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- Chronique -
Lettre à Xavier Grall
Xavier, Trente ans après ton départ, je vois fleurir dans toutes les gazettes des hommages plus chaleureux les uns que les autres. Comment ne pas s'en réjouir ? Je me vois obligé d'ajouter mon couplet écrit
Par Jean-Charles Perazzi pour JCP le 16/12/11 23:22


Xavier,


Trente ans après ton départ, je vois fleurir dans toutes les gazettes des hommages plus chaleureux les uns que les autres. Comment ne pas s'en réjouir ?

Portrait et vie de l'écrivain, du poète, du journaliste, de l'essayiste, du polémiste, rappel de ton oeuvre considérable : n'en jetez plus…

Je me vois obligé d'ajouter mon couplet écrit à l'encre d'une plume non objective.

Tout démarre au cours de l'été 1973.

L'appel téléphonique, puis la lettre que je reçois alors, ont le ton d'un chant joyeux. En substance : « Adieux Sarcelles ! Je rentre au pays après vingt-deux années d'exil. »

Un temps dans la maison familiale de Landivisiau, puis te voici avec tes siens dans une ancienne ferme de Bossulan, à Nizon.

Je rédige un texte pour mon quotidien, sur le thème : « Le retour du poète au pays. » Rien ne paraît. Au bout de quelques jours j'apprends… que rien ne paraîtra. Motif : ta collaboration au journal a cessé quelques années auparavant à la suite d'un incident qui t'a opposé, à l'Assemblée nationale et à un huissier et à Olivier Guichard. Le plus insolite est qu'un article presque identique au mien paraîtra un peu plus tard. Cette fois, le censeur n'avait pas été assez vigilant. Rappelle-toi, nous avons bien rigolé en le découvrant.

Quelques années plus tard, parait « Le cheval couché » . Une réponse en forme de coup de gueule au « Cheval d'orgueil » de Pierre-Jakez Hélias. Plutôt mal à l'aise (Hélias est aussi un ami), je suis chargé de présenter l'ouvrage dans la chronique. Tu t'expliques, en reconnaissant que ton livre est « vulnérable » : « J'ai la conviction que les Français sont allés au livre d'Hélias comme ils vont à la résidence secondaire ou comme Marie-Antoinette allait à la bergerie(…) Le « Cheval d'orgueil » est un beau tombeau pour un peuple que l'on croit mort. Pour ma part j'ai essayé d'élever une stèle à un peuple que je crois vivant ».

Cette fois il me faut rendre compte de l'émission « Apostrophe » (le 8 juillet 1977). Pas facile, compte tenu du tour qu'elle prendra. Que des Bretons sur le plateau : Pierre-Jakez Hélias, Yves Le Berre, Charles Le Quintrec, Youenn Gwernig. Glenmor a refusé l'invitation. Tu donnes le ton et ça s'étripe joyeusement. Pivot boit du petit lait.

Hélias et toi vous vous réconcilierez le mois suivant, autour d'un verre, à Lorient, lors d'une séance de signatures. Et le Bigouden, finaud, me confiera en tirant sur sa bouffarde : « Au bout du compte, le livre de Xavier a contribué à faire connaître encore plus mon cheval » .

Dans le froid de décembre de la même année, nous voici à Locmaria-Berrien. Tu trônes, pour la présentation d'un livre de Claude Planson, au milieu d'un parterre de confrères du Monde (Lacouture), du Figaro (de Plunkett), du Matin (Jean Bothorel) et du Nouvel Observateur (Vaillant). Ils découvrent, un peu éberlués, la vie des Bretons de Bretagne centrale et le fest-noz. Rappelle-toi, ce soir-là tu as fait sensation… avec ton immense chapeau de feutre noir à la Bokassa. Et nous avons porté Plankett, fatigué, jusqu'à son lit.

En 1979 parait Stèle pour Lamennais. Tu me parles de « Féli » (Félicité-Robert de Lamennais) comme s'il était ton frère : « Son côté progressiste, décentralisateur (…) m'a séduit. A mon avis il est plus près de 68 et même de la Commune que de 89 » .

Un bref coup de fil de Glenmor m'apprend la nouvelle, le matin du 11 novembre 1981 : « Xavier est mort » . Tu étais mal depuis un certain temps. Mes passages promis à Botzulan se faisaient rares, faute de temps. Françoise, ta veuve, m'accueillera sur le seuil de la maison : « Il attendait ta visite ; ce n'est pas aujourd'hui que tu aurais dû venir ». Dur, mais mérité.

Françoise rappelle l'autre jour à un confrère (Thomas Segui) le titre de l'un de tes poèmes : « Allez dire à la ville que je ne reviendrais pas » .

Et un autre, l'ami Paul Burel, dans le même journal (Ouest France), citant l'adjoint à la culture de la ville en question (Paris) : « Plus que d'autres, il a porté l'appel à vivre et travailler au pays. Un appel romantique et quelque peu désespéré » . Dans la foulée, l'élu annonce qu'une plaque sera opposée à ta mémoire sur la façade du 58, rue du Théâtre de la capitale.

Et la vie continue, Xavier.

Jean-Charles Perazzi.

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