Extrait audio

War hent fest a gren (Marche) — AMPOUAILH (Lang(u)ages)

5ème disque, 4ème enregistré en studio... AMPOUAILH propose Lang(u)ages...

Evoluant fidèlement, depuis 2004, dans la même lignée, vecteur de son essentielle conviction transitant, ainsi, depuis plus de 20 ans, par la danse, la mélodie, la multi-instrumentation, l'échange et la transmission, mais, et ce n’est pas un complaisant verbiage rédactionnel, lors de chaque parution discographique, s’exprimant avec une texture musicale toujours plus riche, plus travaillée, plus partagée, voici un groupe breton de musique à danser que vous connaissez et que vous allez, plus que jamais, écouter et réécouter…

Jaquette du CD  Lang(u)agesJaquette du CD Lang(u)ages © photographe

Il s’agit, pour cette remarquable et remarquée formation du Centre Bretagne, d’un 5ème disque, précisément le 4ème enregistré en studio.

Si l’on évoque « Fest-noz ar Gêr wenn » - 2009, « Keit ha ma pado » - 2012 (Voir Album à retenir), « Dasson » - 2022 (Voir notre chronique), que l’on ajoute à cette énumération un opus enregistré en public lors d’un fest-noz de décembre 2016 à Saint-Mayeux, dans le Kreiz Breizh, vous ne pouvez qu’immédiatement, clamer avec enthousiasme et avidité d’écoute… AMPOUAILH !

Voici ainsi, paru chez ARFOLK, à destination des pas les plus exigeants et des oreilles les plus averties et les plus mélodiquement sensibles, « Lang(u)ages », griffé des 5 « chenapans », qualificatif émanant du breton… AMPOUAILH !

« Lang(u)ages »… Insufflant graphiquement une certaine dimension universelle, la notation particulière du titre attribué à cette nouvelle édition musicale induit, de facto, les deux acceptions anglo saxonne et française, voire, sous-jacente, une idée de pérennité du langage dansant, musical, parlé, culturel, au travers du temps… des âges qui, grâce à une respectueuse actualisation maîtrisée et retravaillée, parfois partiellement affranchie de certains carcans traditionnels, semble corriger quelques bévues expérimentées dans le passé.Dans le livret qui accompagne le Compact-Disc, AMPOUAILH ne précise-t-il pas ?« Au cœur de « lang(u)ages » réside une profonde réflexion : Pourquoi l’humain répète-t-il ses erreurs, prisonnier d’un cycle ancestral ? Si l'’être humain est en puissance un être en toute liberté, peut-il nier l’expérience du passé ? ».

Si une telle intention artistique et philosophique est toujours difficile à appréhender au travers d’un programme exclusivement composé d’instrumentaux, il est, en dehors de tout texte chanté, bien plus aisé de saisir les propos, également notifiés par la formation, sur la brochure accompagnatrice, et qui réside « en ces mots :« Nous vous proposons donc d’aller dans ces fêtes de nuit bretonnes, où les danseurs créent des rondes sans début ni fin, sans leader ni suiveur, la danse entrant en puissance.Cette énergie collective est au service du plaisir.Les individualités sont abandonnées.

Pour cette nouvelle page musicale, « Lang(u)ages », de la même façon qu’il avait accueilli en 2021 et au violon, Yuna LEON, « remplaçante » de l’accordéoniste diatonique et co-fondateur du groupe, Thibault LOTOUT, AMPOUAILH a fait appel au flûtiste Rémy BOURGUENNEC qui se substitue, depuis 2023, au saxophoniste Mickaël DERRIEN, présent, depuis la création du combo, en janvier 2004 et sur les trois premiers albums, « Fest-noz ar Gêr wenn », « Keit ha ma pado » et « Dasson ».

Après avoir terminé sa licence de musique à Cork et abordé le jeu de la flûte irlandaise avec de grands artistes comme Aoife GRANVILLE et Harry BRADLEY, Rémy BOURGUENNEC revient à Rennes et place ce style musical au centre de son attention.Aux flûtes, dans « Lang(u)ages », ce spécialiste de la flûte traversière en bois, joue, également, dans DALLOT / BOUGUENNEC, TAELA, TAOUK Trio et le NÂTAH BIG BAND qui réunit 17 musiciens issus de la bouillonnante scène rennaise.

Si, trop sommairement, certes, nous vous présentons, ici, ce « dernier arrivé », nous vous laissons le soin de vous reporter à notre chronique édifiée sur l’album « Dasson », pour vous remémorer les cheminements artistiques des autres membres.

In fine, pour ce présent opus « Lang(u)ages », dans l’ordre de présentation du triptyque photographique interne de la jaquette, signé de Yannick DERENNES (Voir site) :- Rémi BOUGUENNEC est aux flûtes (présent au sein d’AMPOUAILH depuis 2023),- Heikki BOURGAULT est à la guitare acoustique (présent depuis 2011),- Yuna LEON est au violon (présente depuis 2021),- Gwylan MENEGHIN est aux guitares basses (présent depuis 2015),- Simon LOTOUT, est aux bombardes et basson (co créateur du groupe depuis 2004).

A ce brillant quintet d’instrumentistes chevronnés, AMPOUAILH a pour principe, et il a bien raison, d’y étroitement associer Vincent LE MEUR qui, présent en tant que technicien son live, depuis 2006, assure, ici, avec Heikki BOURGAULT une prise de son et un mixage d’excellente facture, tant en ce qui concerne la mise en espace que pour la stratification des pupitres.Il nous semble toujours important de citer et d’agglomérer les techniciens qui s’emploient à donner le meilleur d’eux-mêmes afin, au-delà de ne pas trahir, d’embellir l’expression musicale et sonore des intervenants.Dans ce même esprit, nous nous empressons de mentionner Raphaël JONIN qui signe le mastering, étape finale de la postproduction audio, dont le but est d'harmoniser l'ensemble des éléments sonores du mix stéréo et d'en optimiser la lecture sur tous les systèmes et supports.Et dans la circonstance, pour ces techniciens, ce n’est pas si facile, par exemple, de faire cohabiter, dans un rythme de danse effréné, une tonitruante bombarde avec de plus discrets accords de guitare acoustique !Eh bien, ces magiciens des consoles et du numérique sonore l’on fait et, grâce à leurs indéniables savoir-faire en signant, de ce fait, un « son AMPOUAILH ».La production finale de « Lang(u)ages » est, ainsi, aussi resplendissante que la couleur artistique du groupe.

Pour « Lang(u)ages », s’agissant d’un projet spécifique, avec, notamment, nous l’avons évoqué, plus haut, l’intégration de la flûte, AMPOUAILH s’est interrogé sur la façon d’aborder la nouvelle « teinte » de ce spectre musical, pour le groupe, jusque-là, sur disque, inédit.Unanimement, pour assurer la direction artisitique, les membres de la formation ont décidé de travailler avec compositrice arrangeuse, également pianiste pontivienne, Frédérique LORY (Voir page) qui, en faisant prendre au quintet le recul nécessaire, a, particulièrement, favorisé la répartition des rôles des instruments.Il faut dire que Frédérique LORY possède une compétence, une expérience et un cursus qui ne pouvaient qu’apporter au, toujours plus perfectionniste groupe qu’est AMPOUAILH, l’expressive harmonie sonore et musicale que vous allez, sans nul doute, très nettement, percevoir.

Jugez, plutôt :

Après sept premiers prix du Conservatoire de Rennes (piano, accompagnement, musique de chambre, percussion, écriture…), deux Diplômes d’État (piano, accompagnement) et une Licence de Musicologie, Frédérique LORY a toujours partagé son temps, de manière éclectique, entre l’enseignement (Conservatoire de Rennes, Université de Rennes 2, Pont Supérieur Bretagne Pays de la Loire, Conservatoire de Pontivy), la scène (Voc’Art Trio, Compagnie All’Opera, Quatuor Un Bruit Qui Court, Nolwenn Korbell, Chik Ha Tap…) et la composition (Opéras, Cantates, pièces symphoniques pour l’Orchestre National de Bretagne, arrangements pour de nombreux artistes bretons…). Elle est, aussi, la pianiste des spectacles d’Agnès BROSSET depuis plus de trente ans et fait partie du Conseil Artistique de l’Académie d’Art Vocal.Vous aviez rencontré son nom sur nos pages en ligne, puisque c’est cette artiste pluridisciplinaire qui, en collaboration avec Grégory DARGENT, signait les arrangements du fest-noz symphonique donné le samedi 19 novembre 2016, dans le cadre du Festival Yaouank, avec le Duo HAMON-MARTIN, Annie EBREL et, alors qu’il n’était pas encore National, l'Orchestre Symphonique de Bretagne, placé sous la direction d'Aurélien AZAN ZIELINSKI : (Voir notre chronique) .Ne serait-ce que par ce mémorable « point d’orgue » événementiel, dansant et, ô combien, mélodique, vous comprenez, aisément qu’AMPOUAILH a fait un excellent choix en terme de direction artistique !

Pour plus de 50 minutes de danse et, nous insistons, de concert, l’album de 10 titres s’ouvre sur une superbe et invitante suite composée de deux marches et d’un laridé-gavotte, intitulé « War hent Fest a gren ».Pétillante et puissante bombarde en tête, la première et lumineuse marche est une composition de Simon LOTOUT.La seconde tirée du répertoire du couple bombarde et biniou Yannig AUDRAN / Dominig MAHE,est jouée par AMPOUAILH, en hommage au talabarder et ancien penn soner de Kerlenn Pondi, par ailleurs, directeur d’école Diwan, disparu en 2021.Le laridé-gavotte est extrait du répertoire de KERBEDIG, formation de Centre Bretagne, associant un couple de sonneurs« biniou-bombarde » avec un trio « accordéon-clarinette-saxo », inspiré des jazz-band des bals d'après guerre.Les deux derniers thèmes, traditionnels, sont empruntés au répertoire LOTOUT / MAHE.Vous allez, comme nous, être d’entrée, séduits par cette déambulation qui vous conduit au fest-noz et vous remarquerez l’excellence de la mise en espace des différentes lignes instrumentales précédemment, évoquées.Superbe et convaincante introduction !

Pour ne point vous lasser, nous nous garderons bien d’évoquer tous les titres qui constituent le programme, qu’ils soient à danser ou strictement à écouter et si l’an dro, la mazurka, le kost ar c’hoat, la scottish, la gavotte des montagnes sont, bien naturellement, au centre de l’opus, AMPOUAILH va jusqu’à nous interpréter une superbe… berceuse, « Daou dadig ‘neus ma mabig », issue du répertoire de Yann Fañch KEMENER qui l’avait, notamment, interprétée sur un disque collectif, titré« Comptines et berceuses de Bretagne » , enregistrement paru en 2009.

Alors, bien évidemment, nous aurions forte envie de vous décrire chaque pièce, tellement, par leurs riches arrangements, leurs dialogues, leurs soli instrumentaux, elles présentent, au-delà de la « métronomie rythmique » requise pour l’orthodoxie de la pratique chorégraphique, des paysages sonores variés qui, sans nul doute inspirés par Frédérique LORY, flirtent, parfois même, avec certaines pièces classiques de la période baroque.

AMPOUAILH se montre, aussi, audacieux, lorsqu’il arrange en an dro… un thème danois !C’est d’ailleurs, quoi de plus normal en terme d’universalité, de passerelle culturelle, le titre éponyme et le plus étendu du programme, « Lang(u)age » qui reçoit cet habillage breton où la flûte de Rémi BOUGUENNEC serpente, presque sensuellement, sur les cordes d’Heikki BOURGAULT, compositeur de l’ouverture et de la fermeture de la danse avant que, conjointement ou en réponse avec le violon de Yuna LEON, la véloce bombarde Simon LOTOUT griffe d’un sceau d’hermines cette ronde.C’est dense, c’est « danse », c’est transe, ça cadence, mais Dieu que c’est mélodique !

Vous franchirez la mer d’Iroise avec la scottish « For B », où le premier thème est une composition de Yuna, suivi de deux autres, créés par Heiki.Comme le précise le commentaire figurant sur le livret, « Ce morceau illustre à merveille le croisement des différents langages qui représentent AMPOUAILH, aujourd’hui ».Maîtrisant à la perfection les musiques bretonnes et irlandaises, Yuna et son suave violon mène franchement la danse et, s'approchant à la périphérie d’un reel, les couleurs irlandaises sont évidentes, d’autant que Rémi y ajoute, imprégné, nous l’avons vu, de son parcours le menant jusqu’à sa licence de musique à Cork, son enchanteuse ligne de flûte sur laquelle semble gravé dans le bois, le représentatif et symbolique shamrock !

Presque sur grand écran, tant cette suite de danse, nommée « Laridenn » et dont les différents thèmes sont, en alternance, écrits par Heiki et Rémi, est cinématographique, vous apprécierez, non pas comme il est écrit sur la page du livret : cette « Petite excursion en pays vannetais », mais ce très ample panoramique qui embrasse le terroir des Vénètes.C’est aussi un instant, où nous saluerons le profond jeu de guitare basse de Gwylan MENEGHIN qui, par ailleurs, tout au long de l’album est déterminant, donnant, comme il se doit, rythme aux pas, mais aussi, si nous osons cette notation, « profondeur de champ sonore » à l’ensemble des dix fragments de la fresque musicale qu’est « Lang(u)ages.Nous avions, déjà, souligné l’importance de son jeu dans notre chronique consacrée à « Dasson ». Nous confirmons.

Plus apaisé, presque contemplatif, en spires celtiques, vous savourerez le bal de la « Gavotte des Montagnes ».Pour ce presque entracte rythmique, les instrumentistes rivalisent de souplesse et même la bombarde semble concéder, malgré son tempérament originel hautement et puissamment timbré, un modérato des plus respectueux pour le vent léger de la flûte.Les instruments conversent, s’associent, s’enlacent, dans une mise en espace stéréophonique de toute première facture. Quels beaux instants, également, de quasi-romantisme cordé !

Fruit de la confluence :- D’un fort solide cursus traditionnel, à chaque publication discographique, ravivé par un constant perfectionnisme émanant du sonneur co-fondateur du groupe,- Du plein épanouissement menant à la quintessence des talents des, depuis quelques années déjà, devenus « sociétaires » du quintet,- Des qualités reconnues de « fiddler » d’une excellente violoniste qui, par son arrivée, a considérablement apporté à la couleur du groupe,- De l’apport substantiel, évident et plus récent d’un flûtiste expérimenté et inspiré, qui conjugue, à merveille, le fraternel intercetisme musical et culturel, Irlande / Bretagne,- D’une postproduction technique soignée, peaufinée, ciselée,l’ensemble optimisé par une directrice artistique pluri-musicalement capée qui, avec une approche instrumentale différente, sait, ô combien, valoriser les individualités au service du collectif, AMPOUAILH nous livre avec « Lang(u)ages », un opus, particulièrement abouti.

En toute liberté et en indépendante exigence artistique, à 100%, produit par le groupe, au travers de sa structure « Tud Youank » sise dans les Côtes-d’Armor, à Saint-Nicolas-du-Pélem, qui, en étroite collaboration avec la municipalité, lui offre les meilleures conditions de création et répétitions, « Lang(u)ages » est indiscutablement un album qui va compter dans la discographie d’AMPOUAILH et, au-delà du cadre rigoureux du fest-noz, lors de concerts, dans l’expression musicale actuelle bretonne.

Alors, dansez, dansez, dansez encore, sur « Lang(u)ages » et entre deux séries de pas partagés, prenez, surtout, le temps d’écouter et d’apprécier à sa juste valeur le nouvel univers musical d’un AMPOUAILH, au meilleur de son art !

Gérard SIMON

llustration sonore de la page : AMPOUAILH "Lang(u)ages" - "War hent fest a gren (Marche)" - Extrait de 01:03.

Site Internet du groupe AMPOUAILH : www.ampouailh.com

D'autres extraits sonores sur Culture et celtie, l'e-MAGazine (Voir site)

Les titres du CD "Lang(u)ages" :

01. War hent fest a gren (Marches) - 06:40.

02. Lang(u)ages (An dro) - 06:55.

03. En aparte (Mazurka) - 04:20.

04. Denved guerveno (Kost ar c’hoat) - 04:00.

05. For B (Scottish) - 06:40.

06. Laridenn - 06:05.

07. Ton simpl gavotte des montagnes - 03:55.

08. Bal - 03:15.

09. Ton doubl gavotte des montagnes - 05:54.

10. Daou dadig ‘neus ma mabig (Berceuse) - 04:05.

Durée totale : 51:49.

CD "Lang(u)ages" - AMPOUAILH.

Parution : 5 septembre 2025.

Réf : AR1232.

Production : Tud Yaouank

Distribution : ARFOLK - www.arfolk.bzh

© Culture et Celtie