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- Point de vue -
Il faut une science politique nouvelle à un monde tout nouveau

pour Mikael Moazan le 11/10/07 12:57

« Il faut une science politique nouvelle à un monde tout nouveau »

Cette phrase de Tocqueville dans l'introduction de « De la démocratie en Amérique » est d'actualités. A la veille de modifier les institutions de la République française il serait opportun de convoquer les pensées inédites afin d'éviter une répétition du même. Il s'agit moins d'entrer dans l'histoire en singeant le passé que de faire histoire.

Le véritable danger qui nous menace est identique à celui qui a voilé la face de Tocqueville. Le logiciel de Sieyes fonctionne à merveille dans les esprits formatés pour le recevoir. C'est la pensée nationaliste. Le formatage commence à l'école primaire et se poursuit au-delà des études supérieures. On ne raisonne pas sur la nation. On y déraisonne toujours.

Instrument idéal pour priver le peuple de sa souveraineté – la souveraineté nationale appartient au peuple qui l'exerce par ses représentants- la nation a toujours été un subterfuge.

« A l'instant qu'un peuple se donne des représentants, il n'est plus libre ; il n'est plus » a écrit Jean-Jacques Rousseau.

Ernest Renan, en parlant de la nation, évoque un principe spirituel dans un romantisme oublieux du massacre de Conlie. Quand la mémoire va chercher du bois mort, elle ramasse les fagots qu'elle veut.

On ne luttera pas contre l'idéologie nationaliste française en lui opposant une version miniaturisée d'une idéologie de la nation bretonne qui reproduit les mêmes travers et conséquences délétères. Cette rhétorique de la nation a existé en des temps et des circonstances qui ne nous sont plus contemporains. On ne portera pas de jugement sur une époque passée. Tout discours, tout texte, sont toujours de circonstances. Bien que la forme soit identique, le mot nation, français, et nation, en anglais, recouvrent des champs sémantiques différents. Les Allemands ont un autre concept, les Amérindiens aussi.

Dans l'élaboration d'une constitution, il convient d'utiliser des mots dont le sens ne peut être équivoque. Supprimer le roi, c'était effacer une personne tangible titulaire de la souveraineté. Le transfert de la souveraineté au peuple n'était pas l'objectif d'un mouvement qui voulait s'emparer des pouvoirs et des privilèges et constituer une classe nouvelle. On mettait Rousseau hors-jeu. Mais transférer la souveraineté à la nation, intangible, revenait à l'oblitérer. Le surgissement du représentant apparaissait alors comme une ruse idéale.

La nation neutralise le peuple.

Le peuple est d'autant plus neutralisé que les représentants, en réalité ne représentent personne, et moins encore une circonscription. Il sont les représentants de la Nation et c'est ce qu'affirme l'article 27 de la Constitution de 1958 quand il édicte que : Tout mandat impératif est nul. Sieyes a parfaitement exprimé cette volonté : « S'ils (les citoyens) dictaient des volontés ce ne serait plus un état représentatif, ce serait un état démocratique ».

Qu'on se le dise : la république est née en s'opposant à la démocratie. Elle en est une négation. La nation est alié-nation.

Le peuple neutralise l'individu.

Il existe un paradoxe fondamental qui oppose les droits des peuples aux droits de l'homme. Il est clair, cependant, qu'en droit international le principe du « droit des peuples à disposer d'eux-mêmes » fait référence à la notion de population et non à celle d'un peuple-nation.

J'ai rencontré des individus qui parlaient au nom du peuple breton, mais je n'ai jamais eu l'opportunité de rencontrer le peuple. J'ai rencontré Yann, Padrig, Katel. Je ne suis pas certain que la volonté du peuple telle que décrite par mes premiers interlocuteurs soit celle de Yann, moins encore celle de Katel. Certes un point-de-vue holistique est défendable, mais ses travers doivent être soulignés. Au concept de peuple breton, j'opposerai la réalité vivante du Breton, plus simple, réellement signifiant et qui à l'avantage de faire référence à une personne tangible.

Après tout, des chiffres colligés par une insee bretonne pourraient nous faire accroire que le peuple breton est prospère, alors que Yann vit toujours dans la misère.

Ce qui importe est la souveraineté de Yann, sa liberté. Comme la Bretagne, qui n'existe que par les Bretons qui lui donnent vie, le concept de peuple breton ne peut exister que par le principe d'incorporation individuelle et volontaire. Encore faut-il qu'il ne soit pas laissé pour compte dans le corps social.

L'objectif cardinal d'une Constitution est de protéger la liberté individuelle. La Cour Suprême des Etats-Unis rappelle souvent ce principe et c'est ce qui explique la durée de cette constitution. C'est l'individu qui est souverain.

Et c'est avec ce prisme qu'il faut entreprendre tout travail constitutionnel.

L'échafaudage du fédéralisme part donc de la personne in situ et ne s'élabore qu'à partir d'elle. Le mouvement des réseaux d'appartenances qui se tissent suit un cours opposé à celui du système jacobin, tout comme à celui de la dévolution ou de la régionalisation. Quand ces derniers accordent des droits, par crainte ou par condescendance, le fédéralisme les considère comme des droits naturels inaliénables. Le niveau fédéral n'est qu'un niveau résiduel totalement dépendant des parties qui le composent. La subsidiarité est toujours ascendante.

C'est au niveau le plus local que se trouvent les compétences de principe. Au-delà, il ne s'agit que de compétences d'attribution.

Il faut sortir de l'absolutisme de la souveraineté et de l'héritage pervers de Jean Bodin pour ouvrir les portes de la souveraineté partagée. L'individu souverain connaît ses limites. Il s'associe, il utilise la subsidiarité. Et c'est aussi ce que font les états fédérés.

Ce que Tocqueville n'a pas saisi, à cause de va vision nationaliste et unitaire, c'est qu'il existe une ligne infranchissable pour un pouvoir fédéral qui ne dispose que de pouvoirs attribués. Il a toujours été partisan du renforcement du gouvernement fédéral, ce qui est une contradiction foncière avec le principe même du fédéralisme.

Penser une Bretagne fédérale, dans une France et une Europe fédérales, c'est faire appel à une espèce de fédéraison. A la question mal posée de l'organisation territoriale, - qui organise ?, nous préférons celle de la distribution territoriale dans une liberté de contracter ou de ne pas contracter. On nous parle de « pays ». Et si ici ou là, ils entendent autre chose ? La plasticité du terme laisse rêveur.

Parle-t-on d'intérêt local ou, en fait, d'un intérêt régional localisé ?

Il semble que tout soit déjà organisé. Et la belle jambe : ce n'est plus imposé par Paris, mais par Rennes.

J'invite vivement tous les Bretons à écrire au comité Balladur. Non pas en miniaturisant un paradigme, mais en en inventant de nouveaux.

Etre Breton aujourd'hui, c'est déjà penser autrement. C'est se choisir ses réseaux d'appartenances qui dépassent souvent la contrainte territoriale.

Par son regard sur l'univers, le Breton est toujours post-moderne.

Il est fait pour la route.

Ils sont venus de Galles et d'Irlande . Ils sont aujourd'hui aux quatre coins du monde. Le voyage breton se poursuit. Il n'est pas circulaire.

La Bretagne est belle parce qu'elle est ce qui advient. Elle est toujours un demain.

BreizhFed

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