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Le projet du quotidien en gallois Y Byd rencontre des difficultés
Gwyn Griffiths nous envoie de Cardiff cet article, rédigé spécialement pour l'ABP (et disponible également sur le site de celle-ci en anglais). Le vent portant a un peu faibli ces temps derniers dans les voiles du projet de création d'un journal quotidien en langue galloise, Y BYD (le Monde). L'objectif initial était que le premier numéro sorte des presses le lundi 3 mars 2008, jour de la Saint David, le saint patron du Pays de Galles
Gwyn Griffiths Par Gwyn Griffiths le 28/01/08 18:37

Gwyn Griffiths nous envoie de Cardiff cet article, rédigé spécialement pour l'ABP, et disponible également sur le site de celle-ci en anglais ( voir l'article ).


Le vent portant a un peu faibli ces temps derniers dans les voiles du projet de création d'un journal quotidien en langue galloise, Y BYD (le Monde). L'objectif initial était que le premier numéro sorte des presses le lundi 3 mars 2008, jour de la Saint David, le saint patron du Pays de Galles.

Ce projet, lancé par l'universitaire et écrivain gallois Ned Thomas, bien connu en Bretagne, a vu le jour en 2002 avec la réalisation d'une étude de faisabilité. Auparavant, Ned Thomas avait été le fondateur et premier éditeur du magazine PLANET, consacré à la littérature et à l'actualité, qui paraît tous les deux mois. Le premier numéro de PLANET est paru en août 1970. À partir de 2003, Ned Thomas s'est engagé personnellement dans le projet de quotidien et a joué un rôle moteur dans la programmation du projet, les recherches pour en définir le contenu et le rassemblement des fonds nécessaires : à ce jour, il a pu réunir 350 000 livres sterling, soit plus de 500 000 euros, apportés par un certain nombre d'investisseurs individuels.

Il a cependant fallu repousser la date de parution du premier numéro après que Rhodri Glyn Thomas, ministre du patrimoine et de la culture dans le gouvernement de coalition constitué par le Parti Travailliste et le Plaid Cymru (Parti national gallois) à l'Assemblée nationale galloise, ait demandé à l'automne dernier la réalisation d'un rapport sur l'avenir des journaux et magazines en langue galloise.

C'est à Tony Bianchi, critique littéraire et romancier de langue galloise dont l'œuvre a été couronnée par divers prix et qui a travaillé dans le passé au Conseil des arts du Pays de Galles où il était chargé de la littérature, qu'a été confiée la rédaction de ce rapport.

Ce rapport, qui vient d'être récemment publié, passe en revue les publications existantes, en particulier les hebdomadaires Y CYMRO et GOLWG, mais examine aussi de manière très détaillée les chances de succès d'Y BYD. Rhodri Glyn Thomas qui appartient au Plaid Cymru, va devoir prendre quelques décisions difficiles - dans un avenir très proche - si on ne veut pas que le projet capote. Ned Thomas a dit que si le lancement d'Y BYD était repoussé à 2009, il en résulterait une perte d'intérêt qui serait fatale au projet.

Quand j'ai suggéré à l'éditeur d'Y BYD, Aled Price, une des trois seules personnes embauchées à ce jour, que la date de l'Eisteddfod national, le 4 août 2008, serait une bonne date pour commencer la parution du quotidien, il a été d'accord avec moi, mais il ne m'a pas paru optimiste. Il m'a dit : "Nous attendons maintenant la décision du ministre".

La lecture du rapport de Tony Bianchi ne rend pas le choix facile pour le ministre et n'est pas non plus enthousiasmante pour quiconque s'intéresse à la presse quotidienne ou périodique au Pays de Galles. En ce qui concerne le ministre, il aura à décider d'attribuer ou non une somme comprise entre 1 et 1,4 million de livres (1,5 et 2,1 millions d'euros) chaque année sous forme de subvention et de publicité pour Y BYD.

Pour le moment Y CYMRO et GOLWG vendent un peu moins de 3 000 exemplaires par semaine. Y CYMRO appartient aujourd'hui au grand groupe Tindale, une société anglaise qui possède des stations de radio locales et de nombreux hebdomadaires, dont un certain nombre d'hebdomadaires de langue anglaise paraissant au Pays de Galles. Y CYMRO est aujourd'hui réalisé par deux journalistes seulement et a ausi une équipe de deux personnes chargée de la publicité, un maquettiste et un personne chargée de la promotion. Il dépend largement pour son contenu rédactionnel de chroniqueurs extérieurs et son contenu informatif a nettement baissé au cours des dernières années.

Publication de style magazine, GOLWG est publié par une société indépendante dénommée Golwyg Cyf (SARL Golwg). Il emploie six journalistes et neuf autres personnes pour la publicité, la mise en pages, la promotion et l'administration. Il bénéficie d'une aide annuelle de 75 000 livres (environ 108 000 euros) du Conseil du livre gallois tandis que Y CYMRO reçoit 19 000 livres (environ 28 500 euros) de cet organisme.

Mais il y a des signes encourageants.En 2004, une enquête a montré qu'il y avait au Pays de Galles 80 000 foyers dans lesquels une personne au moins parlait gallois et serait intéressée par la lecture d'un journal quotidien en langue galloise.

La couverture de l'actualité au Pays de Galles n'est pas bonne présentement. 85% des journaux du matin achetés au Pays de Galles sont publiés à Londres et ils ne consacrent pratiquement aucune place aux nouvelles et aux grands sujets concernant le Pays de Galles.

Si je peux évoquer ma propre expérience, je constate que, quand je couvrais l'Eisteddfod national pour Y CYMRO dans les années 1960, tous les quotidiens londoniens y étaient représentés. Dans les années 1990 quand j'ai à nouveau assisté à l'Eisteddfod en qualité de journaliste, il n'y avait plus un seul quotidien londonien représenté.

La chute en qualité et en quantité est évidente pour la presse quotidienne basée au Pays de Galles. Le WESTERN MAIL et le DAILY POST, appartenant tous deux maintenant au groupe Trinity Mirror, basé à Londres, ont connu un sérieux recul sur le marché, en même temps qu'ils mettaient de plus en plus l'accent sur les faits divers, sur les stars du monde de la musique pop, de la télévision, du cinéma et d'autres formes de loisirs. Ils méconnaissent presque totalement le vrai journalisme.

Les ventes de ces deux quotidiens ont dégringolé de 40 % depuis 1997. Les ventes du WESTERN MAIL sont passées de 64 602 exemplaires en 1995 à 55 273 en 2000 et 42 981 en 2005, une chute de 33,5 % en dix ans. Y BYD entrera en concurrence avec ces deux journaux et je sens qu'il y a aujourd'hui le profond désir d'un journal gallois de bonne qualité, qu'il soit en anglais ou en gallois. Il y a vraiment un créneau sur le marché.

Cette tendance à la baisse se retrouve aussi dans la couverture de l'actualité par la BBC Pays de Galles et par le service de la BBC Pays de Galles qui alimente la chaîne de télévision galloise S4C (c'est une tendance qui touche d'autres aspects des services de télévision dans l'ensemble de la Grande-Bretagne et à S4C). Comme Aled Price me l'a confié : "Une situation dans laquelle toutes les nouvelles nationales du Pays de Galles proviennent de deux fournisseurs - Trinity Mirror et la BBC - ne peut pas être une situation particulièrement saine".

Des études laissent penser que le chiffre de ventes nécessaires à l'équilibre économique d'Y BYD durant les premières années - 5 000 exemplaires la première année, 10 000 pour la quatrième année - n'est pas un objectif hors de portée. De fait, si une personne sur trois parmi celles qui ont exprimé leur intérêt pour un abonnement au journal, en souscrivait effectivement un, les ventes seraient immédiatement de 15 000 exemplaires. Certes, il n'y a eu jusqu'ici que 800 personnes à souscrire un abonnement, mais cela peut se comprendre dans la mesure où aucune date n'a encore été donnée pour le début de la parution.

Dans le cadre de la Charte européenne pour les langues régionales et de moindre diffusion, le gouvernement britannique a des responsabilités envers la langue galloise. En 2004, le Comité du Conseil de l'Europe qui est chargé de veiller à l'application de la Charte a souligné l'insuffisance de la presse d'information écrite au Pays de Galles. De fait, la communauté de langue galloise est un des groupes linguistiques ou ethniques les plus importants d'Europe qui ne possède pas de journal quotidien imprimé dans sa langue.

En Europe, beaucoup de groupes linguistiques bien plus petits que la communauté de langue galloise sont capables de soutenir un journal quotidien. Tony Bianchi affirme dans son rapport que des journaux quotidiens en langues de moindre diffusion dans des pays comparables au Pays de Galles au plan démographique, parviennent à des ventes tout à fait respectables. Il remarque que, jusque dans les années 1970, il n'y avait qu'une petite minorité des locuteurs de basque en Euskadi capables de lire la langue et pourtant aujourd'hui ils sont environ 22 000 à acheter Berrià tous les jours.

Ce qui est particulièrement intéressant dans le cas de Berrià, c'est le nombre très important de personnes qui se sont engagées financièrement dans l'aventure. Il n'y a pas de précédent d'une telle ampleur au Pays de Galles !

Là Nua en Irlande a été créé en 1984 et a d'abord été un hebdomadaire avant de devenir un journal quotidien en 2003. Il est réalisé à Belfast et vendu dans le Nord de l'Irlande comme dans la République. En 2007, il a reçu une aide de 400 000 livres de Foras na Gaeilge, organisme transfrontalier issu de l'accord de paix anglo-irlandais. Pour Y BYD, c'est un précédent important : La Nuà est le premier journal des îles Britanniques à recevoir une aide publique.

Le soutien des pouvoirs publics sera nécessaire pour assurer la survie d'Y BYD. En effet, Bojan Brezigar, président du Bureau européen des langues de moindre diffusion, a déclaré en 2004 que sur les 40 journaux quotidiens publiés dans des langues minoritaires en Europe, moins de cinq pourraient survivre sans un soutien financier.

Il y a quelques signes favorables, mais nous naviguons dans des eaux inexplorées. Y BYDD prévoit de s'adjoindre une équipe de 29 salariés, dont 16 journalistes. Il sera aussi difficile probablement de trouver 16 journalistes ayant les compétences nécessaires pour travailler en gallois.

GOLWG aussi bien qu'Y CYMRO reconnaissent avoir des difficultés à recruter du personnel qualifié. L'éditeur d'Y BYDD vient de la BBC radio et télévision et son adjoint a dirigé un journal mensuel gratuit pour un conseil d'arrondissement à Londres. Aucun des deux n'a l'expérience d'un journal quotidien imprimé en gallois. Ils pourraient bien se révéler excellents dans leur nouveau rôle, mais on peut tout de même se poser des questions sur le niveau des 14 autres journalistes qu'il va falloir embaucher.

Un des aspects intéressants de la situation galloise est que nous sommes passés de la presse hebdomadaire à la radio et ensuite à la télévision en gallois. Parmi les langues de moindre diffusion, il me semble que le gallois, bénéficie d'une offre réellement importante de programmes de radio et de télévision. Nous avons en revanche longtemps laissé de côté l'idée d'un quotidien de langue galloise. À une époque où les ventes de journaux diminuent dans toute la Grande-Bretagne, serons-nous capables de faire vivre un quotidien en gallois ?

Et si nous parvenons à en créer un, sera-t-il réalisé finalement par la société créée par Ned Thomas ? Maintenant que l'on sait qu'il y aura de l'argent public disponible, Y CYMRO a laissé entendre, dans son édition en date du 18 janvier 2008, qu'il pourrait y avoir d'autres sociétés attendant de savoir combien d'argent serrait disponible et attendant la déclaration que fera Rhodri Glyn Thomas... Ce serait une honte si certains groupes de presse extérieurs au Pays de Galles venaient se proposer pour créer un journal en gallois.

En 2000, la BBC Cymru (le service en langue galloise de la BBC) a lancé ce qu'elle a appelé le premier quotidien de langue galloise, BBC CYMRU'T BYD, un site internet donnant des nouvelles et des articles divers en gallois. Ses informations proviennent du service des nouvelles de la BBC Radio Cymru et il présente aussi des articles divers, tels que des recensions de livres et des articles sur l'étranger qui ne proviennent pas de matière diffusée à la radio. Le contenu de ses informations galloises passe pour être très populaire.

La BBC affirme que 48 000 personnes individuelles ont été sur son site en novembre 2007; 43% des utilisateurs avaient entre 15 et 34 ans; 80% de tous les utilisateurs avaient moins de 45 ans et 24% vivaient en dehors du Pays de Galles. GOLWG a également le projet de créer un site internet similaire en langue galloise. Y BYD promet aussi d'alimenter un site internet dont le contenu de nouvelles sera plus riche que celui de BBC CYMRU'R BYD.

Il y a aussi beaucoup d'énergie déployée dans le phénomène des papurau bro, les journaux, généralement mensuels, publiés par la communauté de langue galloise au niveau des "pays" et produits par des équipes d'auteurs, de vendeurs et de démarcheurs en publicité tous bénévoles. On peut se demander si cette énergie pourra être mise au service des besoins d'Y BYD. Il existe actuellement 70 de ces journaux et ils vendent environ 60 000 exmplaires chaque mois. Quoi qu'il arrive, l'avenir risque d'être fort intéressant, quoiqu'incertain.

Gwyn Griffiths

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Gwyn Griffiths est correspondant ABP pour le Pays de Galles. Délégué gallois du "Comité international de sauvegarde de la langue bretonne", il est aussi ancien journaliste de BBC Cymru, collaborateur de plusieurs journaux et magazines gallois, dont Cambria, auteur de nombreux livres en gallois et en anglais sur la Bretagne. Il est grand connaisseur et ami de la Bretagne où il est déjà venu une quarantaine de fois. Il est co-éditeur (au sens anglo-saxon) avec Jacqueline Gibson, du livre "The Turn of the Ermine. An Anthology of Breton Literature". (London, Francis Boutle Publishers, 506 p., 2006).
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