Il existe encore des communes en Armorique qui ne se laissent pas réduire à une passivité silencieuse. L'îlot de liberté que doit être le village communal est cependant bien fragile quand un préfet, père fouettard, brandit la menace à défaut d'utiliser sa chicotte comme au bon vieux temps colonial.
En juin dernier, le conseil municipal de Chevaigné a pris la décision de ne pas désigner ses cinq grands électeurs pour les élections sénatoriales du 21 septembre prochain. Les élus de Chevaigné ont motivé leur vote en considérant qu'en ces temps de crise, les sénateurs sont inutiles, trop bien payés et qu'ils bénéficient de privilèges en marge du droit commun.
Irrité, le préfet, plus à l'aise dans l'exercice de la contrainte que dans la lutte contre les délocalisations, brandit l'article L2122-16 du Code général des collectivités territoriales : Le maire et les adjoints, après avoir été entendus ou invités à fournir des explications écrites sur les faits qui leur sont reprochés, peuvent être suspendus par arrêté ministériel motivé pour une durée qui n'excède pas un mois. Ils ne peuvent être révoqués que par décret motivé pris en Conseil des ministres.
Le maire verrait son mandat suspendu parce qu'il manifeste une résistance civique à une parodie de démocratie.
La motion municipale a formulé le souhait de l'organisation d'un référendum visant à supprimer le Sénat.
Le bicamérisme est un attribut du fédéralisme dans lequel la seconde chambre représente les unités fédérées (États aux États-Unis, Canton-États en Suisse, Länder en Allemagne).
Dans un État unitaire et centraliste, une seconde chambre est inutile et, en aucun cas, elle ne pourrait prétendre avoir vocation à représenter les territoires. Ce n'est pas tant le territoire qui demande à être représenté que la population qui l'habite, avec ses particularités et ses intérêts propres. Cette chambre ne représenterait qu'un espace vide, un espace aseptisé comme ceux qu'affectionne la Datar.
Quand cette population est privée de pouvoirs normatifs, elle est réduite à une inexistence juridique.
Avoir une chambre haute qui représente les régions signifie que ces régions bénéficient d'un pouvoir normatif souverain précisément défendu auprès de l'instance fédérale par cette assemblée.
De facto, l'existence d'une telle chambre entraîne la fin des préfets.
La démocratie n'a jamais été de déposer le pouvoir dans les mains de fonctionnaires ou de gouvernants auto-proclamés (officines multiples qu'on retrouve étrangement au niveau régional).
Elle appartient au peuple et à ses élus directs quand le besoin d'en choisir se fait sentir.
Quand la démocratie va mal, le seul remède efficace est toujours plus de démocratie.
Le 6 septembre 2008
J-Y Quiger
Président du Mouvement Fédéraliste de Bretagne