L opéra  La Calisto  à Rennes
L opéra La Calisto à Rennes © Domaine public

La Calisto à l’Opéra de Rennes : une féerie baroque entre ciel et terre

L'opéra de Rennes accueille La Calisto, un opéra baroque de Francesco Cavalli, qui transporte le public dans un univers où les dieux s’entrelacent aux mortels dans une danse de désir, de métamorphose et de mystère. Composé en 1651, La Calisto s’inspire des Métamorphoses d’Ovide. L’histoire met en scène la nymphe Calisto, fidèle à la déesse Diane, qui devient la cible des avances de Jupiter. Pour la séduire, le dieu se déguise en Diane elle-même, déclenchant une série de quiproquos et de bouleversements. L’opéra explore les thèmes du désir, de l’identité et de la transformation, dans une atmosphère à la fois comique et tragique.

Dans cette nouvelle production la direction musicale a été confié à Sébastien Daucé. Ce compositeur était déjà connu à Rennes grâce à son succès au  Couronnement de Poppée À la tête de l’Ensemble Correspondances, le chef rennais a offert une lecture musicale d’une rare intensité, mêlant rigueur stylistique et liberté expressive. Sébastien Daucé ne dirige pas seulement la musique: il accompagne le drame. Les tempi sont modulés avec finesse, les silences sont habités, et les transitions entre récitatifs et airs se font avec une fluidité remarquable. Cette approche théâtrale donne à l’opéra une dimension vivante presque cinématographique. Sa capacité à faire dialoguer érudition et émotion, tradition et invention, confère à cette production une aura singulière. Il transforme l’opéra de Cavalli en une fresque baroque vibrante, sensuelle et profondément humaine. Les chanteurs bénéficient d’un soutien attentif, leur permettant d’explorer toute la palette expressive du chant baroque : ornementations délicates, phrasés souples, contrastes dynamiques. La musique devient alors le miroir des passions, des mensonges et des métamorphoses qui traversent l’intrigue.

La mise en scène a appartenu à Jetske Mijnssen. Plutôt que de représenter les dieux dans leur majesté céleste, Mijnssen les installe dans un monde de conventions sociales et de faux-semblants, inspiré des Liaisons dangereuses. Les décors évoquent les salons aristocratiques, où les personnages évoluent comme dans une comédie de mœurs, masquant leurs intentions derrière des gestes codifiés et des costumes raffinés. Cette transposition permet de mettre en lumière les dynamiques de domination et de manipulation : Jupiter, déguisé en Diane, devient un maître du travestissement et du mensonge, tandis que Calisto incarne l’innocence sacrifiée sur l’autel du désir divin. Jetske Mijnssen accorde une attention particulière au jeu des chanteurs. Chaque regard, chaque déplacement, chaque silence est porteur de sens. Les personnages ne sont jamais figés : ils se cherchent, se fuient, se confrontent dans une chorégraphie subtile qui rend visible l’invisible — les désirs, les doutes, les blessures. La mise en scène joue aussi sur les doubles et les reflets : Diane et Jupiter, Calisto et Endimione, vérités et apparences. Les travestissements deviennent des révélateurs d’identité, et les métamorphoses, des passages entre les mondes. Sans jamais trahir l’esprit baroque, Mijnssen propose une lecture féminine de l’œuvre, centrée sur la vulnérabilité de Calisto et la violence symbolique des dieux. L’humour reste présent, mais teinté d’amertume. Le merveilleux devient un miroir de nos contradictions modernes : entre liberté et contrôle, entre nature et culture. Jetske Mijnssen transforme un opéra mythologique en une fable humaine, sensuelle et lucide. Une réussite théâtrale qui interroge autant qu’elle émerveille.

Dans la rôle de Callisto, on a pu entendre Lauranne Oliva. Sa voix de soprano, souple et lumineuse, épouse les sinuosités de la musique de Cavalli avec une aisance remarquable. Dans les moments de douleur comme dans les élans de joie, elle parvient à transmettre une émotion sincère, sans jamais forcer l’effet. Son duo avec Endimione, empreint de tendresse et de mélancolie, reste l’un des sommets émotionnels de la soirée.

La Calisto séduit par sa richesse dramaturgique et sa profondeur symbolique. Derrière les jeux de séduction et les métamorphoses divines, l’opéra interroge notre rapport au désir, à l’identité et à la vérité. Il offert au public une expérience lyrique aussi envoûtante qu’intelligente.

Les dernières représentations sont ce weekend, le samedi à 18h et dimanche à 16h. Le spectacle est chanté en italien et surtitré en français. Tarif : de 5 à 63 euros.