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Peinture de Henri Georges Jacques Chartier (1859 - 1924) montrant la reprise du Fort de Douaumont par des troupes coloniales dont des Somaliens qui ne parlaient même pas Français et dont on en fit des héros malgré eux. Peinture visible au musée de l'armée.
Peinture de Henri Georges Jacques Chartier (1859 - 1924) montrant la reprise du Fort de Douaumont par des troupes coloniales dont des Somaliens qui ne parlaient même pas Français et dont on en fit des héros malgré eux. Peinture visible au musée de l'armée.
- Chronique -
La fabrique des héros
La France a plus que jamais besoin de héros, pour rêver et tenter de dépasser ses fractures. Mais les héros ne doivent pas nous faire oublier le sens des responsabilités.
Yvon Ollivier Par Yvon Ollivier le 12/06/19 7:10

Pour fabriquer du consentement, il ne tient qu’à fabriquer des héros. La recette est universelle. La France en use depuis si longtemps. La fabrique des héros ou des lieux de mémoire, contribue à l’unité sociale sur le registre du sentiment. Il fait bon se retrouver en de nobles et vertueuses figures de personnes mortes sur l’autel du devoir. On s’y retrouve avec plaisir mais cela ne fait pas disparaître pour autant les fractures.

Plus le pouvoir se sentira faible, et menacé, plus il jouera de cette corde. C’est sous la troisième république que la France inquiète joua le plus de cette fibre, avec la fabrique des lieux de mémoires et leur diffusion à l’école. Qu’importe les faits historiques, Jeanne d’arc, Vercingétorix et tant de hautes figures se retrouvent magnifiées, parfois même sanctifiées avec le secours de l’Eglise, ou prennent une dimension qu’ils n’ont jamais revêtue en leur temps

La fabrique des héros permet de jeter le voile sur la responsabilité historique de nos chers gouvernants comme celle du régime qu’ils servent. La figure du poilu de 14 est significative à cet égard. De la grande boucherie de la première guerre mondiale, que retient-on ? La responsabilité éminente des impérialismes français, allemand, britannique– et autres co-auteurs du grand massacre ? Non. On ne retient que le sacrifice de nos braves poilus, le sacrifice des premières victimes des impérialismes ! Quel remarquable retournement du sens de l’histoire ! Et leur sacrifice d’être instrumentalisé au service de ces mêmes impérialismes et entreprises colonisatrices. Il n’y a pas si longtemps, nos responsables politiques justifiaient la répression en Algérie par le sacrifice de ceux de Verdun. « On n’a pas fait Verdun pour en arriver là ! » s’exclamaient-ils la main sur le cœur.

L’impérialisme et son fils légitime -le jacobinisme- se nourrissent toujours de la chair de leurs victimes.

Aujourd’hui, nous luttons contre le terrorisme islamiste, avec raison. Des militaires tombent au champ d’honneur. Des gens courageux, dont la mémoire doit être saluée, honorée. Des ptits gars de chez nous, comme les morbihannais Beltrame, De Pierrepont. On en fait des héros. Mais faut-il pour autant oublier le sens des responsabilités historiques ? L’hydre islamiste prospère en Afrique comme ailleurs, sur un terreau de misère, d’anomie où les armes vendues par l’Occident s’écoulent mieux que l’eau. Mais qui a contribué à faire de l’Afrique ce qu’elle est aujourd’hui, si ce n’est les anciennes puissances colonisatrices dont la France ? Si les idées nihilistes de l’islamisme combattant se répandent, c’est que nombre de ces hommes ont perdu tout espoir.

Et si la fabrique des héros avait pour objet de nous faire perdre le sens des responsabilités historiques ? Ce que nous voilent les héros, c’est notre propre responsabilité. C’est un rapport à l’autre déficient, le souverainisme triomphant, l’exploitation d’autrui avec une colonisation qui n’a jamais vraiment cessé en Afrique au couvert de chefferies locales sous contrôle.

C’est aussi honorer la mémoire de ceux qui sont morts que d’affronter lucidement le sens des responsabilités. Ils ne sont pas morts pour que l’on se voile la face.

Yvon OLLIVIER

AUTEUR

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Yvon OLLIVIER est juriste, auteur de l'ouvrage "la désunion française essai sur l'altérité au sein de la République" ed l'harmattan 2012 et membre de la coordination des juristes de Bretagne blog associé desunion-francaise.over-blog.com
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Vos 2 commentaires :
Paul Chérel Le Dimanche 16 juin 2019 17:56
Chut ! Beaucoup de choses à ne pas dire ! et qu'apprendraient nos enfants si on ne leur racontait plus d'HISTOIRES ? Paul Chérel
(0) 

Jacques Le Mardi 18 juin 2019 17:10
La fabrique des héros n'est pas en soit un problème.
D'ailleurs, l'histoire des Bretons est riche en héros.... de la reine Boudica, le roi Arthur, à tous ces Bretons saints ou pas qui ont donné leur nom à nos villes et villages, en passant par Novenoe, Alain II, Jean IV, Jeanne dite la Flamme, Anne de Bretagne, Pontcallet, de la Rouerie, jusqu'à Cadoudal... la liste est particulièrement longue.
Le problème, c'est que NOS héros sont devenus interdits au profit de héros issus d'une histoire exogène...
Pire encore, les raisons et valeurs qui ont fait NOS héros est oublié au profit de raisons et de valeurs des héros imposés qui sont souvent instrumentées à une idéologie de la période sans tenir compte des valeurs et raisons historiques qui fit d'eux des héros...
D'ailleurs on le voit bien, la ''Vallée des Saints'' ne plait pas plus à l'église qu'à la République au titre qu'elle rappelle des valeurs et une histoire dont certains voudraient être oubliés des Bretons...
C'est à dire : Le christianisme celtique très imprégnée de l'ancienne religion et donc par conséquent en écart de valeurs avec le christianisme romain et issu d'un peuple qui n'a de ''français'' qu'un qualificatif imposé lequel à l'époque ne signifiait rien à personne en Europe tandis que le qualification de ''breton'' était compris de tous...
Mais là ou la ''fabrique des héros'' pose vraiment problème, c'est quand les héros légitimes d'un peuple sont nié et caché par ce même peuple... C'est ce que l'on constate aujourd'hui en Bretagne avec des écoles et des militants pour lesquels notre histoire et notre identité est perçu comme problématique par le message de ''diversité'' qu'ils véhicules face à la norme imposée.
Sur ce même exemple de la ''Vallée des Saints'', panthéon breton d'une grande partie de nos héros fondateurs, pose problème même au sein des militants bretons... aujourd'hui bien de nos militants bretons sont plus ouvert aux héros d'obédience religieuse/culturelle exogène qu'à leurs héros d'obédience religieuse/culturelle endogène... au titre qu'être soit-même quelque chose serait de fait une ''agressivité non acceptable'' envers ces autres ''non-nous'' qui seraient à l'inverse légitimes d'être quelque chose...
Le problème n'est donc pas le ''héro'', mais le fait que les valeurs liées à un peuple/nation qui en ont fait naître un ''héro'' soient occultés, niés, voir détournées...
Or, il est de ces héros bretons qui sont aujourd'hui plus connus hors de notre civilisation que chez nous comme avec le roi Arthur et Boudicca.
C'est donc aux Bretons de faire vivre leurs héros et les valeurs qu'ils exprimaient...
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