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Jean-Marie Le Clézio
- Chronique -
Jean-Marie Le Clézio sur France 5 : La Bretagne est infinie, la langue bretonne est une musique
Cette sonorité du breton fait défaut maintenant. Quand vous allez en Bretagne vous n'entendez plus cette langue. C'est comme si une tempête avait soufflé sur la Bretagne et éparpillé les mot
Par Philippe Argouarch pour ABP le 12/03/20 0:22
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Le prix Nobel de littérature d'origine bretonne, et qui assume cet héritage breton comme d'ailleurs les autres "facettes" de son identité, a tenu hier soir des mots puissants et justes à propos de cette Bretagne qu'il aime tant et où il passe de plus en plus de temps dans sa maison du Cap Sizun.

Invité dans une émission spéciale de la Grande Librairie qui lui était consacrée à l'occasion de la sortie de son nouveau livre Chanson bretonne, qui sort demain, Jean-Marie Le Clézio a expliqué son enracinement ou selon ses mots "son rhizome" dans cette terre de légendes où l'on côtoie des survivances du néolithique. C'est ici qu'est le Penn ar bed, le début du monde, comme le prouve ce vieux massif Hercynien sorti de l'eau il y a 400 millions d'années et qui nous relie aux Appalaches en Amérique, et à l'Oural en Russie.

Chanson bretonne

Si je devais choisir un pays auquel je serais attaché par quelque chose qui ressemblerait à une racine, mais pas vraiment une racine mais une sorte de rhizome, ou quelque chose de souterrain comme les ronces qui courent et qui se resèment le long d'une terre, ça serait ce pays-là__JM. Le Clézio.

Le Clézio a parlé de Sainte-Marine au Pays Bigouden où il passait de merveilleuses vacances d'été avec son frère et où il a eu la chance de connaître une Bretagne des années 50 où l'on entendait parler breton partout et où la nature, la terre, comme la mer, berçait le quotidien.

C'est une grande tragédie, c'est un drame important lorsqu'une langue disparaît, je regrette beaucoup la disparition de la langue bretonne, telle qu'elle a été organisée sciemment par l'Education nationale [...] Cette langue, qui, lorsque j'avais une dizaine d'années, était parlée par tout le monde, on l'entendait partout. C'est une musique la langue bretonne. C'est une musique très différente de la musique de la langue française. Cette sonorité du breton fait défaut maintenant. Quand vous allez en Bretagne, vous n'entendez plus cette langue. C'est comme si une tempête avait soufflé sur la Bretagne et éparpillé les mots.__JM Le Clézio

Le Clézio est un immense écrivain qui a exploré lui-même les richesses des sous-cultures de l' Afrique au Mexique. Il a compris depuis longtemps que la culture bretonne en faisait partie. A ce sujet on ne peut que citer l'Académie suédoise lors de l'attribution de son Prix Nobel : "Un écrivain de la rupture, de l'aventure poétique et de l'extase sensuelle, l'explorateur d'une humanité au-delà et en-dessous de la civilisation régnante".

Cet article a fait l'objet de 2601 lectures.
logo Philippe Argouarch est un reporter multi-média ABP pour la Cornouaille. Il a lancé ABP en octobre 2003. Auparavant, il a été le webmaster de l'International Herald Tribune à Paris et avant ça, un des trois webmasters de la Wells Fargo Bank à San Francisco. Il a aussi travaillé dans des start-up et dans un laboratoire de recherche de l'université de Stanford.
Vos 9 commentaires
Laer-noz Le Jeudi 12 mars 2020 08:35
Il faudrait l'inviter à s'inviter dans toutes les communes villes et villages de Bretagne, dans les mairies, les "Maisons des Jeunes et de la Culture(?); où il s'exprimerait avec sa notoriété, de cette façon et avec ces/ses mots forts et ses émotions, ses retrouvailles!
Il pourrait constituer avec d'autres écrivains et intellectuels "bretons" assez timorés, une sorte de club des vieilles canailles en itinérant et ...militant!
S'exprimer au plus près du biotope où meurent les facettes et les rhizomes! Ou plutôt finissent de mourir!
L'homme, l'intellectuel qui nous manque c'est une évidence? C'est certain.
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spered gouez Le Jeudi 12 mars 2020 10:40
On ne saurait dire mieux. Merci Jean-Marie Le Clézio !
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Burban xavier Le Jeudi 12 mars 2020 17:41
Je vous remercie Mr Le Clézio en exprimant cette phrase " Quand vous allez en Bretagne , vous n'entendez plus cette langue . C'est comme si une tempéte avait soufflé et éparpillé les mots " . Quelle lucidité , quelle compréhension de ce que c'est une culture et la diversité dans le monde ! Quelle est la force jointe à l'émotion de cet homme !
Pour ma part , j'ajouterai volontiers le vent est en train de semer les mots du breton pour qu'ils germent sur de plus vastes territoires tels des akènes qui sont des fruits qui donneront des arbres .
La nature de cette culture bretonne : c'est d'attendre son printemps qui viendra . Le vide n'est pas , cette semence de mots bretons trouvera son terreau pour renaitre . J'en suis certain ! Certes , le vent est parfois fou , mais l'espoir aussi ! Un avel mat zo ganeomp !
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Rafig Le Vendredi 13 mars 2020 13:01
Très bon récit de ce qu'est l'identité bretonne découverte par un jeune dans les années 50. Ce témoignage rejoint "la découverte ou l'ignorance" de Morvan Lebesque au Panthéon des bretons qui ne veulent pas voir la Bretagne disparaître.
Malheureusement, je croix que c'est l'un des derniers "intellectuels" d'origine bretonne à s'émouvoir de ses racines. Un jeune écrivain de 2020 n'a plus la possibilité de s'en apercevoir tant les preuves de la Bretagne ont disparues.
Bretagne démembrée à la géographie trompeuse, langues bretonnes quasi éradiquées que l'on n’entend plus dans les rues et entre amis, l'identité même oubliée pour se fondre dans une grand vide "moderne" et peuple breton dispersé pour le travail.
Triste république ... comme Tristes tropiques.
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Yann pevar Le Samedi 14 mars 2020 13:44
Pour tempérer l’enthousiasme envers le prix Nobel poullanais il est bon de rappeler qu’il est comme Yvon Ollivier pour l’accueil inconditionnel des migrants...
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Jo Kergaden Le Dimanche 15 mars 2020 22:47
@ Yann Pevar si vous dites vrai, ça me rend Jean-Marie Le Clézio, grand voyageur, citoyen du monde de par sa naissance et son parcours, d'autant plus sympathique! Aimer et s'engager pour sa culture, savoir et pouvoir dire d'où on vient n’empêche en rien d'être curieux de l'autre, ouvert à l'autre et de s'enrichir au contact de sa culture, différente et singulière. Et puis, n'oubliez jamais qu'il n'y a pas si longtemps, c'étaient les Bretons, fuyant la misère (même pas la guerre et les bombardements) qui étaient des migrants. Heureusement qu'ils ont rencontré des gens autrement plus humains que vous pour les accueillir aux six coins de l'hexagone et partout dans monde. Dalc'hit sonj ma oa bet ar Vretoned, n'eus ket pell 'zo, an divroidi hag ar repuidi. Digorit ho kalon 'ta, ho ti ha, da gentan rac'h, ... ho spered!
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Jorj Bro-Dreger Le Mardi 17 mars 2020 12:18
Je découvre Le Clezio que je ne connaissais pas, en tant que défenseur de la langue bretonne il gagnerait peut être à être plus connu sauf que dire je suis pour la langue bretonne n'est pas suffisant.
@anholldud, Concernant le multiculturalisme c'est une idéologie en fin de vie, le Danemark et le gouvernement sociale-democrate de Mme Frederiksen une femme de gauche ont mit un terrible coup de frein à l'immigration afin de sauver l’état providence et regagner la confiance du vote populaire parti à l’extrême droite, la-bas si vous êtes immigrationniste vous n’êtes plus élu.
Il faut savoir que le Danemark est le pays d'Europe le plus avancé sur l'immigration et le multiculturalisme et que ce cycle se termine.
Si Le Clezio est vraiment féru des migrants alors sur ce point il appartient au passé c'est son droit le plus légitime.
Bretons nous sauverons Breizh en regardant plus loin que le crépuscule idéologique de paris.
@Jo, La misère même si elle a exister n'a pas concerner tout le monde en Bretagne, moi même mes ancêtres s'en sont plus ou moins bien sortis, je n'ai jamais entendu ma famille parler de famine, de vivre dénuder ou d’être au chômage.
D’ailleurs je pense qu'il vallait mieux vivre ici même pauvre que de finir prostituer comme une des très nombreuses bretonnes dans les rues de paris ou trimer dans une usine qui te fais crever à 60 ans pour une paie de merde et vivre dans un clapier à lapin...quelle humanité ces bons colonisateurs...nous envahir, nous ruiner, nous exploiter et nous faire crever.
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Dan korr Le Mardi 17 mars 2020 14:43
Désolé de parler de moi mais je parle aussi pour d'autres. Ayant vécu chez mes grand-parents avant l'entrée à l'école, le breton a été ma première langue qui ensuite a été mise en quarantaine dans mon coeur, dans mon esprit dans mon corps tout entier. Soixante ans plus tard, je plonge encore dans les yeux de ma grand-mère, interdite de me parler... J'avais 7, 8 ans et dans la famille j'entends encore lui dire et lui répéter sans cesse: "arrabat komz brezhoneg d'ar bugale. Lavaret hon n'eus dit dija..." Passons et regardons devant... J'ai décidé de combler un vide qui m'embarrasse depuis si longtemps. Il faudrait que je rencontre des bretonnants bien sûr... En tous les cas, à cette heure, je suis attablé avec mes méthodes,livres et dictionnaires et j'étudie. Le déclic: mon fils qui ne parle pas breton (forcément avec un père contrarié) a scolarisé sa fille à Diwan. Au lieu de ruminer une sorte de honte mortifère, il faut que je me prémunisse d'en vivre une seconde et que j'assume parce que sinon je vais me retrouver bientôt comme un paour-kaezh den devant ma petite fille.
Non , la langue bretonne n'est pas morte. An avel zo ganeomp ! comme dit Xavier. Merci M. Le Clezio. C'est lorsqu'on a la chance d'avoir des identités multiples que l'on peut parler avec autant de force, de vérité et d'émotions de chacune d'entre elles. Et puis comme il faut bien être de quelque part pour aller vers d'autres ailleurs, Pen Ar Bed est un bon port d'attache. Vraiment merci. Je vais aimer votre livre.
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PCOSQUER Le Mercredi 18 mars 2020 00:18
@ Dan Korr! Setu dindan kuzulioù zo bet roet d'ar pobloù o defe c'hoant da gavout o yezh kollet en dro... 'na zo labour Josua FISHMAN, un arbenigour war an danvez... ha gwir eo ez eus tud eus hor rummad gant ar c'hoant tostaat ouzh ar brezhoneg ... an hini komzet dreist-holl... Mat eo ar youl-se met ken pouezus-all ez eo asentiñ e vefe ur yezh boutin d'an holl pezh n'eo ket ur gwirvoud c'hoazh en hor rummad : ur yezh graet ganti e Breizh Istorel a-bezh...an hini standard eo. Hogen o deus c'hoant an dud da zeskiñ yezh o bugaleaj en dro pe glevout anezhi en dro. Amañ emañ an dalc'h. Ret eo labourat e doare ma vefe tostaet an daou da lavarout eo an hini peurunvan ouzh an hini komzet rak saveteerezh ar brezhoneg a vo graet gant ar bopl a-bezh ha pas gant ar re yaouank hepken... Komzit d'ho mab-bihan!!!! Ma mab din-me a gomz bzg hag 3 bloaz hanter eo...Ha me 'zo bet ha ne oan ket evit komz! Cheñchet eo an traoù...
J. FISHMAN d'après la thèse de Anna TRESHOLAVA:
"Il voit le coeur du maintien et de la vitalité dʼune langue dans la transmission
intergénérationnelle et propose les recommandations pratiques suivantes :
- commencer « par le bas » - donc, par la famille et les relations de proximité comme
voisinage, communautés et réseaux amicaux
- ne pas gaspiller ses efforts en voulant atteindre tous les buts souhaités à la fois
- viser à tout moment lʼobjectif principal : la transmission intergénérationnelle
Pour Fishman, lʼassistance par le haut fait partie de la revitalisation, mais nʼa pas dʼeffet si
les structures de proximité ne sont pas renforcées en amont (Fishman 1991 : 4-12). Le point
de départ de toute action de ce type se trouve dans la conscience et la volonté collective dʼune
population donnée"
Paul MOLAC a raison quand il dit qu'il faut travailler sur la population Bretonne.
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