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Chondrus Crispus ou pioca dans son millieu naturel (baie d'Audierne)
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Chondrus crispus ou pioca frais
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Chondrus crispus séché
- Investigation -
Les algues alimentaires dans la tradition celtique : chondrus crispus
En Bretagne, le chondrus crispus est appelé le pioka en breton et goémon blanc en français. Il est utilisé depuis très longtemps dans l'alimentation bretonne pour faire des gâteaux et des crèmes.
Par Philippe Argouarch pour ABP le 12/11/18 14:52

Le chondrus crispus est une algue rouge très utilisée dans l'industrie alimentaire car elle contient du carraghenane, un excellent gélifiant utilisé dans de nombreux produits alimentaires y compris les glaces, la bière et même le vin, sous l'appellation E407. Le carraghenane est un mot gaélique, carraigin en gaélique irlandais, cairgean en gaélique écossais , ou "petite roche" à rapprocher du breton karreg rocher. On l'appelait sans doute la "mousse des rochers".

Une algue bretonne utilisée depuis des siècles

En Bretagne, le chondrus crispus est appelé le pioka en breton et goémon blanc ou goémon frisé en français. Ma grand-mère m'envoyait en ramasser, elle les appelait les "algues blanches" . Cette algue a aussi de nombreux autres noms bretons comme bezhin gad, bezhin gwenn, tilez, bezhin bihan, tellez, tali piko comme le rapporte Jean-Pierre Nicolas dans son magnifique Algues des côtes bretonnes. Je la pêche en baie d'Audierne où elle peut être très prolifique dans certains endroits et où des salariés la récoltent tous les étés à la main pour diverses entreprises alimentaires du Finistère.

Pourquoi 'goémon blanc' ou 'algue blanche' ? en le faisant sécher dehors sous le soleil et sous la pluie, une alternance très bretonne (les deux sont nécessaires) il devient blanc. Pourquoi crispus dans son nom latin ? parce que c'est une algue rousse frisée ou crépue, assez courte (20 cm max). Où la trouve-t-on ? En Bretagne atlantique comme sur la côte sud du Finistère au niveau le plus bas de l'estran (coefficient 90 minimum) sur des rochers plats. A récolter de mai à octobre mais surtout à la fin de l'été. On la trouve aussi partout dans les îles britanniques jusqu'en Écosse et bien sûr sur la côte est des Amériques. La variété américaine semble avoir des thalles plus filiformes, la bretonne plus plats. De plus le chondus crispus américain est de couleur crème alors qu'en Europe la couleur varie du bordeaux au vert. Cette algue est en fait un vrai caméléon et change de couleur selon les saisons et son degré d'humidité.

Le pioka est utilisé depuis très longtemps dans l'alimentation bretonne pour faire des gâteaux et des crèmes. Pour faire du flan breton, il suffit de faire bouillir 10 à 15 minutes une poignée de goémon blanc dans un litre de lait, on retire les algues et on laisse reposer après avoir ajouté les épices que l'on désire. La magie ? le lait est passé de l'état liquide à l'état solide. (voir le site) pour une recette de flan breton/

La mousse irlandaise

En Irlande et dans tout le monde anglo-saxon, elle est connue par son nom anglais irish moss, la mousse irlandaise, et dans les Caraïbes simplement sea moss. Elle est cultivée dans les Caraïbes. En Irlande elle entre dans le composition de soupes et de ragouts et du irish moss broth qui a donné le fameux jamaican irish moss drink.

Elles ont été très consommées en Irlande pendant la grande famine de 1847-1848, mais on l'utilise en Irlande depuis toujours, comme pour faire un sirop pour la toux et les angines de poitrines. On la fait cuire 10 minutes, on retire les algues, et on ajoute à la décoction du miel et du citron pour en faire ce sirop.

Pour faire le gel, les algues sont rehydratées plusieurs heures. On peut les faire cuire directement dans l'eau de rehydratation, avec les épices que l'on veut comme la cannelle, la vanille, du gingembre, du réglisse, de l'anis ou sans rien pour garder un épaississant neutre polyvalent. Cette gelée, très riche en protéine et en minéraux, que l'on peut congeler, est utilisée par la suite dans les crèmes, gâteaux, smoothies et soupes et, dans les Caraïbes, pour faire des boissons alcoolisées au rhum. Sans épice, le gel n'a aucun goût particulier et s'adapte donc à toutes les préparations y compris les desserts.

Une nouvelle méthode de préparation de cette gelée super protéinée, de plus en plus populaire aux États-Unis, consiste à passer le tout dans un mixeur. Après les avoir laissées tremper toute la nuit , on les fait mijoter à feu moyen pendant 15 minutes, mais certains ne le font même pas, puis on met les algues et 50% de l'eau dans le mixeur pour obtenir le gel. Voir par exemple (voir le site) , une vidéo expliquant la procédure de fabrication du gel (en anglais).

Plein de délicieux smothies en perspective non ?

Une potion magique

Les composants comprennent des protéines mais aussi 90% des minéraux dont le corps à besoins. On y trouve iodine, bromine, beta-carotène, calcium, fer, magnesium, manganese, phosphore, potassium, selenium, zinc, pectine, vitamines A,B, C, E. La présence de sulfures contenant des acides aminés, comme la taurine, et de vitamines B est particulièrement intéressante pour les végétariens.

Les bienfaits pour la santé de la mousse irlandaise sont très nombreux. En particulier pour tout le système digestif et pour toutes les muqueuses. Un remède pour les gastrites, la nausée, l’indigestion, la constipation et les ulcères.

La mousse irlandaise a des propriétés antibactériennes, antimicrobiennes, antivirales et anticoagulantes. Rien que çà. En application externe, elle permettrait de soigner eczéma, psoriasis, dermatose et brûlures. Elle est aussi réputée pour sa capacité d’atténuer les symptômes du rhume, de grippe, et de la toux graves, voire d'apaiser bronchites et pneumonies;

De plus, avec une alimentation moderne généralement acidifiante, la pioka a un effet très alcalinisant et aurait la capacité de réduire les symptômes d’une consommation excessive d’alcool en remplaçant les ions détruits par la déshydratation.

Cet article a fait l'objet de 2969 lectures.
logo Philippe Argouarch est un reporter multi-média ABP pour la Cornouaille. Il a lancé ABP en octobre 2003. Auparavant, il a été le webmaster de l'International Herald Tribune à Paris et avant ça, un des trois webmasters de la Wells Fargo Bank à San Francisco. Il a aussi travaillé dans des start-up et dans un laboratoire de recherche de l'université de Stanford.
Vos 3 commentaires
Yannig Coraud Le Mardi 13 novembre 2018 00:39
Mille mercis pour cet article qui me rappelle le nom Pioka que ma grand mère donnait à Piriac à cette algue que l’on ramassait aux grandes marées
Elle en faisait un entremet qui pour moi ressemble aux Entremets Plaisance toujours fabriqués à Nantes et ayant le label bio
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Paul Chérel Le Mardi 13 novembre 2018 12:13
Chapeau pour ce que l'on appelait autrefois "leçons de choses" devenues "sciences de la nature". Ca fait plus chic ! Paul Chérel
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Lucien Le Mahre Le Mardi 11 décembre 2018 18:45
Voici une recette, au moins centenaire, utilisant cette algue frisée et blanchâtre à l'état sec et dont la mémoire familiale situe l'origine à Brignogan. Elle vient de mon arrière grand-mère maternelle, elle-même native du Léon.
Ma mère nous a régulièrement régalés de ce "gâteau d'algue" - c'est ainsi que nous nommions ce flan gélatineux - et mon épouse s'y est mise à son tour avant que l'herboriste où elle s'approvisionnait ne parte à la retraite.
Curieusement, bien qu'on en repère souvent sur nos côtes à marée basse, je n'en ai jamais ramassé. Mais la recette a été transmise autour de nous, notamment à l'un de nos enfants passionné par tous les aspects de la culture bretonne.
Ultra simple : 20 g d'algue séchée d'abord rincée à l'eau claire puis plongée dans 1 litre de lait froid auquel on a ajouté trois pierres de sucre. Une fois le lait doucement porté à ébullition, on laisse mijoter à feu doux pendant 20 mn.
Après avoir retiré du feu, on filtre alors le mélange au chinois en s'aidant d'un dos de cuillère pour faire passer un peu de matière, puis on le verse dans un récipient qui lui donnera sa forme. Une fois refroidi (passage éventuel au frigo) il ne reste plus qu'à démouler le gâteau d'algue dans un plat.
Le résultat, un peu tremblotant comme la jelly anglaise, a une consistance agréable grâce au lait, mais un goût plutôt insipide dans la formule traditionnelle évoquée ici, où il n'est question ni d'épices, ni d'aromates.
Aussi était-il systématiquement accompagné chez nous d'une généreuse crème anglaise, à l'occasion surmontée de blancs d'oeufs battus et bouillis dont nous appelions l'ensemble "oeufs à la neige" et absolument jamais "iles flottantes".
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