Scrutant la météo avec attention depuis plusieurs jours, Loïck Peyron et ses hommes ont donc choisi de tirer parti du front qui s'étale actuellement entre l'Irlande et le Portugal, saisissant ainsi une fenêtre attendue depuis un mois. En coupant la ligne de départ virtuelle entre Ouessant et le Cap Lizard, à 9 h 31’ 42”, le Maxi Banque Populaire V vient de s'élancer sur le Trophée Jules Verne, pour la deuxième tentative de son histoire. “Légères” pour la mise en jambes, les conditions météo devraient gagner rapidement en intensité dans le Golfe de Gascogne, plongeant ainsi les quatorze marins dans le vif de leur sujet océanique.
C'est à 17 h 03, hier lundi, que Loïck Peyron et ses hommes ont enfin pu céder à l'envie irrépressible de prendre le large, trois semaines après leur arrivée au sein du port du Château à Brest. Dans une ambiance sereine, illuminée par les sourires francs des quatorze hommes du bord, le Maxi Banque Populaire V a donc largué les amarres avec toutes les précautions d'usage afin de mettre le cap sur Ouessant et quelques heures d'attente avant de déclencher le fameux chronomètre de ce Trophée Jules Verne. Directeur du Team Banque Populaire et navigant, Ronan Lucas résumait la satisfaction de voir le grand moment venu :
" Ça fait longtemps qu'on attend ça. On avait envie que ça arrive tôt cette année. On a hâte d'être dans l'action plutôt que derrière les ordinateurs en train de regarder si ça passe ou pas ! C'est un véritable soulagement ".
A 9 h 31’ 42” ce mardi, estimant la configuration optimale sur l'Atlantique, en concertation avec la cellule stratégique composée de Juan Vila et Ronan Lucas à bord, et Marcel van Triest à terre, Loïck Peyron coupait la ligne fictive établie entre le phare de Créac'h à la pointe nord-ouest de l'île finistérienne et le cap Lizard, au sud-ouest de la Grande Bretagne. Après des conditions très maniables au petit jour, le menu devrait sévèrement se corser pour les marins. Interrogé avant le départ, le navigateur espagnol du Team Banque Populaire, détaillait ainsi la situation annoncée sur l'Atlantique dans les prochaines heures :
" On a beaucoup fait tourner les fichiers ces derniers jours et tout semble bien s'aligner pour l'instant pour nous avec de bons temps à l'Équateur et à Bonne Espérance. On va avoir des conditions classiques à Ouessant, avec une vingtaine de nœuds, mais derrière ça va monter assez vite. En quatre/cinq heures, on sera dans les trente nœuds. Si les fichiers météo sont bons, on devrait avoir une quarantaine de nœuds au Cap Finisterre. C'est comme tous les départs, on cherche du vent et forcément il y aura de la vague. Ça va remuer. Pour le plus long terme, on regarde le temps à l'Équateur. Pour le moment ça nous fait un chrono de cinq jours et demi, espérons que ça reste comme ça, que les fichiers se confirment dans les jours qui viennent. Derrière on regarde une tendance qui pourrait nous mener dans les treize jours au cap de Bonne Espérance ".
Musclée et humide, cette entame devrait donc permettre à Loïck Peyron et ses équipiers d'aborder la descente de l'Atlantique vers l'Équateur dans un premier temps, puis vers l'Afrique du Sud dans un second, dans des conditions plus qu'acceptables. Pour son tout premier rendez-vous avec le Trophée Jules Verne, le skipper baulois considérait le scénario et ses écueils :
" Les conditions météo sont favorables pour l'instant. La difficulté va être vraiment de se faufiler proprement entre l'anticyclone des Açores et le Portugal et le Maroc, pour aller le plus dans l'Ouest possible afin d'avoir un angle favorable avec ces alizés qui ne sont pas forcément très forts. La première difficulté c'est donc la gestion du vent un peu fort d'entrée de jeu et la deuxième c'est du vent un peu trop faible au bout du troisième jour. Après c'est l'inconnu et tant mieux ! C'est une belle fenêtre, mais ce n'est jamais optimum, il faut toujours faire des compromis. Ce qui est intéressant, c'est que le temps établi par Franck Cammas et sa bande ne détient pas les meilleurs partiels. On peut toujours tenter de les améliorer tous les uns après les autres, ce qui serait bon signe, mais on peut aussi être en retard à un moment et le rattraper par la suite. Le potentiel de Banque Populaire V est supérieur à tout autre navire qui a jamais tenté le Trophée Jules Verne. Il a été conçu pour ça. Il est déjà détenteur de presque tous les autres records de la planète, au large. Il ne lui manque que celui là ! "
Au portant, poussé par un flux de nord-ouest, le Maxi Banque Populaire V va donc entamer son périple autour du monde. Devant ses étraves, se dresse désormais un défi de 21.760 milles et une boucle par les trois caps - Bonne Espérance, Horn et Lizard. Pour inscrire leur nom au prestigieux palmarès du Trophée Jules Verne et entrer dans l'histoire de la course au large, il faudra à Loïck Peyron et ses hommes stopper le chronomètre du WSSRC (1) avant le 9 janvier à 17 h 15 mn 34 s. D'ici là, place au sport, à l'aventure humaine et à la performance.
(1) WSSRC : World Sailing Speed Record Council. Organisme international qui gère les records à la voile.
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