site vous ne trouvez pas ? Mais rien de spécial, à part l'effet ascenseur et une certaine fluidité http://www.20minutes.fr . Les sites (web, tablettes et telephones) de La Croix reçoivent 328 385 €, mais aussi 78 118 € dans le cadre du développement stratégique de la presse. Pour comparaison, le site de l'ABP qui a son propre SMC (système de management de contenu) a été développé par une seule personne et bénévolement. Un média en ligne peut être créé avec wordpress en une matinée.
Pour les aides directes dans le cadre du FSDP, la subvention accordée à Ouest-France a représenté 12,32 % des aides attribuées en 2012, la plus grosse subvention du FDSP, soit € 1 187 950. Ouest-France constitue ainsi le principal bénéficiaire, ensuite c'est Le Parisien (11,69 %), puis Newsprint (11,40 %). Malgré tout le plus grand journal francophone au monde va éliminer 137 emplois et a accusé une perte de 5 millions en 2012 causé par un recul des recettes publicitaires de 7%.
La TVA pour la presse reste à 2,1%, car l’État pense que ce qui rentre dans votre crâne est plus important que ce qui va dans votre estomac et qui, de toutes façon, va finir aux toilettes.(7,7% pour la TVA de l’alimentation qui a été augmentée en 2012, affectant tous les Français y compris les plus pauvres).
Le budget du ministère de la Culture qui gère ces subventions a été voté globalement avant les élections présidentielles de 2012, mais, ceux qui croient que ces subventions ont été supprimées dans le budget 2013 se trompent lourdement. Le budget 2013 du ministère de la Culture n’était inférieur que de 2% à celui de 2012. Il comprend 512 millions d’aides directes à la presse. Celui de 2014 n’a été raboté aussi que de 2%. Les subventions à la presse ne sont, en aucun cas, réduites. Aucune réforme du statut de l'AFP n’a été entrepris comme l'avait recommandé une commission en 2011.
Dans son rapport de septembre 2013, la Cour des Comptes reconnaît que les aides à la presse existent dans d’autres pays européens mais évite soigneusement de comparer les montants des abonnement AFP de l’État à ceux de l’Allemagne. Le gouvernement allemand paye seulement 3,75 millions euros pour ses abonnements à DPA (Deutsche Presse Agentur) et à DAPD. Trente fois moins que le gouvernement français pour l'AFP ( voir notre article ). Malgré tout, DAPD va lancer, en octobre, un fil d'informations en français et un fil de photos, sous le nom de Sipa News, avec accès à Associated Press (AP). L’agence s'apprête à casser les prix avec des tarifs qui devraient être de 30 % à 50 % inférieurs à ceux de l’AFP. Comme quoi subventionner l’AFP ne la met pas du tout à l’abri de concurrents non-subventionnés. La cour des Comptes a remarqué le phénomène et dénonce l’innefficacité du système qu’elle appelle à revoir complètement. Mais c’est prêcher dans le désert car "plus ça change, plus c’est la même chose".
Philippe Argouarch