Quand on évoque l'histoire de France on dresse deux colonnes :
- la première traite de l'aspect "people" : les mariages et les divorces, les adultères, les alliances et les trahisons, les naissances légitimes et illégitimes, les simonies, les mercenariats, les crimes…
- la seconde décrit la lente mais très assurée construction d'une administration qui a survécu à toutes les dynasties, les révolutions et les catastrophes. Derrière le changement de façade des régimes ; du féodalisme à l'absolutisme, à la monarchie constitutionnelle, à l'empire et à la série des républiques, les grandes institutions et corporations de l'État - l'État réel - sont demeurées elles-mêmes.
Les grands corps d'État de la République et la noblesse de robe ou de charge sont de même esprit et de même nature.
La véritable histoire de France n'est donc pas autre chose que l'histoire d'une administration qui est parvenue à s'autonomiser grâce à des techniques d'auto-recrutement et des mesures d'irrévocabilité. Elle jouit d'une totale immunité et d'une absence de responsabilité. Conseil constitutionnel, Cour de Cassation, Conseil d'État, Cour des Comptes : aucune de ces institutions n'est issue du peuple, choisie ou élue par le peuple. Elles représentent l'appareil d'État d'une monarchie absolue.
On pourrait penser à un sursaut politique et à un coup de balai salutaire. Il n'en est rien. En France, le personnel politique est essentiellement issu de l'administration, une pratique prohibée dans les démocraties de l'OCDE.
Il est totalement inutile de préciser la « hauteur » d'un fonctionnaire : du plus petit au plus grand, ils concourent à la même domination et au contrôle de la société civile, à ses propres frais.
Cette violence de l'administration, symbolique et réelle, commence à l'école dès lors que les enseignants en sont les premiers auteurs et qu'ils concourent à la reproduction de ce système.
Comment pensez-vous convaincre des enfants que le travail peut être salutaire quand vous les confiez, dès le plus jeune âge, à des gens en vacances six mois de l'année, toujours fatigués bien que bénéficiant de la plus longue durée d'espérance de vie de toutes les catégories socioprofessionnelles ?
Comment ne pas comprendre ce désir anachronique d'une jeunesse qui se pense fonctionnaire, alors que, partout, dans les sociétés modernes, le fonctionnaire a disparu ou disparaît, pour être remplacé par un employé public de droit commun ?
Michelet disait que l'Allemagne est un peuple, le Royaume-Uni, un empire, et la France, une personne.
Et cette personne est employée d'une administration.
Elle sert d'étalon à toute comparaison. Ainsi on louangera le système de protection sociale français en oubliant qu'il y a des millions de personnes, sans mutuelle, qui ne se soignent plus. On oubliera que de plus en plus de gens vont faire les poubelles des grandes surfaces pour pouvoir manger.
L'étalon officiel reste l'employé public, totalement pris en charge.
On apprend que l'équipementier automobile allemand Bosch va fermer son usine de Beauvais. Pour éviter cette fermeture, les employés avaient proposé de revenir sur les 35 heures et acceptaient de ne plus avoir de RTT. La fermeture est annoncée au moment même où des employés publics manifestent pour un sempiternel toujours plus !
Quand le représentant du personnel de l'usine Bosch demande le soutien du député local, il ne se rend pas compte qu'il est une victime qui demande de l'aide à son propre bourreau.
Bosch se restructure pour améliorer sa compétitivité. Une grande part de l'absence de productivité de l'usine de Beauvais trouve son origine dans le poids des charges et des taxes qui servent à financer l'administration et le député…
Quand le même délégué du personnel se rend à la Préfecture, sait-il combien d'années de son travail sont régulièrement dépensées dans le maintien d'une structure coûteuse (immobilisations – rémunérations – frais de représentation) et archaïque, économiquement absurde qui n'est que le stupide héritage du centralisme français ?
Il l'ignore parce que le Prince fait en sorte que les citoyens pensent qu'ils dépendent de l'État. C'est ce que Machiavel démontre et que les théoriciens du Public Choice ont expliqué.
On oublie vite dans ce pays que l'État ou l'administration ne sont pas des entités réifiées, mais des instruments dans les mains de quelques-uns.
En 2002, quand Lionel Jospin est battu aux élections présidentielles, l'ouvrier de Bosch serait tenté de croire qu'il va aller pointer à l'ANPE ou créer son entreprise.
Il demande à être de nouveau diplomate. L'emploi à vie, ça ne vous dit rien ?
C'est aussi ce que fait un enseignant-député quand il est battu. Il réintègre l'éducation nationale qui n'attendait que lui. On comprend mieux pourquoi il n'aurait jamais voté une réforme de l'éducation nationale pendant son mandat.
Albert Memmi a bien démontré que les esclaves affranchis avaient tendance à reproduire les travers de leurs anciens maîtres.
Espérons qu'une Bretagne autonome ne tombe pas dans ce mimétisme.
Pour atteindre cet objectif d'une autonomie possible, les Bretons doivent forger un outil qui leur permette de gagner les élections régionales.
On ne fera la Bretagne qu'avec des représentants issus d'un mouvement breton consensuel.
L'opportunité à saisir :
Le véritable parti qui a émergé lors des dernières élections présidentielles et qui est fortement majoritaire, est celui du changement :
1) Beaucoup d'électeurs de S. Royal ont voté pour le changement : démocratie participative etc... ;
2) Une part non négligeable des électeurs de N. Sarkozy pensait rupture ;
3) Les électeurs de François Bayrou étaient tous en faveur d'un profond changement.
L'exécutif parisien s'agite comme un poulet auquel on vient de couper la tête et qui a ses derniers soubresauts.
Le prix du baril de pétrole augmente. Mon Dieu, qu'y puis-je ? Et puis il y a Bruxelles… Comment, Poutine va nous couper le gaz à la veille de Noël ? Bosch ferme son usine, que faire ? Je vire 2 millions de fonctionnaires pour faire baisser les charges des entreprises ?
L'État jacobin est démuni. Son omnipotence est défaillante.
Une Bretagne autonome serait en mesure de relever le défi énergétique en développant librement des filières alternatives, en réhabilitant ses villes par la construction d'éco-quartiers, en reconquérant des terres agricoles. Ce qui a été possible à Fribourg est possible à Rennes, sans la pression d'EDF et de Gaz de France.
C'est de liberté dont nous avons besoin.
Le développement local se réalise en harmonie avec le développement global, à la condition d'éliminer un certain nombre d'intermédiaires inutiles et coûteux.
Le Mouvement Fédéraliste de Bretagne pense qu'il est temps de fédérer des énergies sur un objectif commun : redonner la Bretagne aux Bretons en gagnant les élections régionales.
Un mouvement consensuel peut réaliser un score supérieur à celui qu'a obtenu François Bayrou.
Pour qu'il soit consensuel, il convient d'élaborer une plate-forme dont nous pensons que le dénominateur commun devrait être le fédéralisme.
Il peut ne rencontrer aucune hostilité des nationalistes les plus convaincus, car il apporte une autonomie réelle, ce que ne fait pas la dévolution qui n'est que le fruit d'une loi ordinaire. Il peut rencontrer les faveurs des régionalistes car le fédéralisme est aussi une recherche d'alliance.
Depuis 40 ans, les partis bretons inscrits dans le paysage politique ne sont parvenus à rien. On peut continuer encore pendant 50 ans à obtenir des 3 ou 4 % qui ne servent pas la Bretagne.
Pourquoi les régionales ?
Si la gouvernance de la Bretagne était assurée par des Bretons issus d'un mouvement breton (à l'instar de la Catalogne et du Pays Basque) il est évident que le contenu serait différent et que les ambitions ne seraient plus les mêmes.
Il ne s'agirait plus de mettre Paris à 3 minutes 30 secondes de Rennes, ce qui n'est qu'une forme d'allégeance par inclusion et non de désenclavement.
La Bretagne serait mise au cœur de l'Europe, par le centre de la France et Lyon, et face au monde par la mer comme elle l'était lors de sa prospérité.
Yves Joseph de Kerguelen de Trémarec ne se pensait pas plus enclavé que Jacques Cartier…
Il serait mis fin à la dictature du paradigme jacobin et les Bretons pourraient enfin se ressaisir d'une pensée propre à ce qu'ils sont.
En s'associant avec d'autres régions, La Bretagne pourrait lourdement peser pour exiger alors les réformes institutionnelles nécessaires.
Il est manifeste qu'elle a été absente lors de ce mini débat balladurien. Le droit à l'expérimentation ne peut concerner la seule langue bretonne, mais tout l'avenir de la Bretagne.
C'est trop demander aux vassaux des partis nationaux jacobins.
Il devient urgent que les bonnes volontés se rencontrent pour tenter de façonner cet instrument politique auquel chacun peut contribuer et à propos duquel nous n'avons pas d'arrière-pensées.
Nous ne demandons pas être rejoints. Nous proposons une union ponctuelle sur un objectif identifié.
Le 5 juin 2008
Jean-Yves QUIGUER, président du Mouvement Fédéraliste de Bretagne