Chronique
Invasion estivale : Comment expliquer la Bretagne à nos visiteurs ?
Plomelin/Ploveilh.- Suite du journal de campagne de J.C. Perazzi
Cette fois c'est parti. Le beau temps aidant, le flot des 9-3 et autres départements, se déverse sur la Bretagne. Où, si l'on veut parler branché, sur le 2-2, le 4-4, le 5-6 et le 2-9.
Mais il faut redevenir sérieux. Nos visiteurs de l'été ne se contentent pas de venir chez nous pour se refaire une santé en humant notre bon air chargé d'iode. Ou encore prendre part à l'un de ces nombreux et grands rassemblements festifs dont la Bretagne a le secret. S'initier à la danse bretonne lors d'un fest noz ; à la langue à la faveur d'un stage. Déguster un whisky « bien de chez nous » . Profiter d'une grande marée pour pêcher tous les trésors de nos mers. Marcher le long du canal, sur un chemin côtier. Découvrir une chapelle, un monument qui a résisté à l'épreuve du temps. Se livrer encore à une foule d'activités diverses. Ce qui leur fera dire, en retrouvant les leurs : « Certes, on n'a pas eu du soleil tous jours, mais on a passé du bon temps et on ne s'est pas ennuyé ! »
Curieux de tout…
En effet. Nos visiteurs de l'été ne se seront pas contentés de se livrer à des activités ludiques sportives et autres. Loin de là.
Voilà pourquoi ils vous auront bombardé de questions auxquelles vous n'aurez peut-être pas su toujours donner une réponse.
Ainsi il est possible qu'ils vous aient demandé des explications sur la conception, la géométrie complexe des coffres paysans du Léon et de Haute-Cornouaille des XVIe et XVIIe siècles. Ayant découvert des dolmens et des menhirs, ils n'auront pas manqué de vous interroger sur leur signification, espérant que vous êtes un spécialiste de l'ésotérisme celtique. Des passionnés d'Histoire contemporaine auront été tenté de savoir si la Bretagne a ou non un destin européen. Et puis il y a ceux qui, ayant collecté lors de leurs pérégrinations proverbes et dictons, vous demanderont, sceptiques, si « pa ra ti to » , signifie bien : « si tu construit une maison, mets lui un toit. » D'autres encore, venus parfois de loin et évoquant l'existence d'un ancêtre breton, auront apprécié que vous leur disiez l'origine ou la signification de leur nom.
… Et même plus
Et puis la discussion aura pu prendre un tour, disons, plus politiques, voire polémique. Et là les choses auront été moins simples.
Quelques exemples d'interrogations, de questions auxquelles vous aurez pu ou non répondre ; ou vous en tirer en donnant un simple avis.
- La Bretagne croule sous la production de poulets, de porcs, de lait et ses terres sont saturées de produits polluants. L'agriculture et l'agroalimentaires constituent le tiers de vos emplois, de vos revenus, de vos exportations. Une telle activité économique peut-elle durer indéfiniment ? N'est-elle pas sans conséquence pour l'environnement ? N'y a-t-il pas d'autres modèles de productions agricoles à imaginer ?
- Vous avez refusé la construction d'une centrale nucléaire. Mais avez-vous des solutions alternatives pour produire l'électricité dont vous avez besoin ?
- Vous vous battez pour obtenir un gain de quelques minutes pour vos trains entre Paris et l'extrémité de votre pays ? Est-ce si nécessaire et n'y aurait-il pas mieux à faire en améliorant la circulation routière et ferroviaires sur des axes nord-sud et non plus est-ouest ?
- Vos villes, petite et moyennes, au cœur de leurs « pays » sont souvent des modèles du genre ? Est-il indispensables de prévoir leur extension continuelle ? Est-il aussi judicieux que vos grandes cités prévoient des démolitions de quartiers entiers, pour y dresser des buildings sur le modèle parisiens et entasser du même coup des populations qui pourraient mieux vivre étant mieux réparties sur l'ensemble du territoire.
- Vos côtes sont magnifiques et, le plus souvent préservées. S'il n'y est pas mis un arrêt, leur bétonnage ne va-t-il pas à terme détruire ce qui fait leur charme, comme cela s'est produit ailleurs ?
Et ainsi de suite
Bon courage pour les explications, sûrement judicieuses et pertinentes, que vous ne manquerez pas de donner à nos visiteurs.
Jean-Charles Perazzi