L’interdiction faite à Bretagne Réunie de défiler avec sa banderole au FIL est tout sauf anodine. Elle éclaire les temps actuels où l’on demande à la Bretagne de rentrer dans le rang pour se réduire à l’état de « région » mièvre, dénuée d’altérité.

Une exclusion qui interroge

L’interdiction faite à Bretagne Réunie de défiler avec sa banderole au FIL est tout sauf anodine. Elle éclaire les temps actuels où l’on demande à la Bretagne de rentrer dans le rang pour se réduire à l’état de « région » mièvre, dénuée d’altérité.

Du souffle des sonneurs à la gestion administrative du tourisme de masse

Le FIL fut créé par des sonneurs qui avaient une haute idée de la Bretagne, de sa culture et du combat persistant pour la sauvegarder. Ses dirigeants actuels, pilotés par un ancien sous-préfet, n’y voient qu’une activité intéressante pour la retraite, gratifiante pour l’ego et favorable à l’économie touristique.

Dit autrement, l’esprit n’est plus le même. Ce que l’on a perdu ? La conscience de nous-mêmes, de notre altérité bretonne et du combat que nous devons mener pour la voir reconnue, considérée, sauvegardée. La « régionalisation », c’est la fin de notre altérité bretonne. Il faut la contester sans relâche.

La langue bretonne n’est pas une « langue régionale »

On nous bassine avec ces « langues régionales » qu’il faut sauvegarder au nom de la diversité. Parlez de « langue régionale » ? Mais vous l’avez déjà déconsidérée aux yeux de tous et vous l’avez déjà tuée. Parlez de défendre les « langues régionales » ? Vous donnez déjà raison à votre contradicteur. Il n’y a plus rien à dire. La langue bretonne est la langue de notre peuple, l’une des plus anciennes d’Europe et l’expression de notre humanité, de notre regard singulier sur le monde.

Une région sans vision

Loïg Chesnais-Girard défend sa « région » comme il le ferait dans le Limousin ou ailleurs. Il n’a jamais eu le sens et l’idée du peuple breton. Les 70 pages du rapport qu’il a transmis à l’État sur l’autonomie ne sont qu’un document sans ossature et contradictoire. Pas une seule fois, il n’évoque « le peuple breton », la seule véritable justification à l’autonomie. Mais nous l’avons élu, comme le CA du FIL a élu un ancien sous-préfet en qualité de président ! C’est dans nos têtes que nous glissons, peu à peu.

La mécanique du découragement

On se plaint de la perte de l’esprit militant. Les bénévoles ne sont plus là. Mais pourquoi ? La « région » a pris le contrôle de tout et désamorce notre altérité. Le besoin de subventions crée le clientélisme. Comment un peuple de clients ou de fonctionnaires peut-il songer à s’émanciper ? Le clientélisme donne à la « région Bretagne » le sentiment de contrôler la dynamique bretonne. Dans ces conditions, pourquoi chercherait-elle à faire bouger les choses ? Pourquoi mettre la pression sur le recteur pour obtenir quelques avancées linguistiques ? M. Chesnais-Girard contrôle un mouvement breton qui ne bouge plus trop. Il fait copain-copain avec M. le recteur et la langue bretonne se meurt.

Une politique linguistique en échec

Les chiffres parlent. Lorsque le taux de progression du nombre d’élèves en classe bilingue ne dépasse pas 1 %, que le nombre d’élèves et de bacheliers reste dérisoire, c’est que la dynamique n’existe plus. La politique linguistique est en échec. Et qui ose le dire aujourd’hui ? Il ne faut pas désespérer Billancourt.

Une culture en souffrance, un débat absent

La culture bretonne est en crise. Beaucoup de structures disparaissent ou sont en souffrance. Le mouvement culturel breton a-t-il seulement songé à en débattre publiquement, ne serait-ce que durant une seule journée, pour esquisser des initiatives collectives ? Aucunement. Y a-t-il encore un pilote dans l’avion ? Une conscience unitaire ?

Repenser un mouvement libre et ambitieux

Je rêve d’un mouvement breton suffisamment fort et autonome pour faire pression sur le politique, au lieu de dire amen à tout ce qui vient de la « région ». Le démantèlement des instances de la charte culturelle fut une erreur historique et témoignait déjà d’une perte de l’esprit d’indépendance au profit du PS. Chacun se recentre sur son asso et fait comme il peut. L’esprit est à la résignation et à l’intérêt particulier.

Où sont les jeunes ?

On se plaint du faible attrait de la jeunesse pour la cause bretonne ? Mais vous avez envie de rejoindre une « région » mièvre, vous ? De défendre une langue et une culture déconsidérées, et donc « inférieures » ? Il faut faire rêver les jeunes, leur donner conscience d’une épopée, nourrir leur imaginaire. C’est dans le mouvement, dans la fierté retrouvée, dans la libération de notre imaginaire et de nos forces d’émancipation que nous gagnerons la partie.

Une exclusion symbolique inacceptable

C’est pourquoi la décision d’exclure « Bretagne Réunie », association méritante et symboliquement indépassable, ne peut être tolérée. M. le sous-préfet à la tête du FIL ne fera jamais rêver personne avec son festival en l’honneur de la culture à vocation touristique d’une Bretagne croupion. Il faut lui rappeler que « la région Bretagne » ne nous intéresse pas, car nous sommes un peuple, rien que cela.

Pour ma part, je ne mettrai plus les pieds au FIL.