Le fils de Youenn Drezen, Yves le Drezen, âgé de 84 ans, est venu ce vendredi 13 février à Quimper pour défendre son père, l'écrivain en langue bretonne Youenn Drezen (1899-1972). En effet, la rue Youenn Drezen de Pont-L'abbé, où est né l'écrivain breton a récemment été débaptisée par décision du maire.
ABP a filmé ce témoignage, car en-lui même il constitue un document historique ; mais il présente aussi le point de vue d'une personne décédée qui ne peut plus se défendre sinon via ses descendants.
Yves le Drezen a affirmé avec force que son père n'était pas anti-sémite. D'ailleurs, comme rappelé par Bernez Rouz, président du Conseil culturel de Bretagne et ancien journaliste, il n'y a aucune trace d'anti-sémitisme dans l'oeuvre littéraire de Youenn Drezen.
Moi je l'ai connu mon père, je suis né en 1936, c'est-à-dire que j'ai 84 ans. J'ai bien connu Youenn Drezen, on a vécu ensemble. Je n'ai jamais vu un homme raciste, anti-sémite, pro-allemand... rien du tout__Yves Le Drezen
Il est important de comprendre que pendant la guerre, les liens d'amitié entre militants nationalistes ont souvent prévalu sur les choix politiques, voire idéologiques. Ce fut le cas aussi d'un autre journaliste devenu plus tard le rédacteur en chef du Canard Enchaîné et auteur d'un livre clé sur la Bretagne : Morvan Lebesque. Avoir été ami avec Roparz Hémon et avoir écrit des articles dans Gwalarn, Arvor ou l'Heure Bretonne, dans lesquels, oui, le mot 'juif' a été écrit plusieurs fois dans ses chroniques politiques, ne fait pas forcément de vous un collabo ou pire un dénonciateur de résistants, comme l'a malencontreusement affirmé le maire de Pont-L'Abbé, Stéphane Le Doaré et avant lui l’ignoble Françoise Morvan.
Youenn Drezen n'a jamais dénoncé les frères résistants Pierre et Jean-Marie Dupouy. Son fils a amené une lettre de Dupouy père, adressée à Youenn Drezen, datée de 1947, qui prouve tout le contraire. Yves Le Drezen a présenté le livre qui fait autorité sur cette période Le Finistère dans la guerre 1939-1945 de Georges Michel Thomas et Alain Le Grand. Page 304; ll est indiqué que les frères Dupouy sont arrêtés par Joseph Le Ruyet, de la Milice Perrot, agent de la Gestapo. L'historien Kristian Hamon a aussi indiqué clairement que c’était Ruyet, fusillé à la libération, qui avait dénoncé, fait arrêter, puis torturé lui-même, les deux résistants morts en déportation. Voir le blog https://kristianhamon.blogspot.com/ de Kristian Hamon dans sa chronique du 14 février 2020. Pour mémoire, les frères Dupouy, héros de la résistance, étaient membres du réseau Turma-Vengeance, l'un des plus importants mouvements de résistance en France, très bien implanté en Bretagne.
Le 6 janvier dernier, j'ai écrit à M. Stéphane Le Doaré, Maire de Pont-l'Abbé, lequel n'a toujours pas eu la courtoisie de me répondre, pour lui demander des précisions à propos de ses déclarations sur Youenn Drezen, présenté comme un délateur. Accusations d'autant plus graves que des personnes mal informées ne manqueront pas de faire un lien avec l'arrestation, suivie d'une déportation, des deux fils d'Auguste Dupouy, dont la rue jouxte celle de Drezen, qui n'a rien à voir avec ces dénonciations.__Kristian Hamon
Drezen a été interné trois mois à la Libération, comme d'ailleurs tous les lecteurs de la revue Breizh Atao dont la police avait saisi le fichier des abonnés, donc tous les noms, et toutes les adresses de militants bretons ou de simples sympathisants à la cause bretonne. Rien n’a été retenu contre lui, comme pour beaucoup d'autres d'ailleurs, abusivement internés près de Rennes dans un camp. Il n'y a pas eu de procès. Pour le protéger de l’épuration sommaire pour certains ou pour le punir pour d'autres ou pour l'écarter encore pour d'autres, il a eu une interdiction provisoire de résider dans les 4 départements bretons de la région administrative car entre le 24 octobre 1945 et le 24 mars 1946 le gouvernement provisoire avait repris les régions administratives de Vichy ( voir notre article ). Il s’est donc installé à Nantes et a ensuite repris ses activités de journaliste à Lorient quelque années plus tard.
En aura-t-on jamais fini avec ces vieilles histoires ?